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Coques en stock
Louis Haincourt a prouvé sa précocité entrepreneuriale en créant une boîte à 16 ans. Quatre ans plus tard, il développe Dealer de Coque en parallèle de ses études.
A 15 ans, alors que ses camarades révisaient leur brevet, Louis Haincourt faisait ses premiers pas dans l’entrepreneuriat. C’était en 2010 et presque par hasard : pour ne pas abimer son iPhone 3G, le jeune homme, qui rêvait alors de devenir journaliste, se met en quête d’une coque. Il commence par faire le tour des magasins, mais son argent de poche ne lui permet pas de s’offrir les premiers prix du marché, de 20 à 30 euros le bout de plastique. Sur Internet, même constat après une rapide recherche : aucune offre bon marché. Alors il fouille dans les recoins du Net, avec des requêtes en anglais dans les moteurs de recherche. Au détour d’une page, il finit par découvrir un lot de 100 pièces, made in China, pour une centaine d’euros. Le collégien tente le coup. Il conserve dix coques de couleurs différentes pour lui-même, et vend le reste à des copains de classe et sur Le Bon Coin pour une poignée d’euros. Très vite, l’entrepreneur précoce tombe en rupture de stock et devant l’insistance de ses camarades, se décide à repasser une commande en Chine, en envoyant ses propres dessins pour personnaliser les coques. Puis une autre, et encore une…
Lycéen-entrepreneur
Bientôt, il apparaît plus pratique de créer un site marchand pour écouler son stock, plutôt que de rencontrer personnellement chaque acheteur après la première approche sur Le Bon Coin. Ses 16 ans révolus, le Versaillais décide d’officialiser les choses, en se rendant à la Chambre de commerce et d’industrie des Yvelines pour déposer les statuts de son entreprise, en avril 2011. Pas sans peines : « Créer sa boîte avant la majorité est un parcours du combattant. J’ai profité d’un flou juridique, mais cela ne pouvait se faire que sous le statut de l’EIRL, et j’ai dû attendre deux mois et demi avant que ma demande soit validée, alors que cela se fait normalement dans la journée », se souvient Louis Haincourt. Comme il lui était aussi impossible de créer un compte professionnel avant l’âge du permis de conduire, il a dû se contenter d’un compte personnel. Et à chaque signature de contrats, l’un de ses parents devait être présent à ses côtés. Pour les entrepreneurs précoces, difficile de couper le cordon. Celui qui vient d’embaucher son premier employé découvre aussi les contraintes de la vie de patron : « Un site de e-commerce ne peut pas fermer, donc je ne peux pas prendre plus de quatre jours de vacances de suite ».
Premières récompenses
Heureusement, les premières récompenses n’ont pas tardé à tomber. D’abord parce que le pianiste s’est découvert une passion pour l’entrepreneuriat : « J’aime développer un projet de A à Z, ainsi que l’indépendance et l’autonomie que cela procure ». Ensuite, parce que les médias s’emparent de son histoire et la relaient largement. A la grande surprise du principal intéressé : « Je trouvais cela étrange, car je n’avais pas le sentiment d’avoir créé quelque chose d’exceptionnel ». Cette communication gratuite lui permet d’engranger les commandes et de développer son affaire sans avoir à taper à la porte d’un banquier. Par l’autofinancement et en réinvestissant les bénéfices, la petite entreprise connaît une croissance prometteuse. En 2014, Dealer de Coque a réalisé un chiffre d’affaires de 120 000 euros, et vise 150 000 euros en 2015. De quoi dégager un salaire confortable pour l’étudiant qui peut ainsi voyager et payer ses frais de scolarité.
En effet, une fois son bac en poche, Louis Haincourt rejoint les bancs d’une école de commerce, l’EM Normandie, afin de parfaire ses connaissances du métier. Sa deuxième année d’études touche à sa fin : « Même si je maîtrisais déjà certains des domaines enseignés, Dealer de Coque me permettait de mettre très vite les cours en pratique ». Conscient qu’un client coûte plus cher à conquérir qu’à fidéliser, il a ainsi pu améliorer son service client, afin de résoudre plus efficacement les problèmes de livraison ou de casse.
Cette année, l’étudiant caennais a aussi rejoint l’incubateur de l’EM Normandie, l’InsIDE (Institut du développement de l’innovation et du développement de l’entrepreneuriat). Un coach de l’école l’accompagne et le conseille sur tous les aspects de la création d’entreprise : développement, levée de fonds… L’incubateur lui offre aussi dix crédits d’une heure pour rencontrer des professionnels. Il a ainsi pu échanger avec un expert comptable et un spécialiste des sites marchands en Normandie.
Made in France
L’apprenti homme d’affaires analyse les points forts de son entreprise, dont l’essentiel des produits est fabriqué en France, contrairement à la plupart de ses concurrents : « Cela permet d’avoir un contrôle sur la qualité, et d’être plus efficace dans l’expédition ». A partir du plastique importé, il imprime les coques à l’aide des six machines – imprimantes 3D, presses – installées chez lui. La fabrication demande quatre à dix minutes. Les coques personnalisées sont ainsi envoyées dans les 24 heures après leur commande. En outre, « dès qu’un fabricant lance un nouveau téléphone sur le marché, je suis plus réactif que mes concurrents », explique le « dealer ». Il a aussi fait le choix d’étendre le nombre de ses références de téléphones, même si certaines lui coûtent plus qu’elles ne lui rapportent, afin de ne pas perdre de clients au profit de ses concurrents. C’est aussi lui qui, depuis le début de l’aventure, gère le suivi des client : « Cela me permet de les connaître et de créer une relation humaine avec eux, ce qui est assez rare pour un site Internet ».
Où se voie le jeune homme dans dix ans ? « C’est difficile à dire, peut-être que les téléphones auront été remplacés par des montres ou des lunettes connectées. Mais j’espère encore être mon propre patron, ou avoir la possibilité d’innover et de créer pour le compte d’une entreprise, en ayant beaucoup de liberté. » A plus court terme, il envisage d’acquérir un camion pour imprimer des coques sur les marchés cet été, afin « de ne pas avoir de baisse d’activité dans cette période compliquée », et espère développer une activité de conseil en développement de sites marchands. Il faut reconnaître qu’il est bien placé pour : malgré ses 20 ans, il compte déjà cinq ans d’expérience dans le domaine.
Aymeric Marolleau