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À 24 ans, qu’il est bon de commencer par un échec ! Cet ingénieur en informatique diplômé de l’Ensiie trouve tout naturel de lever des fonds autour d’un concept de cashback, de tout dépenser en pub en trois mois avant de rebondir sous forme de prestations de service pour de grands groupes. Pendant cinq ans, le bosseur ingénieur réalimente sa boîte, acquiert puis fusionne. Ma foi, revendre sa PME de 15 personnes 1,5 million d’euros n’est pas le plus cuisant des échecs. De quoi recréer une deuxième start-up sous forme d’agence numérique. Qui lui fait prendre conscience qu’un véritable échec naît de l’incompréhension entre humains. Quand un associé sait que la seule vision possible est de se développer – lui – et que l’autre ne le veut surtout pas, mieux vaut tout arrêter.
À la recherche de sa vraie place
Mais à 29 ans, c’est un Denis Fayolle en couple qui s’achète une conduite… de salarié. La sagesse dure… deux mois. Affamé, il crée sa troisième jeune pousse, LaFourchette. Qu’il plante avec appétit dans la réservation de restaurant en ligne, en France puis en Espagne, en adaptant du yield management au menu (politique de tarification différenciée et dynamique). Entre 2006 et 2009, LaFourchette passe de 200 000 réservations par mois à 2 millions et multiplie son CA par dix. On appelle ça de l’ultracroissance que TripAdvisor trouve à son goût : le guide planétaire acquiert la successfull start-up 140 millions en 2014.
Que faire en un gîte à moins que l’on ne songe ? Denis Fayolle songe, lui, à monter des leaders nationaux français. Métier : accélérateur. Il accélère ZenSoon (soins de beauté) avant sa revente à Treatwell, il accélère ManoMano, acteur européen du bricolage de 500 personnes. Mais il freine, dans sa tête, Denis : « Ça ne me convenait pas en tant qu’entrepreneur. » Trop peu impliqué dans l’affaire. Changement de modèle : désormais, il sera confondateur des projets prometteurs qui sonnent à sa porte, et il est là au quotidien, dans les bureaux des start-up qu’il investit.
Cinq, dix, seize « boîtes » « fayollées », certaines qui s’évaporent en deux mois, d’autres en deux ans, d’autres pas : Habiteo, immobilier, il investit et s’investit. Adrenaline Hunter, plate-forme de réservation en ligne de sports extrêmes, il investit et s’investit. Et… il change de modèle !
Les personnalités avant l’idée
On récapitule : imaginer, lancer, revendre, il a donné. Accélérer n boîtes l’a lassé. Investir et s’investir dans des projets, il a réussi, il a compris : dans une affaire, l’important, ce sont les créateurs, pas l’idée. Il la vit, cette évidence. Emballé par un projet de disruption du maintien à domicile de personnes âgées, Denis Fayolle s’engage auprès de trois associés, des tempéraments exceptionnels. Vingt-quatre heures avant la levée de fonds, deux explosent en vol, mésentente.
« Si je ne tiens pas compte de ce risque, je me heurte à une complication majeure. » D’où nouvelle traque, depuis trois ans : « Je pars des personnes et non du projet, de l’idée. Je cherche des personnalités à impact, qu’ils/elles soient en échec ou en réussite. Ensemble, nous définissons un projet. Et le lançons. »
Et le discret Fayolle lance et relance. Singulart, galerie d’art en ligne, cartonne à l’export depuis deux ans. Farmitoo, achat en ligne d’équipements agricoles (!), la plus grosse start-up du genre, NextSation recrute des profils en quête d’un job à l’étranger…
Cette fois, Denis Fayolle tient son modèle. « Je vais continuer à développer en sachant parfaitement que les échecs à venir sont prévisibles. » Ce « rebondisseur professionnel » a maîtrisé en quelque sorte le rebond comme arme de création massive et a trouvé sa place dans son jeu de trempoline : associé non opérationnel mais présent, trois ans durant, dans des bureaux partagés par ses couvains. L’entreprise Fayolle cherche des associés, pas l’idée. Sa valeur dynamique, c’est l’équipe, l’équipe, l’équipe. La réunion de talents.
À l’heure des bilans, DF comme DéFi, 44 ans, compte huit échecs sur 16 entreprises. Parmi les huit échecs, sept sont dus au facteur humain. Son savoir-faire, c’est donc de comprendre de quoi se compose un lien entre des êtres humains, dans le temps. Qui sait si Denis Fayolle ne prendra pas celui pour une thèse de doctorat sur la question ? En attendant, le voilà ambassadeur au sein des Rebondisseurs français, l’association créée par Isabelle Saladin dont l’emblème est le kangourou et dont ÉcoRéseau Business est le partenaire*. Il fut sur la scène des Re.Start Awards le 1er octobre, deuxième saison. Le voilà, son ultime modèle : le rebond est une énergie qu’il réussit à canaliser. N’est-ce pas le secret d’une économie durable ?
Olivier Magnan
* Un kangourou fait des bonds avec sa progéniture start-up en couveuse dans sa poche. Quelle meilleure image ! Notre partenaire est désormais celui d’Up’N BIZ, à Marseille, créé par Jérôme Tarting, offreur de solutions de création (ou de relance) d’entreprise.