Entre les Jeux et LVMH, un partenariat gagnant-gagnant
crédits : shutterstock

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Une analyse signée Jean-Philippe Danglade, head of department, à Kedge Business School. Et publiée par The Conversation

Ce fut longtemps une rumeur : le groupe de luxe LVMH allait être le sponsor des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Il fallut attendre la fin du mois de juillet 2023 pour que cela soit confirmé. Mieux, LVMH révélait qu’il serait partenaire premium. Pour cela, le groupe dirigé par Bernard Arnault aurait payé 150 millions d’euros le ticket d’entrée dans la liste des partenaires commerciaux de l’événement à résonance mondiale.

À première vue, ce mariage d’un événement populaire avec le géant mondial du luxe avait de quoi surprendre. Pourtant, en y regardant de plus près, les raisons de ce rapprochement ne manquent pas.

Un détour par la recherche en science de gestion est à cet égard éclairant. L’étude du concept de sponsoring a été prolifique ces dernières années. Le chercheur Björn Walliser définit le parrainage comme « une forme d’association caractérisée par la mise à disposition de moyens financiers et/ou non financiers par un parrain (une organisation à but lucratif ou non lucratif, un individu) à une entité parrainée (événement, groupe, organisation, individu) dans le domaine du sport, de la culture, du social ou de l’environnement ayant comme double objectif : soutenir l’entité parrainée et favoriser les objectifs de communication du parrain ».

Dès 2002, Gary Tribou estimait que « le sponsoring est une technique de communication qui vise à persuader les publics assistant à un événement sportif d’un lien existant entre cet événement et l’entreprise communicante, afin de faire connaître l’entreprise, ses produits et ses marques, et d’en récolter les retombées valorisantes en termes d’image ».

Le partenariat comme une course de relais

Dans la pratique professionnelle, les objectifs d’un sponsor sont extrêmement diversifiés : notoriété, image, relations publiques, ventes, lancement d’une nouvelle offre, conquête d’un nouveau marché à l’international, ciblage d’une audience précise, mise en avant d’une expertise ou d’un savoir-faire ou encore communication interne.

Cela étant dit, il ne suffit pas de signer un contrat de sponsoring en misant uniquement sur la visibilité (panneautique, stade, maillot) pour optimiser ces résultats attendus. En effet, un parrain doit aussi « activer » son partenariat par l’intermédiaire d’autres outils de communication (publicité télévisuelle, travail sur le packaging, organisation d’événements, communication digitale via les réseaux sociaux). La notion d’activation s’est progressivement substituée au début des années 2000 à celui de valorisation. L’activation de la marque représente un outil stratégique contribuant à sa construction. Son rôle principal consiste, selon Chavannat (2014), à accroître le contact avec le consommateur, à accélérer l’acte d’achat en le récompensant et le valorisant, de même qu’à augmenter la proximité avec le client dans la vie de tous les jours… Ainsi, l’activation représente une stratégie de marketing visant à procurer aux personnes concernées l’expérience souhaitée avec la marque du parrain dans le cadre d’un événement.

Si l’impact en termes de visibilité et de réputation est assez évident, les répercussions sonnantes et trébuchantes des opérations de sponsoring sont beaucoup plus difficiles à apprécier. Certes, certaines entreprises ont annoncé avoir vu leurs ventes progresser après avoir été partenaire d’un événement sportif de premier plan, chiffres à l’appui. Pour le chercheur, ces déclarations sont au mieux une présomption d’un effet positif, car il est difficile d’isoler l’impact du sponsoring sur les performances commerciales.

Prenons l’exemple d’un fabricant de boissons qui s’associerait à la Coupe du monde de rugby et qui se féliciterait de l’influence sur ses ventes l’été suivant. Si hausse de la consommation il y a, est-ce dû au sponsoring, à la chaleur qui régna cet été-là ou encore aux campagnes de publicité à la télévision et dans les points de vente, en soutien du parrainage sportif ? Sûrement un peu des trois et identifier le poids relatif de chaque facteur est une vraie gageure car il faudrait pouvoir comparer les ventes estivales une année donnée avec ou sans sponsoring, ce qui est matériellement impossible.

Ceci rappelé, une marque qui veut s’investir dans un partenariat doit commencer par choisir le bon sport au regard de ses propres objectifs de communication, et ce, quel qu’en soit le support (athlète, événement, club, stade). En effet, le champ des possibles pour une marque désirant sponsoriser reste vaste, chaque discipline étant associée à des valeurs particulières, même si certaines restent communes, comme le dépassement de soi, la mise en avant de l’exploit ou de la performance, le sens du collectif…

En effet, les industries décidant de communiquer via l’événementiel sportif sont généralement des industries fortement concurrentielles qui vont aller chercher dans le parrainage un transfert de valeurs de la discipline vers leur marque. Ces secteurs sont traditionnellement les banques et assurances, les équipementiers sportifs, l’agroalimentaire, l’automobile, les pneus, les compagnies aériennes ou la grande distribution.

