Défiscaliser : Pinel & Co…

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Tempête sous un crâne. Confronté à la pression des « gilets jaunes » et plus globalement à une grande partie de l’opinion publique, Emmanuel Macron a placé la fiscalité au cœur du grand débat national achevé le 15 mars. Dans sa lettre adressée aux Français, le 13 janvier, le chef de l’État interroge les citoyens : « Comment pourrait-on rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace ? Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ? » Si les conclusions du grand débat et, surtout, les arbitrages de l’Élysée, sont pour l’heure inconnus, certains ont d’ores et déjà exhorté le président à un « big bang fiscal » dont les premières victimes seraient notamment les niches fiscales. À commencer par Gérard Darmanin, ministre chargé du Budget, pour lequel ces mécanismes de réduction de l’impôt sur le revenu coûteraient 14 milliards d’euros par an au budget de la nation. Le souci, c’est que « derrière chaque niche, il y a un chien qui aboie », s’amusent régulièrement à souligner parlementaires et cadres de Bercy. Or, dans le cas des dispositifs d’investissements locatifs (Scellier, Duflot, Pinel, Malraux, etc.) les aboiements des acteurs concernés (promoteurs, organismes sociaux, investisseurs, maires, etc.) sont d’autant plus bruyants qu’ils semblent justifiés. Dans un marché du logement fragilisé en France par un excès de demande depuis de longues années, le nombre de logements neufs vendus en 2018 a baissé de 10,5 %, dont 13 % au quatrième trimestre. Un repli inquiétant qui s’explique par la dérobade de la clientèle des investisseurs, particuliers comme professionnels, réactifs aux incitations fiscales et budgétaires. Les ventes de logements neufs auprès des investisseurs particuliers dans le dispositif Pinel ont reculé de 13,2 % en 2018. « C’est une alerte, pas une alarme », veut croire la présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), Alexandra François-Cuxac, qui, lors d’une conférence de presse le jeudi 28 février, a appelé les pouvoirs publics à « agir rapidement, en cessant la cacophonie fiscale qui effraie les ménages ». Depuis, le débat fiscal s’est focalisé sur d’autres thèmes comme le retour de l’ISF. Sans préjuger des choix gouvernementaux à venir, la défiscalisation immobilière pourrait donc rester quelque temps encore un outil de rééquilibrage du marché locatif.

Le Pinel en panne

Parmi tous les dispositifs de défiscalisations immobilières, le Pinel est de loin le plus populaire. Il offre une défiscalisation progressive de 12, 18 et 21 % en fonction de la durée de location (6, 9 ou 12 ans), mais également la possibilité de louer aux ascendants/descendants. Ce mécanisme, qui rentre dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000,00 euros, coûterait à l’État 6,4 milliards d’euros, entre 2019 et 2035, selon le sénateur Albéric de Montgolfier. C’est d’ailleurs ce coût qui incite l’État à en réduire progressivement le périmètre géographique au profit des zones les plus tendues. Depuis le 31 janvier, seules les villes circonscrites dans les zones A bis, A et B1 continuent à bénéficier du dispositif jusqu’à fin 2021. Pour ce qui concerne les zones B2 et C, leurs villes ne peuvent plus y prétendre. Ça concerne quand même 177 communes en Bretagne, principalement les villes des grandes agglomérations, comme Brest Quimper, Lorient, Lannion, Saint-Brieuc et Vannes. Une décision qui suscite l’incompréhension d’Élena Azria, porte-parole du promoteur et commercialisateur brestois Oceanic : « La métropole brestoise offre toutes les caractéristiques, de la forte demande locative, le faible taux de vacance, du reste en baisse, le nombre de ménages croissant, jusqu’au bassin d’emploi robuste, qui justifient son éligibilité au dispositif Pinel. Dans le cas contraire, les professionnels redoutent une baisse de 35 % de la construction de logements neufs au sein de l’agglomération. » À la décharge du gouvernement, le zonage du Pinel revêt une importance capitale pour l’investisseur car le dispositif n’est pas sans risque. Le premier d’entre eux est sans aucun doute d’investir dans une zone où le marché locatif est atone. En cas d’impossibilité de louer, les investisseurs devront rembourser leur avantage fiscal. Sans compter le risque de revendre à perte ou, pire, de se retrouver avec un logement invendable sur les bras comme les milliers d’investisseurs, victimes des dispositifs de défiscalisation Robien, comme le rappelle la lanceuse d’alerte Claudy Giroz dans son ouvrage Défiscalisation ou défricalisation publié en 2012. Pour mieux valoriser son investissement – le plus souvent réalisé en vue d’assurer une rente ou un capital pour la retraite –, l’épargnant doit se concentrer sur le rapport qualité/prix, comme l’explique Philippe Malatier, dirigeant et associé de K&P Finance. « Le choix d’un produit éligible au Pinel se fait au cas par cas. Tout dépend du promoteur, de sa stratégie, de la situation du marché locatif. Chez K&P Finance, nous privilégions généralement les premières et deuxièmes couronnes de Paris-Est ainsi que les dix principales villes françaises et leurs premières couronnes. » Investir à Paris ne représente en effet aucun intérêt. La réduction d’impôt liée à une acquisition via ce dispositif se calcule dans la limite de 5 500 euros par mètre carré habitable, loin des 9 463 euros/m² moyens du marché immobilier parisien, selon MeilleursAgents. Mathieu Mars, directeur associé de l’Institut du patrimoine, recommande lui aussi d’investir dans du Pinel « au bon prix et au bon endroit ». Selon lui, il existe des programmes intéressants, à Rennes par exemple. « Il ne faut pas oublier que l’assurance vie offre un rendement moyen de 1,6 %, contre 2,5 % de rendement locatif au minimum pour le Pinel, hors avantage fiscal. Avec l’avantage fiscal de 2 % par an, le rendement monte à 4,5 % », ajoute-t-il, et sans compter l’effet de levier du crédit. Un point qui a son importance compte tenu de la faiblesse persistante des taux d’intérêt.

