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Les défaillances d’entreprises devraient de nouveau s’aggraver en 2019, la faute au ralentissement économique, prédisent les économistes. Pas de quoi faire peur aux Français de plus en plus séduits par l’aventure entrepreneuriale. Selon un sondage Ifop pour Ubi Solutions, en partenariat avec Le Parisien Week-End, la perspective de monter sa propre boîte, d’en reprendre une ou de s’installer à son compte séduisait, fin octobre, 36 % d’entre eux. C’est le plus haut chiffre enregistré depuis 1999
(1re année du sondage), en augmentation de 5 points par rapport à 2015. « Ces dernières années, il y a eu un grand mouvement autour de la French Tech – les entreprises françaises du numérique –, ainsi que la création du statut de micro-entrepreneur », expliquait au Parisien Week-End Fabrice Zerah, fondateur et dirigeant d’Ubi Solutions, société dont les puces intelligentes équipent aussi bien les draps des 39 hôpitaux de l’AP-HP que 10 000 voitures du parc d’occasion de PSA. « Ce sondage confirme qu’aujourd’hui, l’envie de créer son entreprise est forte en France, notamment chez les jeunes, puisque 59 % des moins de 35 ans envisagent ce projet. » Pourtant, si le désir d’entrepreneuriat croît, le sentiment qu’il est difficile de créer son entreprise en France reste fort, puisqu’il est partagé par 68 % des sondés. Les principaux freins perçus sont le poids des charges et des impôts pesant sur l’activité (42 %), la crainte suscitée par le risque financier (40 %) et la complexité des démarches administratives (33 %).
Trouver la bonne idée
Pour Frédéric Salles, président et fondateur de Matooma, « il existe pourtant dans notre pays un écosystème exceptionnel de soutien à la création d’entreprise, avec, par exemple, l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, le statut de jeune entreprise innovante, le réseau Entreprendre, etc. ». Après sa formation d’ingénieur, Frédéric Salles passe par IBM avant de rejoindre SFR.
Il y restera dix ans, d’abord comme responsable commercial de région, puis comme ingénieur d’affaires national M2M. Il prend alors la mesure de l’incroyable potentiel de l’Internet des objets. L’idée de Matooma part d’un constat : ses clients ont du mal à gérer leur parc d’objets connectés. Ils doivent sans cesse jongler entre plusieurs opérateurs en fonction du réseau. « Nous avons donc conçu une plate-forme pour gérer tous les opérateurs, mais aussi des cartes Sim multi-opérateurs », explique Frédéric Salles. En 2012, il crée Matooma avec Nadège Salles et John Aldon, ses associés. Après plusieurs refus, ils réussissent à convaincre le réseau Entreprendre ce qui leur permet d’ouvrir un crédit de 100 000 euros. Avec 50 collaborateurs et un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros, Matooma fait partie des success stories de la French Tech.
Ménager sa monture
Pour connaître pareille réussite, le dirigeant recommande de ne pas brûler les étapes. La première consiste à effectuer une étude de marché afin de mieux connaître son environnement commercial et concurrentiel. « C’est à l’issue de cette recherche que mon analyse s’est confirmée. Il existe un vrai besoin industriel lié à la croissance du marché des objets connectés dans le secteur industriel et BtoB (alarme, télésurveillance, santé, énergie, industrie, etc.) », indique Frédéric Salles. Qui recommande également de ne pas se lancer seul. « Être au moins deux favorise la confrontation des points de vue histoire d’éviter des erreurs grossières commises dans la précipitation. S’associer est en outre un enrichissement, nouvelles compétentes à la clé. Moi par exemple, j’étais spécialisé dans l’ingénierie et le commercial. Je me suis donc associé avec John Aldon, très à l’aise avec la comptabilité et la finance. »
La famille, une alliée sinon rien
Dans le même temps, il est indispensable de faire un point sur votre situation personnelle, familiale, financière et patrimoniale. Effectivement, le passage d’une activité salariée au statut d’entrepreneur impactera vos revenus ainsi que votre vie de famille. Il s’agit là d’un point essentiel assure Anthony Abiven, fondateur d’Ineol, une société en plein essor spécialisée dans la distribution, auprès des restaurants, d’huiles alimentaires vierges, et dans la collecte d’huiles alimentaires usagées. « Il faut faire preuve d’une détermination sans faille pour créer sa boîte. Si l’on n’est pas costaud dans sa tête, l’échec est voué d’avance. Votre compagne, ou votre compagnon, doit être 100 % avec vous. Il faut être prêt à sacrifier son pouvoir d’achat, ses temps libres en famille, à abandonner le confort protecteur du salariat. Or, souvent l’entourage proche ne comprend pas que l’on puisse prendre tous ces risques. » Anthony Abiven ne remerciera jamais assez les consultants d’AZ Initiatys rencontrés dans une formation financée par Pôle Emploi. « Ces spécialistes m’ont appris à affronter mes démons et à défendre mon projet devant les banques bien sûr, mais avant tout, devant mes proches. »
Chercher du soutien
Vient ensuite l’étape de la recherche d’informations liées à la création d’entreprise. De nombreuses sources documentaires sont disponibles sur Internet. Il est cependant fortement conseillé de se rapprocher d’une chambre de commerce afin d’obtenir une aide précieuse. Il est aussi très utile de rencontrer d’autres porteurs de projets au sein de réseaux tels que Réseau Entreprendre ou Initiative France, afin de bénéficier de leurs expériences. « Cette étape m’a pris près d’un an, révèle Christopher des Fontaines, fondateur de Jollyclick, le premier réseau social pour entrepreneurs, freelances et projets innovants. Ce temps m’a permis de réfléchir à mon projet, tester ma motivation et trouver un associé spécialisé dans le développement web, une compétence que je ne possédais pas. »
Lorsque votre décision est prise, il convient alors de prévenir votre employeur au sujet de vos futurs projets, puis de choisir entre un congé création, un maintien de l’activité ou un départ définitif. C’est aussi le moment de consulter votre banquier et de prendre contact avec un expert-comptable.
