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PRO-CRAS-TI-NA-TION. Voilà un terme barbare ou savant pour décrire la tendance de celles et ceux qui remettent systématiquement au lendemain une tâche à accomplir. Par manque d’envie, peur de l’échec, paresse ou même rébellion. Dans le monde de l’entreprise, on l’a toutes et tous déjà fait : reporter à demain un dossier excessivement ennuyeux ou une réunion qui ne nous enchante guère. Mais eux·elles, les champion·nes de la procrastination, en ont fait leur routine. Hélas, à leurs dépens.

Lundi matin, 10 h 03. Les dossiers s’empilent, les mails s’accumulent, les post-it inondent le bureau de Vincent, 25 ans, blond, yeux clairs et ongles rongés. Ce jeune cadre ne sait plus où donner de la tête. Alors il regarde ses chaussures. Lacets défaits ou jamais noués. Ce qu’on lui demande ne rime à rien. Les choses, on les fait bien ou on ne les fait pas. Vincent a fait son choix. Le seul dilemme qu’il sera à même de trancher aujourd’hui. À quoi bon s’agenouiller devant une société où tout va trop vite ? Mais à force de s’interroger, Vincent n’agit pas. Fin de journée, Vincent sait tout de même ce qu’il fera demain. Ce qu’il n’a pas pu accomplir aujourd’hui. Peu importe, comme le dit si bien son mentor Mark Twain, « Ne remets jamais au lendemain ce que tu peux faire le surlendemain ».

Des causes multiples

58 %. Voilà la part des Français·es qui concèdent procrastiner régulièrement, selon un sondage mené par YouGov en 2019. Une majorité donc. Mais l’on distingue les procrastinateur·rices régulier·es de celles et ceux qui remettent au lendemain de façon occasionnelle dès lors que « la personne ne modifie pas son comportement en dépit de conséquences coûteuses », relève Marie-Christine Liefooghe, psychologue clinicienne. La procrastination privilégie le plaisir de l’instant à ne pas faire quelque chose aux répercussions négatives – à plus long terme – liées à ce type de comportement. Dans l’immédiat, les procrastinateur·rices ont le sentiment de se protéger et d’échapper à une frustration, causée par la réalisation d’une corvée. La procrastination repose aussi sur « une fausse croyance, considérer par exemple qu’un travail imparfait ne vaut rien […] Laquelle s’auto-entretient puisque procrastiner favorise la tendance à rendre des travaux insuffisants », illustre Marie-Christine Liefooghe. Un cercle vicieux qui dépite les procrastinateur·rices… souvent perfectionnistes !

Procrastiner s’érige aussi comme un rempart à la protection de l’estime de soi. « Accomplir un travail signifie aussi prendre le risque de s’exposer à la critique », pointe la spécialiste de la procrastination. D’où la tendance à ce que les procrastinateur·rices s’infligent un handicap – volontaire donc – pour se prémunir de potentiels reproches. Remettre une action au lendemain, c’est donc aussi contourner une peur de l’échec. Enfin, certaines personnes, notamment en entreprise, font preuve de procrastination hostile, « avec toujours cette croyance dysfonctionnelle, par exemple : si j’obéis à mes supérieur·es, je m’humilie ». Alors ces procrastinateur·rices rebel·les désobéissent.

Quelques techniques pour y remédier

Jamais simple pour les managers d’encadrer quelqu’un sujet à la procrastination. « Surtout, ne pas lui mettre la pression, ce serait contreproductif, ni faire à sa place », conseille Marie-Christine Liefooghe. Les managers ont tout intérêt à « rassurer les retardataires, souligner le positif et ce qui a déjà été fait, bref faire du management participatif », ajoute la psychologue spécialisée, entre autres, dans la santé au travail. Un rôle primordial pour les managers d’autant plus que le télétravail risque d’accentuer la tendance à procrastiner, en raison notamment de distractions plus nombreuses ou d’une anxiété – exacerbée par la solitude –, grande source de procrastination.

Entrent alors en jeu les starters, essentiels pour lutter contre l’art de tout remettre au lendemain. Des rituels : « Prendre mon thé rime avec détente, puis vient mon café, là je commence à travailler », propose Marie-Christine Liefooghe. Autre stratégie : décomposer une tâche pénible pour rendre un effort global moindre ! Et se fixer des limites de temps, « se dire je me lance pendant cinq minutes, puis je peux m’arrêter […] Or, souvent, quand on est lancé·e, on va au-delà des limites de temps fixées initialement », constate la psychologue. S’attribuer des récompenses à chaque échéance atteinte a de quoi aussi rompre l’attentisme. À l’ère moderne, les procrastinateur·rices n’ont jamais été aussi visibles. « On porte un jugement facile sur les individus trop lents, puisque la société se confronte à une exigence de rapidité […] En Occident, je crois que l’on vit le temps de manière linéaire avec le sentiment que le temps passé ne se rattrape pas », conclut à temps Marie Christine Liefooghe…

Geoffrey Wetzel

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