L’attrait fiscal de l’outre-mer

Dans ce contexte propice à l’endettement, les investisseurs à la recherche d’une carotte fiscale plus charnue apaiseront leur appétit grâce au dispositif Pinel dans l’outre-mer. Il revêt plusieurs avantages. En premier lieu, ce mécanisme autorise le dépassement du plafond annuel global des niches fiscales fixé à 10 000 euros en métropole, puisqu’il est de 18 000 euros dans les Dom-Tom. En outre, il est possible de moduler son investissement (dont le montant est plafonné à 300 000 euros), de s’engager sur seulement six ans au départ comme de profiter de la défiscalisation jusqu’à 12 ans. Sur six ans, elle correspond à 23 % du montant investi, puis à 29 % sur neuf ans et à 32 % sur douze ans. « Nos programmes à Cayenne ou à Rémire-Montjoly [le Neuilly de Cayenne] offrent un rendement moyen de 4,5 %, hors avantage fiscal. Cayenne constitue en outre un placement peu risqué compte tenu de la démographie croissante et de la pénurie de logements de qualité », explique Élena Azria d’Oceanic. Philippe Malatier de K&P Finance relève, lui aussi, un biais pour Cayenne. « Comme dans le dispositif Pinel classique, il faut toutefois veiller à ne pas payer trop cher son bien et s’assurer du sérieux du promoteur et de la société qui géreront votre bien. À des milliers de kilomètres de vous, ce sont eux qui garantissent la pérennité de votre capital. » Pour Élena Azria, « si à l’issue du processus de défiscalisation, soit 6 à 12 ans après l’achat, le marché de l’immobilier a baissé, il est peu probable que l’investisseur perde de l’argent en raison de la puissance de l’avantage fiscal. C’est d’autant plus vrai si les loyers perçus ont permis de rembourser, mois après mois, une grande partie de l’emprunt ».

Le charme de l’ancien

Pour les investisseurs à la fois amoureux des vieilles pierres et rétifs à l’exotisme, un nouveau dispositif vient d’être mis en place dans le but d’aider la rénovation des logements dégradés de centre-ville : le Denormandie. Ce nouveau mécanisme baptisé du nom du ministre actuel du Logement procure exactement les mêmes avantages fiscaux que le Pinel dans le neuf. À quelques conditions près. Les travaux à mener doivent représenter 25 % du montant de l’opération immobilière, c’est-à-dire le montant de l’achat additionné à celui des travaux. Autre condition : le montant de l’achat ne doit pas dépasser 300 000 euros. Enfin, le logement est loué non meublé et le loyer proposé est ensuite plafonné, ainsi que les ressources des locataires. Ce mécanisme, qui est en fait une extension du Pinel dans l’ancien, revêt plusieurs avantages par rapport au Pinel classique. En premier lieu, le périmètre géographique est bien plus vaste. « La loi Denormandie s’applique dans les agglomérations dont les centres-villes se dégradent et comportent de nombreux logements vacants ou en mauvais état. Les 222 villes bénéficiaires du plan Action Cœur de Ville, ainsi que les villes retenues au titre de la démarche dite de l’“Expérimentation ville patrimoniale” sont éligibles au dispositif de défiscalisation Denormandie », souligne Marcelina Stark, directrice associée d’Angelys Group. Au surplus, l’épargnant investit au cœur des villes où les prix sont traditionnellement moins volatils que dans les périphéries où l’offre est moins pléthorique. Bien sûr, comme pour le Pinel classique, il s’agit d’un investissement réfléchi. « Le dispositif concerne en priorité les investisseurs immobiliers locaux, parfaitement au fait du marché », pense Marcelina Stark. Son groupe, spécialisé dans le domaine de la réhabilitation d’immeubles anciens situés en centre-ville, porte une attention toute particulière à la sélection des villes éligibles à ce dispositif, mais également à l’emplacement au sein de ces communes. Dynamisme économique, dynamique démographique ou encore fragilité sociale… Autant de paramètres essentiels qui doivent être au cœur de l’analyse de marché. Au final est-ce un placement intéressant ? Selon Marcelina Stark, il rapporterait entre 2 % et 3 % net, soit un « rendement correct pour de l’ancien ».

Pierre-Jean Lepagnot

Dossier en 2 volets :

1. Défiscaliser : Pinel & Co…

2. Ces autres placements attractifs…

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