Temps de lecture estimé : 2 minutes

Il est urgent que la France renonce enfin à ses œillères et décide de ne plus nourrir sa dette ad-vitam aeternam. Mais pas forcément pour les raisons que vous croyez.
Voilà un débat qui déchaîne les passions. Au-delà de la nomination de Geoffroy Lejeune à la tête du JDD ou de la polémique récente autour de l’interdiction de l’abaya dans les écoles. Non, c’est bien de la dette dont nous parlons. De la dette française qui stimule les querelles d’économistes et inquiètent les contribuables. Plus de 3 000 milliards d’euros, c’est le montant de la dette publique française, soit environ 113 % du PIB. Bien sûr « le quoi qu’il en coûte » qui a fait loi pendant et après la crise sanitaire a laissé des traces. Mais demain, quelle relation allons-nous entretenir avec notre dette ?
À la REF, l’événement économique de la rentrée organisé par le Medef, on ne pouvait pas passer à côté du sujet. Sans grande surprise, les années passent et la dette n’a toujours pas bonne presse à l’hippodrome de Longchamp. « La France et sa dette… c’est un peu jusqu’ici tout va bien », a estimé l’économiste Olivier Babeau. « Demain ne meurt jamais à condition que l’on maîtrise notre dette, a renchéri Pierre Moscovici, comment allons-nous financer l’innovation, la recherche, l’éducation, la transition énergétique et écologique alors que nous sommes déjà fortement endettés ? L’endettement c’est l’impuissance publique », selon le Premier président de la Cour des comptes.
Alors oui, maîtriser et réduire sa dette, c’est maintenir une relation de confiance avec les acteurs privés, rassurés à l’idée que Bercy parvienne à récupérer l’impôt. Prêteriez-vous de l’argent, vous, si vous doutez de le revoir un jour ? Dit autrement, toute augmentation de dette inquiètera forcément le contribuable qui, mécaniquement, sera sollicité – malgré toutes les promesses du gouvernement à ne pas vouloir augmenter les impôts.
Mais, il est un argument, bien plus supérieur aux autres, qui convainc de la nécessité de ne plus tirer sur la corde de l’endettement : la préservation de notre planète. C’est notamment le crédo de Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste et maitre de conférences à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dont la vision rompt complètement avec les schémas de pensée traditionnels que l’on retrouve autour de la dette. Car au-delà des enjeux comptables, au-delà de savoir qui paiera la dette, et au-delà de se demander si l’on continuera oui ou non à nous prêter de l’argent, interrogeons-nous sur la soutenabilité de cette dette à travers le prisme de la transition écologique.
L’accroissement de notre dette est-il compatible avec la transformation de nos systèmes de production et de consommation ? « Dire que l’on peut augmenter la dette, c’est oublier deux choses : un rapport de dépendance qui soumet l’État à des créanciers privés dont le but est évidemment l’accumulation et la rentabilité […] Puis, si l’on augmente notre endettement, cela suppose de croître davantage pour la rembourser, donc de prélever toujours plus de ressources que ce que la planète est capable de renouveler », pointe très justement Jézabel Couppey-Soubeyran.
« Le discours économique ne peut plus être totalement désencastré de la nature ». La dette ne peut plus être pensée en dehors de toute logique de durabilité. Car plus l’on s’endette, plus il faudra courir, et de plus en plus vite, derrière une croissance qui provoque l’épuisement des ressources naturelles – et qui nous mène tout droit vers une dette écologique.