Attention, point trop n'en faut dans le made in France
Attention, point trop n'en faut dans le made in France

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10 pistes pour que le « made in France » soit un levier de croissance économique. Chacun a le pouvoir de dynamiser ces marques haut de gamme qui surfent sur la vague bleu-blanc-rouge avec succès.

Allons enfants de la patrie, les jours de reprise semblent tarder. Contre nous de la tyrannie du Made in Pakistan, l’étendard et la marinière sont levés. Entendez-vous dans nos campagnes suburbaines agir nos véloces petites mains ? Aux armes, bla bla bla ! En 2014, rien ne va plus ? A l’heure où les Chinois rachètent Justin Bridou et nos précieux vignobles et les Qatari nos chers clubs de football, on aurait tendance à le croire. Le « Made in France », simple réflexe protectionniste ? Fort heureusement, notre super VRP du fabriqué maison, à la tête du redressement productif, s’évertue à nous enseigner le patriotisme économique. Mieux encore ! Le « Made in France » serait bien plus qu’un effet de mode ou une manière de communiquer. Il s’agirait d’un miroir reflétant le dynamisme et le courage de nos entrepreneurs.

1- Ne crachons pas dans la soupe

Stricto sensu, le « Made in France » n’apporte pas grand chose au consommateur si ce n’est un peu de noblesse d’âme dans la mesure où il participe activement à l’économie française dans ses comportements relevant de la sphère privée. En bons chauvins, les Français sont donc nombreux à plébisciter une revalorisation de ces productions : 95% d’entre eux estiment qu’acheter un produit national s’apparente à un acte citoyen selon un sondage IFOP/Atol de janvier 2013. Aussi, fabriquer en France résulte-t-il d’un savoir-faire et d’une conception de l’art de vivre différenciante dans le monde entier. Le « Made in France », intemporel, répond à des savoir-faire anciens et prestigieux dans la haute couture, l’artisanat ou encore la joaillerie. Et ce n’est ni Stéphane Bern, ni Jean-Pierre Pernaud qui nous contrediront. Qu’on se le dise, nos produits sont à la croisée d’une démarche artistique et d’un savoir-faire artisanal. En témoigne une étude d’Oséo Excellence publié en 2013 : sur 2000 membres du réseau, 57% mettent en avant la qualité du savoir- faire et 55% l’avantage de la proximité géographique. La créativité, l’innovation et la réactivité, pour plus de 40% d’entre eux, sont un avantage compétitif incontournable pour nos entreprises (source Bpifrance).

2- Virons de bord

Nous ne voulons plus de cheval roumain dans nos assiettes tout comme nous ne souhaitons plus acheter de jeans pakistanais qui ne résistent pas à quelques passages en machine ou de pyjamas chinois qui s’enflamment littéralement lorsque nous les posons sur le radiateur. Le 8 avril fut aussi l’occasion pour France 5 de dénoncer ces « cuirs qui en veulent à notre peau » en prenant l’exemple de dix paires choisies parmi les fabricants les plus représentatifs en matière de consommation dont certaines contenaient du chrome VI, hautement toxique. Crise ou prise de conscience du consommateur ? Toujours est-il que les Français qui en ont les moyens prennent conscience des effets néfastes de la speed fashion des Zara et H&M en se tournant vers la production nationale devenue aussi rassurante que le coton bio.

3- Promouvons des entreprises en bonne santé et devenons optimistes

Julien Lepers pourrait vous le demander : à contre-courant de la sinistrose industrielle, je suis une entreprise textile située à côté du Mont-Saint-Michel, je génère un CA de 43 millions d’euros pour 300 emplois. Créée en 1889, le tricotage avec le fameux pull blanc et bleu et le travail du coton sont mes métiers de base. Mes produits ont été traditionnellement la seconde peau des marins. En février, à l’image de Denis et Fils dans la soierie, ou Borlis, accessoiriste de luxe, je suis reconnue entreprise du patrimoine vivant (label EPV mis en place par l’Etat). Je suis… ? Je suis… ? Saint James. Bien évidemment. Et à l’image de plusieurs de ses consoeurs, « l’entreprise met en avant un savoir-faire certes artisanal voire ancestral, mais surtout une industrie d’excellence », se réjouit Luc Lesenecal, gérant de Saint-James ; à ne surtout pas prononcer à l’anglaise « Saint Djaïmesss ». La bonne santé de ce prince du textile se traduit également par l’ouverture de ses portes au grand public en mode tourisme industriel.

