Nathalie Lebas-Vautier, fondatrice de Good Fabric et de Marie & Marie, lauréate des re.start awards

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Au nom de la fleur de coton bio…

Sur la scène du Grand Rex, le 20 septembre, les re.start awards* à grand spectacle ont magnifiquement « dramaturgé » ce qu’ÉcoRéseau Business a « inventé » dès 2013 : la culture du rebond. L’idée très anglo-américaine qu’un échec n’est ni honteux ni rédhibitoire, simplement la chance pour un(e) entrepreneur(e) invétéré(e) de « rebondir » plus haut. Parmi 20 autres nommés, ce fut le cas de Sophie Lebas-Vautier, créatrice de Good Fabric et de Marie & Marie : des entreprises plutôt coton.

 

Elle a pratiquement toujours eu la fibre, baigné dans le blanc, vécu du textile : Sophie Lebas-Vautier a parcouru le monde au nom des grandes enseignes du tissage. Mais au tournant des années 2002-2003, alors qu’elle pouponne, une prise de conscience s’impose à elle : l’industrie textile est la plus polluante au monde, après le pétrole.

Et cette vérité, elle ne veut pas l’occulter.

Changer de métier, de secteur ? Ou s’investir dans sa compétence mais en changeant les règles du jeu ? En 2003, en compagnie de son conjoint, elle crée une marque improbable « fabriquée » sur la discipline spiritualo-physiologique qu’elle pratique pour son équilibre, le yoga : ça donne Ekyog, parmi les premières marques à négocier du coton biologiquement cultivé. « J’étais très, trop en avance sur mon temps », constat de tous les pionniers qui essuient les plâtres et inventent un modèle. « Je suis partie à la rencontre des industriels du textile dans une palette de pays. Mais quand vous tenez un discours disruptif, vous ne faites pas rêver. Je finis par trouver, en Inde, une coopérative de coton bio associée à Greenpeace. Je lui apporte mon expertise sur le vêtement mode et nous travaillons ensemble. » Plutôt bien. Ekyog ouvre 50 magasins en France et la « militante industrielle » leur associe l’association Terre d’Ekyog pour ancrer son business dans l’humain.

Mais pour une entreprise partie de zéro, les nécessaires économies d’échelle se heurtent tôt ou tard au mécanisme de la trésorerie insuffisante. Sophie Lebas-Vautier se bat mais doit s’effacer pour que la marque survive. Son « erreur » : considérer l’entreprise comme un projet de famille et non comme un centre de profit. « La responsabilité d’un entrepreneur est de penser au bien général qui passe avant soi-même. Or j’ai agi en utopiste et idéaliste. »

Une entreprise n’est pas un projet de famille

Face aux chocs, à la peur du lendemain, au vide qui succède à un travail effréné, la dépression guette. On y échappe ou pas. Ce sera « pas ». Sophie Lebas-Vautier, un an durant, connaît l’immense souffrance du burn out avec son cortège de déconnexions : avoir du mal à se lever, à lire, à fixer son attention, à marcher. Nous sommes en 2012. Ekyog, repris par un fonds d’investissement, sera racheté par un industriel chinois ; la marque existe toujours.

Pour l’utopiste, en 2015, sonne l’heure du rebond. « J’ai lu quantité de biographies, de parcours, de sportifs, d’hommes et de femmes politiques, j’ai retrouvé des idées et des envies. Je me suis dit que je ne devais pas renoncer au caractère pionnier de ma création dans le textile au moment où les entreprises du secteur doivent intégrer la RSE et le développement durable dans leurs modèles, sans toujours savoir comment faire. Moi, je savais. J’ai donc créé Good Fabric pour le leur apprendre en consultante. Les entreprises sont à l’écoute. Je leur apporte du bon sens. »

Mais celle qui nageait dans la matière première ne pouvait pas vraiment ne plus « toucher » la matière. Elle crée Marie & Marie, une gamme de vêtements «  éco-conçus, micro-encapsulés d’un sérum exclusif d’huiles naturelles et essentielles biologiques ». « Je suis un sachet de thé », s’amuse Sophie Lebas-Vautier. Elle infuse pour les gens. En l’occurrence, des vêtements traités aux huiles végétales bio et essentielles selon un procédé mis au point par un labo rencontré sur sa route à une époque où l’« infusion » ne tenait pas après lavage. C’est désormais le cas. Marie & Marie ressuscite la réunion à domicile où le vêtement « infusé » renoue avec le bien-être, le yoga, l’équilibre retrouvé.

Sophie se défend de prôner un modèle. Simplement, ses aventures la poussent à mettre en avant les qualités de lucidité, de démarche de progrès et de remise en cause face à un parterre de pair(e)s engagé(e)s dans l’entrepreneuriat. Et comme un besoin parallèle, la cheffe d’entreprise infusée à l’humain rebâtit une association humanitaire tournée vers les coopératives et les « petits gestes ». « Je rentre de Mongolie extérieure à la rencontre de producteurs de cashmere durable, des producteurs qui ne tondent pas leurs chèvres exposées à des températures de – 50°, des éleveurs qui gèrent leurs pâturages et veillent à réduire leurs troupeaux. Je ne veux plus lutter contre des mastodontes. Il existe 800 milliards de vêtements de par le monde dont à peine 1 % est recyclé. Il faut recycler et réconcilier l’homme avec une performance économique qui passe par une création de valeurs. »  .

Les re.start awards, à l’image des Trophées de l’optimisme créés par Jean-Baptiste Leprince, sont à grande échelle ‒ en l’occurrence la scène du Grand Rex à Paris ‒ la même idée de la culture du rebond chère à EcoRéseau Business. L’initiative en revient à David Ringrave, fondateur du groupe My Media, agence média acheteuse d’espaces, associé à Haiba Ouassi (La France en Croissance), Naima El Guermah (Nyters & Associés), Rémi Raher (coach et plume), Stéphan Bétemps (professeur d’arts appliqués, comédien, musicien).

Olivier Magnan

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