Un projet ciselé
La création d’une entreprise passe tout d’abord par la définition du projet. Il s’agit d’en délimiter le cadre et d’expliquer la manière dont vous souhaitez exercer en élaborant un business plan. Cet outil vise à réunir toutes les informations sur votre future activité et à en démontrer la solidité auprès de vos investisseurs. Il contient notamment la présentation du projet, des produits et des services.
Il aborde le sujet du modèle économique et propose une étude du marché dans lequel l’activité se développera. Le business plan doit aussi comporter des informations sur la concurrence, l’analyse des « forces, des faiblesses, des opportunités et des menaces » qui affecteront votre activité. Ce document doit également proposer une description des plans d’action commerciale, de communication, de R&D (Recherche et Développement) ou encore de production, ainsi que la forme juridique, la structure, les prévisions financières sur trois ans, les projets d’investissement, sans oublier les scénarios de fin d’activité. Le business plan est d’une importance capitale : l’avenir de votre projet dépendra en grande partie de sa qualité. « Parmi mes camarades de promotion à la formation de création d’entreprise dispensée par Pôle Emploi, l’un, sûr de son idée, a négligé la réalisation de son étude de marché et d’un business plan solide. Résultat, il a perdu les premières années à la tête de son entreprise à boucher les trous et répondre à des problématiques qui ne se seraient pas posées avec une étude marché et un business plan plus abouti », explique Anthony Abiven.
L’argent, nerf de la guerre
L’étude de votre financement est essentielle afin de constituer votre enveloppe de départ. Elle comptera votre apport personnel, celui d’associés ou encore un crédit bancaire ou un financement par crowdfunding.
En tant qu’entrepreneur, vous avez aussi le droit à de nombreuses aides et subventions émanant de votre département, de votre région ou encore de Pôle Emploi. Les chambres de commerce proposent les services de conseillers qui vous accompagneront pour la création, mais aussi pour des démarches ultérieures une fois votre activité lancée. « Il ne faut pas se méprendre, l’argent est le nerf de la guerre et malgré toutes les aides publiques ou parapubliques, il faut un minimum de capitaux pour se lancer. C’est d’autant plus indispensable que cela rassure les organismes, les banques, bref tout ceux qui sont susceptibles de vous prêter de l’argent », assure Frédéric Salles. Lui-même a bénéficié de la love money de sa famille pour monter son projet. De son côté, Christopher des Fontaines, conscient que les banques ne financeraient jamais un projet aussi original avec des perspectives de bénéfices à moyen terme, a misé sur le crowdfunding avec succès. « Un an après avoir créé mon entreprise, j’ai levé 300 000 euros en mars 2017 auprès du business angel suédois Nore Rinnesjö-Eckerberg. Je viens de clore un deuxième tour de table de 800 000 euros auprès du fonds d’investissement suédois Reykur Förvaltning, de l’ANRT, de Bpifrance et de la région Occitanie. »
Le choix des statuts juridiques et sociaux intervient en dernier lieu. Il s’agit de définir l’ensemble de votre projet et de son financement afin de déterminer le statut adéquat. L’aide d’un expert-comptable et d’un avocat peut se révéler judicieuse lors de cette étape. Le chef d’entreprise doit en effet opter pour un régime social qui déterminera la méthode de calcul des cotisations sociales et de l’imposition, à savoir celui du micro-entrepreneur, du travailleur salarié ou du travailleur non salarié. Dans le cadre de la création d’une société – SAS, SARL –, la rédaction des statuts et du pacte d’associés s’impose, encadrant les règles de fonctionnement et d’organisation de la nouvelle entité : les apports, la forme, l’objet, l’appellation, le siège social, les parts sociales… « L’enjeu est d’importance », souligne Frédéric Salles qui indique qu’un montage capitalistique mal préparé peut conduire à terme à la perte du contrôle de la société par son fondateur. « Mieux vaut avoir un ou deux associés avec un détenant une forte majorité. En effet, les levées de fonds sont mécaniquement dilutives. À la première levée de fonds, les associés gardent le contrôle de leur boîte, mais à la deuxième, ils risquent fort de se retrouver minoritaires. »
En outre, il est temps d’entériner le choix d’un nom d’entreprise, une démarche qui demande quelques recherches auprès de l’Inpi ou de l’Afnic afin d’en vérifier la disponibilité. Enfin, vient le moment de l’enregistrement auprès des organismes agréés. Il faut pour cela contacter le Centre de formalités des entreprises (CFE), obtenir son immatriculation auprès du Registre du commerce et des sociétés (RCS) et s’enregistrer au Répertoire national des entreprises (RNE). Vous obtiendrez ainsi votre extrait Kbis et pourrez officiellement lancer votre activité.
Pierre-Jean Lepagnot
Et puis se faire connaître sur le Web, utiliser les réseaux sociaux de manière adaptée, identifier sa cible client et apprendre à la connaître pour lui proposer des contenus adaptés, bref notoriété et visibilité pour se développer de manière pérenne 😉😊