4- Mettons en avant des collaborations innovantes dans le « Made in France »

« Il y a le bon chasseur et le mauvais chasseur », grognaient Bourdon et ses acolytes lors d’une traque à la galinette cendrée. A priori, vin et chasse ne font pas bon ménage… Pourtant Alexandre Mareuil, le maroquinier spécialiste dans les accessoires de chasse s’associe à de grandes maisons du bordelais dans un contexte où l’œnotourisme connaît un véritable succès. « Fondée en 1972 par un fan de chasse, la marque s’est développée autour d’une gamme d’accessoires à la hauteur de la trempe des armes achetées à cet usage. Aujourd’hui, nous sommes présents sur trois marchés : celui de la chasse, de la maroquinerie depuis 2007, et très récemment dans le secteur du vin grâce à la conception de coffrets de luxe pour transporter les bouteilles, de tabliers ou encore de tire- bouchons », précise Sophie-Charlotte Van Robais, directrice déléguée de la marque. Autre alliance, preuve du dynamisme bleu blanc rouge, Le slip français et Saint James viennent de s’associer autour d’une collection capsule, entendez une collection à l’intérieur d’une collection. N’ayez crainte. Il ne s’agit pas d’une nouvelle collection de slip zébrés de bleu. C’est plutôt le « paquetage du matelot » qui verra le jour le temps des mois de mai et juin autour d’un ensemble marinière, short, slip, sac et tongs pour faire gagner ses acquéreurs en séduction cet été.

5- Profitons de la concurrence

Le « Made in France » ne jouit pas toujours d’une bonne réputation : « Il est souvent vu comme un choix anti-économique au regard du coût plus onéreux de la main d’oeuvre. Et parfois le bleu-blanc-rouge est connoté très péjorativement. On nous a parfois collé l’étiquette de facho », regrette Pierre Grandjean, fondateur de Mon Petit Polo Français. Pourtant, le patriotisme économique n’est pas qu’une promotion aveugle de nos produits. « Quand on fabrique un polo en Chine, le coût final s’explique par 80% de coût de matière première et 20% de coût de fabrication. En France, c’est presque l’inverse. La force de travail est incompressible en matière de coût. On est donc obligé de faire dans la qualité sinon on se tire une balle dans le pied, car les acteurs du textile ont disparu et il ne reste que les meilleurs », poursuit le gérant. Même positionnement pour un grand nombre de grandes griffes qui n’hésitent pas à étiqueter la provenance de leur collection. Entre autres, agnès b., parmi les tout premiers clients des façonniers hexagonaux, a ainsi lancé depuis quelques années une nouvelle griffe dont l’encolure des vêtements présente la mention « Fabriqué en France ». Par cet engagement, l’ancienne marraine du salon « Made in France » est convaincue de l’aura positive à l’international, non seulement du point de vue de l’image mais aussi de ses pendants économiques concrets. En atteste également l’assaut récent du marché russe pour Armor Lux, la présence affirmée aux Etats-Unis et en Corée de Saint James (45% du CA réalisé grâce à l’export), le déploiement de Mon Petit Polo Français au Brésil ou au Japon et les 30% des produits Alexandre Mareuil expatriés hors de France et de Navarre.

6- Dynamisons le tissu économique local

La coutellerie de Thiers, les rillettes du Mans ou la fameuse pipe de Saint-Claude… Considérés comme systèmes productifs locaux par les géographes ou comme des madeleines de Proust proto-industrielles pour le JT de 13 heures sur TF1, les ateliers français connaissent malgré tout une seconde jeunesse grâce à cette tendance. Si le phénomène ne contre balance pas encore la vague surmédiatisée de plans sociaux qui s’abat sur le paysage industriel français, force est de reconnaître que le « Made in France » contribue à la nouvelle dynamisation du tissu économique. En d’autres termes, acheter du Mon Petit Polo Français, par exemple, c’est remplir les carnets de commande de tricoteurs et de confectionneurs de l’Aube, de boutonniers dans le Jura et de spécialistes vosgiens de l’emballage. Enfiler un Slip français, c’est porter sur soi une partie de la Dordogne et du Nord de la France. Arborer du Smuggler, c’est prouver qu’on trouve autre chose que de la porcelaine à Limoges.

