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Nouveaux tailleurs de pierre ?
La pierre-papier attire un nombre croissant d’investisseurs séduits par les nombreux avantages par rapport à l’investissement immobilier en direct. En parallèle, se développe un investissement alternatif : le crowdfunding. Plus rentable, il est aussi plus risqué.
Selon l’Insee, 68% de leur patrimoine est investi dans la pierre et 57,8% des Français sont aujourd’hui propriétaires de leur résidence principale. Dans le même temps, le pays souffre d’un manque structurel de logements. Pour pallier la sous-offre locative et encourager la construction de logements neufs – et soutenir par là-même l’activité du BTP – les lois se succèdent depuis les années 80, au gré des gouvernements, pour encourager l’investissement locatif. Chacune a ses conditions d’application, mais toutes sont fiscalement avantageuses. Dans un pays où la fiscalité est pesante sur la plupart des placements, la possibilité de réduire ses impôts ou de percevoir des revenus défiscalisés en devenant propriétaire d’un bien immobilier est une opportunité de taille. Les dispositifs fiscaux permettent de diminuer le prix d’acquisition du bien immobilier dans le neuf (loi Pinel, loi Censi-Bouvard), de rénover et réhabiliter des logements anciens à coûts allégés et de participer à la sauvegarde du patrimoine (loi Malraux, loi Monument historique). Tous contribuent finalement à améliorer la rentabilité de l’investissement locatif, devenu aujourd’hui le réflexe pour préparer sa retraite, se constituer un patrimoine et transmettre un bien à ses enfants. Dans cette perspective, la pierre-papier tire chaque année un peu plus son épingle du jeu.
L’engouement pour les SCPI ne faiblit pas
Alternative au placement en direct dans la pierre, les sociétés civiles de placement en immobilier (SCPI) ont en tout cas le vent en poupe. En 2016, avec un total de 5,56 milliards d’euros de collecte (+30% par rapport à l’exercice 2015), les SCPI ont atteint un nouveau record historique. Cette attractivité remarquable peut être mise en perspective avec le rythme de collecte observé de 2010 à 2014 qui était compris entre 2,46 et 2,93 milliards d’euros, selon l’Association française des sociétés de placement immobilier (ASPIM). Coté rendement, les SCPI ont, il est vrai, de quoi séduire. Elles ont offert un taux de 4,63% l’an dernier, contre environ 2% pour l’assurance-vie. Selon Arnaud Dewachter, délégué général de l’ASPIM, « cette performance des SCPI témoigne du maintien de la solidité financière de ces sociétés au terme de dix années de crise financière ». Au-delà du rendement, les sociétés civiles de placement en immobilier présentent le triple avantage d’être accessibles au plus grand nombre, d’exonérer le particulier des soucis de gestion et d’être un placement bien plus rapide à monter qu’une opération d’immobilier physique.
Le premier avantage de la SCPI est son ticket d’entrée, bien plus modeste que le moindre studio en province. « Les SCPI se différencient d’un investissement direct par rapport à la mise initiale requise : vous pouvez devenir associé d’une SCPI, et donc accéder à des immeubles de qualité, avec quelques milliers d’euros seulement, contre un apport de fonds important pour un achat en direct », souligne Arthur Poisot, conseil en gestion de patrimoine du réseau Fiducée Gestion Privée. Autre atout de cet investissement dans la pierre-papier : la mutualisation des risques. « Le patrimoine des SCPI est par nature important et diversifié. En cas de problème avec un locataire, l’impact sur la rentabilité de la SCPI sera presque indolore », explique Thibaut Lallican, dirigeant du cabinet IGC. Troisième avantage : l’absence de contraintes locatives. « L’ensemble de ces contraintes, ou des besoins de travaux sont pris en compte par le gestionnaire de la SCPI alors qu’en direct, l’investisseur gère lui-même le bien, ou fait appel à une agence », souligne Arthur Poisot.
Attentions aux frais
Toutefois, elles ne sont pas dépourvues d’inconvénients. Les frais de souscription peuvent ainsi être élevés. A cet égard, une étude de Primaliance révèle que les frais de souscription à l’entrée évoluent entre 8,5% et 14%. Quant aux frais de gestion annuels, ils sont de 12% TTC. Par ailleurs prévient Thibaut Lallican, « leur durée de détention est longue et leur revente avant échéance parfois plus compliquée que prévu. Dans ce cadre, je ne saurais que trop conseiller à l’investisseur de se renseigner sur les actifs de la SCPI avant de se lancer ».
Le crowdfunding, un rendement très séduisant
Dans l’univers de l’immobilier, un autre placement émerge progressivement : le crowdfunding (don, prêt, investissement en capital). En 2016, les internautes ont investi près de 60 millions d’euros dans le crowdfunding immobilier, soit deux fois plus qu’en 2015. Et cette dynamique devrait s’amplifier cette année. Cette forme de financement participatif collecte des fonds destinés à financer des projets de promotion immobilière. L’épargnant « entre » dans une telle opération de construction d’un programme neuf de logements (social ou privé) ou de bureaux aux côtés de professionnels avec une mise modeste (quelques centaines ou milliers d’euros). « Cette somme sert à soutenir les fonds propres du promoteur. Cette assise financière assortie d’un taux avancé de commercialisation du programme de 40 à 50%, lui sont souvent nécessaires pour décrocher un financement bancaire », explique Souleymane Galadima, directeur général de Wiseed Immobilier, l’une des plateformes leader du secteur. En contrepartie d’une immobilisation des fonds pendant 12 à 24 mois, l’investisseur perçoit un rendement annuel de 8 à 12%. Attention, ce taux n’est jamais garanti et une perte en capital est toujours possible, contrairement aux SCPI. La performance à la sortie va dépendre du bon déroulement de l’opération immobilière. « Nous vérifions en amont la structure, la solvabilité, la fiabilité, les partenaires et la qualité des chantiers du maître d’ouvrage », assure Souleymane Galadima. A l’image de ses concurrents comme Anaxago ou Fundimmo, Wiseed réalise un tri très sélectif des dossiers proposés en ligne.
Beaucoup de plateformes adoptent le système du prêt par le biais d’une souscription d’obligations à travers une structure (holding, société par actions simplifiées). « Au-delà des acteurs du projet, nous veillons également à ne proposer que des projets viables, qui iront à leur terme. Nous nous assurons notamment de l’existence d’un réel marché pour chaque projet. La pré-commercialisation est analysée avec beaucoup d’attention», précise Jérémie Benmoussa, co-fondateur & directeur Général de Fundimmo.
Bien peser le pour et le contre
« Cependant, comme dans tout produit financier, le rendement affiché est en lien direct avec la prise de risque et la perte éventuelle en capital. La performance annoncée n’est jamais garantie », rappelle Jérémie Benmoussa. Plusieurs facteurs peuvent ralentir la commercialisation de l’opération ou bloquer le chantier. C’est le cas de problèmes administratifs et juridiques (recours, annulation du permis de construire), de soucis liés à la construction (problème de dépollution, intempéries, etc.) ou d’un rythme de commercialisation finalement plus long que prévu. Surtout, le promoteur peut faire faillite. Or c’est à la livraison du bâtiment et lorsque la totalité des lots sont vendus que le crowdfunder est remboursé. Ainsi, les conseillers en gestion de patrimoine ne sont guère enclins à recommander ce genre de placement à l’image de Gérald-Henri Vuillien, associé-gérant de CFGP. « Je suis très réservé sur le crowfunding dans l’immobilier tant qu’un encadrement strict et un contrôle sévère des intervenants ne seront pas clairement établis sur ce créneau. »
Pierre-Jean Lepagnot