SITL, pas encore lessivé

SITL joue son avenir sans tambour
SITL joue son avenir sans tambour

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Menacée par la mise en redressement judiciaire de son principal client FagorBrandt, la Société d’innovation et de technologie (SITL) bataille à Lyon pour gagner son pari fou : basculer du lave-linge aux cleantech. Avec à la clé 400 emplois…

Pierre Millet n’a qu’une idée en tête lorsqu’il se lève le matin : relancer la machine. Même pris dans le tourbillon et la tête sous l’eau, le dirigeant de SITL reste calme, déterminé, optimiste. Toujours. « Nous bataillons, résume-t-il. C’est un combat de longue haleine. » L’avenir de la société qu’il a bâtie à Lyon en décembre 2010 – et celui de ses 412 salariés – sera rapidement fixé. Placée en redressement judiciaire le 2 janvier dernier par le tribunal de commerce de Lyon, l’entreprise se bat par tous les moyens pour la poursuite de son activité. « Nous essayons de trouver des solutions, explique Pierre Millet. D’une manière ou d’une autre (cession, continuation…), nous aimerions mener à bien le travail qui a été commencé. » A l’heure où nous écrivons, aucun repreneur potentiel ne s’est officiellement manifesté. « Des marques d’intérêt significatives ont été démontrées, essentiellement de la part d’industriels régionaux, nationaux voire étrangers, précise Pierre Millet. La période d’observation sera reconduite jusqu’à ce qu’il y ait une offre ou qu’il n’y ait plus de trésorerie. Et à ce jour, nous avons une visibilité qui s’étend jusqu’au 15 mars. » Selon le dirigeant, les contacts établis laissent à penser qu’une issue positive serait envisageable. « Mais nous ne savons pas si nous pourrons sauver tous les emplois », reconnaît-il.

Chiche…

L’histoire de SITL relève d’un vrai pari. Le projet prend vie dans le courant de l’année 2010. A l’époque FagorBrandt, filiale française du groupe espagnol Fagor Electrodomésticos spécialiste de l’équipement électroménager, décide de fermer son unité lyonnaise dédiée à la production de lave-linge à chargement par le dessus. « La fermeture d’une usine n’était pas vraiment la tasse de thé de Fagor, non seulement parce que cela coûte cher, mais également parce que c’est un groupe coopératif, souligne Pierre Millet. C’est pourquoi il était intéressé par un réel projet industriel et se montrait prêt à étudier toute proposition de reprise. » Quatre plans sont proposés à FagorBrandt. Le groupe sélectionne celui de Pierre Millet et transfère le 1er avril 2011 son unité lyonnaise de 6,5 hectares à SITL. Le deal : conserver tous les emplois. Ingénieur de formation, Pierre Millet a fait ses armes dans le domaine de l’électronique professionnelle chez Thomson CSF. Il était chargé de trouver des débouchés civils à partir de technologies militaires. En réindustrialisant le site lyonnais de FagorBrandt, cet industriel isérois (société Technitôle) entend capitaliser sur 60 années de savoir-faire. « Il me semblait dommage de dilapider cette industrie, ces compétences et ces emplois », déclare-t-il. Pour faire revivre le site, l’entrepreneur parie sur une complète réorientation stratégique. Et propose d’asseoir SITL sur deux activités liées aux cleantech : le transport propre et le traitement par microfiltration. La première fabrique et commercialise des solutions de mobilité électrique (véhicules utilitaires, vélos et scooters) sous la marque Brandt Motors. La seconde propose des dispositifs de filtration des effluents urbains et industriels sous la marque Power Motion Filters. Avec son projet, l’homme suscite de l’incrédulité voire de la méfiance. « Ce que je proposais ne ressemblait pas vraiment à ce qui se faisait habituellement », déclare l’industriel.

Au départ, le plan d’affaires prévoit une année de conception des produits (véhicules et filtres), puis une année d’industrialisation avant le lancement de la commercialisation et un rythme de croisière atteint deux ans plus tard. Surtout, FagorBrandt s’engage à passer des commandes de machines à laver jusqu’en 2015 afin de financer le lancement de SITL. Pour structurer SITL, Pierre Millet met en place des services supports : commercial, achats, finances, bureau d’études… A ce jour, pas moins de 18 millions d’euros ont été investis (dont 9 millions d’euros en formation du personnel) sur 24 millions programmés au départ. Le tout est financé grâce au capital de l’entreprise, des prêts participatifs de FagorBrandt et des emprunts bancaires.

Coup d’arrêt

Alors que le pari est en passe d’être tenu, l’histoire bascule le 7 novembre dernier. Le tribunal de commerce de Nanterre prononce la mise en redressement judiciaire de FagorBrandt. « L’arrêt brutal des relations commerciales avec FagorBrandt a donné un grand coup d’arrêt à SITL », déplore Pierre Millet. Conséquence, 90% des salariés de la société sont mis au chômage partiel. « A la création de la société, la rentabilité de l’activité véhicules propres était prévue pour avril-mai 2015, souligne le dirigeant. A terme, nous tablions sur la vente de 1200 véhicules par an. Mais avec le dépôt de bilan de FagorBrandt, nous avons dû nous redimensionner. Nous ne sommes plus dans le modèle économique de départ. » Depuis le printemps 2013, SITL a vendu une soixantaine de véhicules et une cinquantaine de filtres. « Dans l’absolu ce chiffre est encourageant, mais il est désormais insuffisant au regard de l’effectif. »

Secoué mais pas totalement essoré, Pierre Millet se bat encore avec la force de ceux qui croient en leurs projets. A ce titre, il a officialisé le 10 février dernier un partenariat commercial avec la PME grenobloise Lazelec, spécialisée dans l’électrotechnique et l’usinage de l’aluminium. Par cet accord, celle-ci s’engage à confier à SITL la fabrication de son Mobile Dream, véhicule tout terrain 100% écologique destiné aux personnes à mobilité réduite. Selon Pierre Millet, l’opération devrait permettre de maintenir une quinzaine d’emplois. Dans le même temps, l’intersyndicale de SITL propose de développer une activité de recyclage des lave-linge en fin de vie. D’après les salariés, l’activité permettrait de sauver 200 emplois supplémentaires. Le savoir-faire est là, reste à trouver la bonne formule… .

Yann Petiteaux

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