Luxe et sport, un mariage pas si évident

L’industrie du luxe, davantage associée au mécénat culturel, entretient, quant à elle, un rapport particulier avec le sport et le sponsoring. Historiquement, les horlogers ont participé au développement des compétitions chronométrées en investissant le tennis, la natation ou l’athlétisme. À titre d’exemple, une marque comme Rolex s’est progressivement imposée comme le sponsor du tennis (par la signature de partenariats avec les 4 tournois du Grand Chelem) alors que son concurrent Omega est sponsor des Jeux olympiques depuis 1932.

Des sports plutôt élitistes ou classieux ont fréquemment attiré des entreprises du secteur du luxe (patinage artistique avec Lalique, équitation avec Hermès, golf ou polo avec Cartier) en raison d’évidentes adéquations d’image. Cependant, ces stratégies ont progressivement évolué vers des compétitions plus « populaires » ou « grand public » comme le football ou l’e-sport.

Dans ce spectre très vaste, la signature d’un partenariat entre LVMH et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 s’inscrit dans la logique initiée par le groupe fondé par Bernard Arnault et ses Maisons depuis plusieurs années en faveur du sport de haut niveau et des grandes compétitions internationales. Ainsi, Louis Vuitton se positionne comme le transporteur officiel des plus prestigieux trophées sportifs et d’e-sport (Coupe du Monde de Football, Coupe du Monde de Rugby, Roland Garros, Grand Prix de F1 de Monaco, NBA, League of Legends).

En ce qui concerne Paris 2024, LVMH, partenaire « premium », a sélectionné plusieurs de ses marques afin d’activer son engagement global avec l’événement : Dior, Louis Vuitton, Moët-Hennessy, Sephora, Chaumet et Berluti. Le groupe communique sur la notion originale de « savoir faire rêver » sur son site Internet :

Cet événement planétaire fait écho à la vocation du Groupe, celle de savoir faire rêver. Partenaire créatif de ces Jeux, LVMH jouera un rôle majeur en mettant l’excellence et les savoir-faire de ses artisans au service des moments clefs de célébration de Paris 2024. Nos artisans feront de notre groupe l’artisan de toutes les victoires. Ce rapprochement inédit contribuera à faire rayonner la France et Paris dans le monde entier.

Indispensables sportifs ambassadeurs

Dans le détail, l’implication des maisons de LVMH se fera à plusieurs niveaux :

  • Louis Vuitton va créer les écrins protégeant et présentant les médailles et les torches des Jeux olympiques et paralympiques
  • le joailler Chaumet va dessiner les médailles (qui seront réalisées par la Monnaie de Paris)
  • Les marques de Moët-Hennessy se positionneront sur l’hospitalité et les salons VIP
  • Sephora sera partenaire de la flamme olympique
  • Dior aura une présence particulière pendant la cérémonie d’ouverture
  • Berluti confectionnera les tenues de la délégation française

Par ailleurs, LVMH a considérablement densifié son équipe d’athlètes-ambassadeurs à l’approche de l’événement. En effet, les stratégies de sponsoring sont souvent doublées d’une stratégie d’endossement par des célébrités. Ici, le sponsor complète son engagement sur les JO en signant avec des ambassadeurs de marque qui seront présents sur l’événement. Des stars de leur discipline comme Enzo Lefort (escrime), Timothée Adolphe (para athlète en athlétisme), Léon Marchand (natation), Pauline Déroulède (tennis), Mélanie de Jesus dos Santos (gymnastique artistique) Marie Patouillet (cyclisme) et Antoine Dupont (rugby) représenteront le groupe.

Si le partenariat s’avère stratégique pour LVMH, il représente également une très belle opération (financière et de prestige) pour le comité d’organisation des JO. L’officialisation a fait l’objet d’une communication soignée en présence du président du CIO Thomas Bach, de Tony Estanguet, président du comité d’organisation des JO de Paris, d’Anne Hidalgo, maire de Paris et Amélie Oudéa-Castera, ministre des Sports, l’événement se déroulant dans le Grand Palais éphémère, situé sur le Champ-de-Mars à quelques centaines de mètres de la tour Eiffel.

La réputation d’un événement comme les jeux olympiques et paralympiques se mesurant également par le prestige de ses partenaires, il est indéniable que l’engagement du numéro un mondial du luxe, qui plus est sur une édition olympique sur son territoire, valorise la marque olympique en général et la marque Paris 2024 en particulier. Dans ce cas précis, le sponsoring opère bien à un transfert réciproque de valeurs.

En tant que groupe international mais ancré en France, LVMH profite des valeurs et du contexte unique de l’olympisme pour s’investir de manière plus importante dans le sport. Mais Paris 2024, comme tout événement de standing, s’associe au niveau des partenariats « premium » avec des entreprises qui sont des leaders mondiaux de leurs secteurs respectifs (Accor, Orange, LVMH), capables non seulement de payer un ticket d’entrée onéreux, mais également d’améliorer la réputation de l’organisation de par leur positionnement. Un exemple de partenariat gagnant-gagnant où le prestige de l’un renforce celui de l’autre, et inversement !The Conversation

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence creative commons. Lire larticle original.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

J’accepte les conditions et la politique de confidentialité

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.