Quelles opportunités d’affaires en Russie ?

Une notoriété en demi-teinte à redorer, mais de véritables opportunités d’affaires…
Une notoriété en demi-teinte à redorer, mais de véritables opportunités d’affaires…

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Ballon rond et circonspection

À la veille du Mondial de football, l’économie russe connaît une embellie. Une bonne occasion de s’y implanter, à condition de savoir où l’on met les pieds.

Augmenter son attractivité économique à l’international est l’un des avantages poursuivis lorsqu’un pays héberge un événement sportif international, comme les JO ou le Mondial de foot. (Le fait que ces événements sont de moins en moins rentables est une autre question). Et la Russie en a bien besoin. « L’économie russe se relève progressivement de sa deuxième crise grave en dix ans, explique Julien Vercueil. Après trois années de stagnation, puis de récession, et une crise de change, sa production s’est pour la première fois redressée en 2017. L’économie a enregistré cette année une croissance de 1,5 %. » Une embellie liée directement à la hausse des prix de pétrole, secteur dont dépend – trop – fortement l’économie du pays. Mais surtout, le marché russe est vaste, avec plus de 143 millions d’habitants, et diversifié en termes de modes de consommation.

Attractif pour tout secteur (ou presque)

Des considérations qui n’ont pas échappé aux entreprises étrangères. Celles présentes en Russie sont de toutes tailles. « Pour prendre des illustrations françaises, on trouve aussi bien des micro-sociétés de conseil, portées par un ou deux fondateurs, que des géants de la grande distribution, de l’automobile et de l’énergie, comme Auchan (premier employeur étranger de Russie), Renault-Nissan, ou Total, et des entreprises de l’agroalimentaire, comme Lactalis ou Bonduelle, présent de longue date », énumère Julien Vercueil. Et, de leur point de vue, la situation s’améliore. « L’évaluation du climat des affaires en Russie par des investisseurs étrangers a atteint un niveau comparable à celui de 2013, c’est-à-dire celui d’avant la crise », estime Elena Fadeïeva, directrice générale de Fleishman-Hillard Vanguard/Orta CG. Selon une étude menée par l’agence et l’Union russe des industriels et des entrepreneurs, 33 % des entrepreneurs livrent actuellement un avis favorable, et 22 % un avis négatif. Mais les problèmes restent, aux premiers rangs desquels figurent le manque de personnel qualifié, la corruption dans les structures étatiques et les obstacles administratifs.

Le mondial, une porte d’entrée ?

Les organisateurs espèrent du Mondial des retombées économiques de l’ordre de 31 milliards de dollars. Et que les rencontres entre professionnels seront nombreuses. C’est un événement durant lequel les entreprises inviteront leurs clients et partenaires du monde entier. Cela peut être une occasion de rendez-vous d’affaires extrêmement intéressants pour une entreprise. C’est donc un moment propice – et peut-être même un peu trop : les principaux décideurs ont certainement un carnet de rendez-vous très rempli pour cette période.

« Il faut surtout déterminer un mode d’approche adapté : l’utilisation d’un «poisson pilote» implanté localement en Russie est vivement conseillée, souligne Julien Vercueil. Mais potentiellement, tous les secteurs sont susceptibles d’offrir des opportunités d’affaires intéressantes – sauf, évidemment, ceux qui sont concernés par les sanctions. »

Sur le terrain, l’immixtion de la politique est, dans certains cas, presque inévitable. Si les interlocuteurs russes font en général preuve de pragmatisme lorsqu’ils discutent business avec les étrangers, « le milieu micro-politique (municipal, local ou régional) peut être vite présent, de manière parfois désagréable, dans des projets économiques qui ont quelque importance », souligne Julien Vercueil. Mais lorsque l’ingérence est minimale, de belles réussites sont possibles, comme le cluster automobile de la région de Kalouga par exemple. Et des secteurs en plein développement ont pu se développer sans appui politique, comme les entreprises de services informatiques de Saint-Pétersbourg, Moscou ou Novossibirsk.

Un risque géopolitique à dépasser

Mais le Mondial pourrait bien changer – temporairement du moins – les choses. En effet, tout laisse à penser qu’il est pour la Russie l’occasion de montrer justement un visage plus attractif (et non une opportunité de remplir les poches des officiels locaux). « Le Kremlin a tout à gagner à monter un Mondial bien organisé », explique Konstantin Sonin, professeur adjoint à l’École Supérieur de sciences économiques de Moscou. « D’ailleurs, il n’a pas cherché à exploiter le tournoi à des fins de propagande politique, plus pas que les précédents pays organisateurs en tout cas, qui tous ont voulu mettre en avant leur ouverture et leur hospitalité… Et le rapport de l’enquête du procureur Michael Garcia (qui a enquêté en 2014 sur l’attribution des mondiaux 2018 et 2022, NDLR.) montre que la Russie voulait désespérément être le pays hôte, mais n’a trouvé aucune preuve de collusion ou de pots-de-vin. »

En filigrane, derrière ces considérations, plane cependant le spectre de la géopolitique. Impossible d’ignorer que le contexte est difficile : le régime des sanctions et contre-sanctions ne s’est pas allégé ces derniers mois, bien au contraire. L’affaire Skripal, la campagne et la réélection triomphale de Vladimir Poutine, les discussions internationales autour de Nordstream 2… Autant de sujets qui marquent – et renforcent – les tensions internationales, qui ne prennent pas le chemin de la réconciliation. « La présomption est donc forte que le statu quo a priori instable, mais qui dure paradoxalement depuis plus de trois ans maintenant, se prolonge, tandis que les entreprises continueront de s’adapter à des conditions politiques et diplomatiques difficiles », analyse Julien Vercueil. On sent bien, d’ailleurs, que ces considérations géopolitiques ont refroidi l’enthousiasme des marques. D’habitude, les campagnes promotionnelles autour d’un Mondial sont rarement discrètes, mais on est loin aujourd’hui du matraquage publicitaire de 2014…

Jean-Marie Benoist

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