Coup de chaud sur Photowatt

Photowatt a eu son lot de nuages noirs
Photowatt a eu son lot de nuages noirs

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C’est l’histoire d’un pays, leader du nucléaire civil, amoureux de l’atome, qui a bien failli devenir le numéro un du photovoltaïque. Et le récit d’une entreprise qui fabriquait des panneaux solaires alors que les énergies renouvelables n’étaient encore qu’un sujet confidentiel, mais qui a été à deux doigts de disparaître. Heureusement, l’énergie solaire n’a pas dit son dernier mot, Photowatt non plus.

En janvier dernier, la France introduisait des mesures pour favoriser les panneaux photovoltaïques made in Europe. Aujourd’hui, c’est l’Union Européenne qui voudrait intervenir en la matière, pour protéger les industriels du continent. Trop tard ? Une question à poser à ces pionniers qui, dès 1979, fondaient près de Caen celui qui deviendra rapidement le fleuron des énergies renouvelables de l’Hexagone.

1979-1996 : l’étincelle

A l’origine de l’histoire de Photowatt, on trouve le souhait du géant Philips de se doter d’un centre de recherche dédié au développement de cellules photovoltaïques pour… les satellites de télécommunication. Car à l’époque, la France est sur le point d’achever son programme nucléaire civil et les énergies renouvelables ne font pas vraiment la une des journaux. Ce centre de recherche à vocation industrielle se trouve à seulement quelques kilomètres des réacteurs du Cotentin. Tout un symbole. En 1990, Photowatt déménage à Bourgoin-Jallieu, dans l’Isère, pour se rapprocher des industriels des semi-conducteurs et des prestigieux centres de recherche en énergie solaire de Lyon et Grenoble. Car Photowatt a faim d’innovation, tant dans le produit que dans le process. Dès 1984, à la pointe sur son domaine, l’entreprise développe son propre procédé de fusion pour fabriquer le silicium multi cristallin des cellules. Alors qu’elle n’est pourtant encore qu’une PME de 80 salariés dotée d’une capacité de production de seulement trois mégawatts, soit l’équivalent d’une pale d’éolienne…

1997-2008 : la montée en puissance

Comme personne en France ne semble prêt à parier sur l’avenir du solaire, en 1997, l’entreprise iséroise passe entre des mains étrangères, celles du géant canadien de l’automation Automation Tooling Systems (ATS). A l’époque, Photowatt est toujours le seul acteur de la filière photovoltaïque française capable de maîtriser le processus depuis la barre de silicium jusqu’au panneau fini. Grâce aux investissements canadiens, sa capacité de production grimpe à 13 mégawatts en seulement trois ans. En 2002, Eric Laborde, Directeur général de l’époque, endosse le rôle de Monsieur Météo et annonce les nuages à venir, en affirmant au magazine Présence : « Le marché sur lequel nous sommes implantés se développera fortement dans les prochaines années, mais le marché français risque de rester marginal car il est peu subventionné ». En 2000, le gouvernement Jospin a bien introduit des tarifs de rachat pour soutenir l’émergence des nouvelles énergies… mais ils sont trois fois moins élevés qu’en Allemagne ! Il faudra attendre 2004 pour que le crédit d’impôt recherche soit instauré, et 2006 pour que les tarifs s’alignent sur ceux des pays voisins, permettant enfin à l’entreprise iséroise de développer son activité et doubler ses effectifs. Elle n’oublie pourtant pas la R&D et lance en 2007, en partenariat avec EDF Energies Nouvelles et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), le projet PV Alliance pour développer des cellules solaires à haut rendement : l’avenir frappe à la porte.

2008-2011 : le court-circuit

Mais c’était sans compter sur l’arrivée de la Chine sur le juteux marché du solaire. Dès 2007, le dragon asiatique fait le choix d’investir massivement sur le photovoltaïque en poussant ses banques à ouvrir leurs guichets aux industriels, qui s’offrent ainsi des usines capables de produire un Gigawatt de panneaux par an. Les économies d’échelle sont colossales, ce qui permet à des acteurs comme SunTech de casser les prix. En 2010, Photowatt, avec une production de 60 mégawatt, fabrique à 2 euros/watt alors que la concurrence chinoise se contente de 1,3 euros. Les installateurs et développeurs de parcs remercient et achètent, y compris en France. Finalement, les tarifs de rachat profitent davantage aux producteurs chinois qu’à la filière française. Pire, malgré une visite du président Sarkozy en 2009 dans ses locaux, le leader français ne semble pas être au cœur des préoccupations de l’Etat. Dans un rapport parlementaire en octobre 2010, l’actuelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Geneviève Fioraso dénonce le manque de réactivité de l’Etat : « Deux ans en ce qui concerne Photowatt, toujours en attente de renforcement de ses fonds propres et d’un financement d’une unité pilote de démonstration ». Vains mots. Le célèbre et contesté rapport de l’Inspecteur général des Finances Jean-Michel Charpin, qui pointe leurs insuffisances, ouvre la porte à la fin des aides au secteur. En novembre 2010, le gouvernement annonce un moratoire de trois mois sur toute nouvelle installation photovoltaïque, ce qui coûte à Photowatt trois gros clients, soit 40 mégawatts de commandes. Suivent une baisse du tarif de rachat et un durcissement global de la réglementation du secteur. Le propriétaire, ATS, n’apprécie guère. Dans la foulée, il annonce un plan social concernant les 670 salariés de l’entreprise et délocalise une partie de la production en Pologne et… en Chine ! Photowatt, jadis 5e, se retrouve à la 72 e place du classement mondial des producteurs de modules, carnet de commande vide et 442 salaires à verser. ATS veut se débarrasser de ce fardeau et annonce le dépôt de bilan le 4 novembre 2011. Rideau !

2012 : l’éclaircie

En cette période de crise, l’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais le calendrier électoral joue en faveur du fabriquant français et le président-candidat Sarkozy pousse EDF à se manifester auprès du tribunal de commerce de Vienne (Isère). L’offre de l’énergéticien – titulaire de 40% des parts de PV Alliance aux côtés du CEA et de Photowatt – est retenue et sa filiale EDF Energies Nouvelles reprend le site avec un plan d’investissements de 3 millions d’euros sur un an et la sauvegarde de 345 emplois. C’était fin février 2012. Un an après, en janvier 2013, les nouveaux décrets sur les tarifs d’achat photovoltaïques tant attendus viennent enfin de paraître au journal officiel lorsque la nouvelle ministre de l’écologie, Delphine Batho, se rend à Bourgoin-Jallieu. « Moi ce qui m’intéresse, c’est cette annotation « Made in France » gravée sur cette cellule Photowatt. Dans le domaine du photovoltaïque, chaque euro investi doit désormais se traduire par du développement industriel et de la création d’emploi en France », affirme-t-elle alors qu’Olivier Paquier, Président d’EDF ENR solaire, annonce la volonté de relocaliser en France toute la production. Aujourd’hui, les travaux sont en cours pour aménager une nouvelle ligne de production dans 12000 m² à Vaulx-Milieu. Les premiers modules Photowatt devraient en sortir à l’automne 2013. Le soleil brillera-t-il à nouveau sur le champion du photovoltaïque made in France ?

Andrea Paracchini

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