7- Soignons nos petites mains

« Nos principaux postes de travail demandent au minimum 18 mois de formation pour être opérationnels. Un système de coaching est mis en place pour faire face aux difficultés pour les débutantes, en doublon avec du personnel confirmé », commente Luc Lesenecal. Le « Made in France » reste une conviction, un engagement qui a des conséquences en termes de formation, de mobilité interne et de reconversion. Ailleurs, cher Armor Lux, les opératrices peuvent se tourner vers la logistique, le SAV, ou les fonctions commerciales. « Nous sommes motivés par une volonté de garder l’ensemble de nos effectifs en proposant des chemins d’évolution au sein de l’entreprise, analyse Grégoire Guyon, directeur de la communication chez Armor Lux. Cette sécurisation passe également par des plans de formation lancés en 2012 pour anticiper les départs en retraite qui amènent au diplôme de mécanicienne de conception option maille. La première promotion s’est concrétisée par 13 nouvelles recrues rentrées en CDI en 2014 et nous procéderons à une nouvelle session dans les mois à venir. »

8- Découvrons les manières de consommer made in France

Sans pour autant tomber dans des réflexions de comptoir, le « Made in France » a déserté les rayons des grandes surfaces pour les biens de grande consommation. Et les médias s’accordent sur le manque de lisibilité des marques 100% nationales. Côté moyen et haut-de-gamme, les stratégies de distribution varient autant qu’il y a de marques estampillées made in France. Néanmoins, le développement de magasins en propre, le recours à des corners ou l’ouverture de nouvelles vitrines témoignent de la bonne santé de ces enseignes prêtes à conquérir le cœur des Français encore réticents. Outre ses 60 magasins intégrés, Armor lux se développe en périphérie des grandes villes et investit de grandes surfaces dédiées aux productions régionales où les produits gastronomiques et culturels régionaux côtoient les vareuses, cirés et marinières. Le succès du premier point de vente à Quimper, lancé en 2004, et de ses petits frères dans l’Ouest français augurent ainsi de l’ouverture de nouvelles structures sur le devant de la scène, en région parisienne très prochainement. En coulisses, on assiste au développement de la stratégie Web to store pour les jeunes marques désireuses de faire grimper leurs ventes mais surtout à l’essor des pures players du prêt-à-porter « Made in France ». Outre des sites tels que 100% Made in France, des plateformes telles que Le dressing du cocardier empruntent un créneau de niche sur la Toile qui consiste à trouver et promouvoir de jeunes créateurs français qui fabriquent sur le territoire national. « Le site est une réponse face à l’étiolement du savoir-faire français », confie Oliver Espoeys, fondateur du site.

9- Contentons nos meilleurs clients

La French Touch n’est pas que savoir-faire, elle est aussi question de savoir-vivre qui s’exprime par une fidélisation originale de la clientèle, apanage des maisons positionnées luxe. Zilli, Hermès, Séraphin, Weston ou encore Vuitton, autant d’irréductibles marques gauloises haut-de-gamme qui repoussent les limites de la relation client. Par exemple, lorsqu’on achète une paire de chaussures chez JM Weston on devient également membre de sa communauté : informations sur les nouvelles collections en avant-première évidemment, mais aussi invitation à des cocktails voire même à une visite des ateliers de production. Chez Hermès, une plateforme met en relation ses fameuses petites mains avec la clientèle pour s’échanger des astuces de confection. Et on assure une livraison en moins de trois heures pour une cravate achetée sur le site. Vuitton, lui, propose un service en ligne de personnalisation des sacs, tandis que d’autres font de Twitter un lieu d’échange entre le client et la marque. Les contours du CRM évoluent, car le luxe du produit ne suffit plus chez les marques premium.

10- Politiques incitatives

« Le Made in France n’est plus ringard et demeure un des piliers de notre stratégie de développement », affirme Guillaume Gibault, fondateur de Le Slip français. Et sans colorer notre propos de considérations politiciennes, il faut souligner que l’essor des labels français et notamment celui « d’Origine France Garantie » créé en 2011, participent à l’évolution des rapports entre fournisseurs et donneurs d’ordre. Gilles Attaf, patron de Smuggler, spécialiste du costume employant 115 salariés sur son site de Limoges, complète : « Le made in France n’est pas qu’un atout de communication. Le concept contribue également à pérenniser un savoir-faire et des emplois, notamment en faisant revenir les grands faiseurs dans le giron français. ».

 

Article réalisé par Geoffroy Framery

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