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« Les 5 erreurs que je ne commettrai plus »
En 2012, à 50 ans, il fait monter en ligue 1 l’équipe de Thonon Gaillard qui stagnait huit divisions plus bas. En 2016, il sauve le Toulouse Football Club de la relégation. Mais Pascal Dupraz se relègue lui-même en janvier 2018, un an avant la fin de son contrat. Il travaille aujourd’hui à son rebond. Frédéric Rey-Millet, pro du « sourire rendu aux managers », en a tiré avec lui des Leçons de leadership. Pour tout le monde.
Dupraz souriant, pouce levé, le bouquin affiche en gros : « Réussir, échouer, rebondir : ses secrets d’entraîneur ». Le cofondateur d’EthiKonsulting, cabinet de conseil en innovation managériale, Frédéric Rey-Millet, décide de suivre le coach toute une saison pour en tirer des Leçons de leadership. Et c’est une réussite. Le livre qu’ils bâtissent à deux va droit au but : loin des « leçons » de gourous, il décrypte, match après match, les attitudes du coach, ses mots, ses décisions, ses repentirs. Stupéfait, le chef d’entreprise Rey-Millet retrouve, à travers les choix managériaux spontanés de son ami, les grands auteurs (américains). C’est le « changement d’état d’esprit » de Carol S. Dweck qui affirme qu’une intelligence s’améliore toujours (Osez réussir, Mardaga, 2017), ce à quoi Dupraz s’emploie face à l’état d’esprit fixe de joueurs qui « se considèrent comme à l’apogée de leur talent ». C’est le Talk Like TED de Carmine Gallo (Macmillan, non traduit en français) que met en scène spontanément l’entraîneur le jour où, à Lille, il inscrit un énorme « 69 » sur le premier feuillet du paperboard face à ses joueurs. Aucune allusion grivoise, non, mais simplement le nombre de points qu’il leur reste à engranger pour gagner. Et quand Pascal Dupraz se prend les pieds dans le tapis face au président du Toulouse Football Club, Rey-Millet n’a plus qu’aller chercher le fameux Faites vous-même votre malheur de Paul Watzlawick (Points, 2014).
Les 5 erreurs et leurs parades
Car, oui, Dupraz se révèle manager-né (il prenait la parole devant ses jeunes copains quand l’entraîneur tournait les talons !), mais ses « cinq erreurs » l’ont tout aussi plombé dans sa carrière. Aujourd’hui en attente d’un club (il reçoit des propositions), il « rebondit » comme chroniqueur TV chez TF1 et s’émerveille chaque jour d’aimer la vie qu’il a failli perdre à 39 ans (infarctus).
Les « cartons jaunes » de Dupraz (à ne confondre ni avec « faute », encore moins avec « échecs », analyse de façon très pertinente le patron d’EthiKonsulting) se décryptent à merveille :
- Après la remontada du TFC, le patron de l’équipe aurait dû exiger les pleins pouvoirs ou partir. Or il respecte le choix du président du club qui ne vise que le maintien en ligue 1 quand le bouillant entraîneur veut décroche la Coupe d’Europe. « Agacé, dit-il, je n’avais que deux choix perdants : ou bien je faisais taire ma frustration, ou bien je devenais excessif face à mon président qui, de toute façon, aura le dernier mot, c’est son club après tout. » Frédéric Rey-Millet siffle : « Non, il fallait te montrer explicite. »
- Au plus haut de sa réussite, Pascal Dupraz envoie son agent négocier un prolongement de contrat auprès du président qui ne reçoit pas même l’envoyé. Rey-Millet : « Il devait revenir à la charge et ne pas se créer d’incertitude anxiogène. »
- Double erreur, Pascal a attendu six mois avant de recruter son adjoint de confiance dont il a assuré la cohabitation avec le précédent, mais sur un pied d’égalité. C’était botter en touche, estime le coach des managers, « il fallait qu’il débarque avec une garde rapprochée choisie par ses soins ».
- Conserver sur le banc des joueurs des titulaires qui n’avaient plus sa confiance. « J’aurais dû prendre en mains immédiatement le recrutement », se tacle lui-même Dupraz.
Transposez à l’entreprise : vous reconnaîtrez le cas échéant des « erreurs » à vous. « Entraînez »-vous à ne plus les commettre Et usez des trois clés du coach : faire travailler, établir une relation de confiance, cibler les bons objectifs.
Dupraz : « Je crois à l’amour »
Quand vous êtes-vous révélé manager à vous-même ?
Mes parents étaient eux-mêmes des managers. Je leur dois ce tempérament. En réalité, je crois en l’empirisme. Ma première responsabilité, je l’ai exercée très jeune. J’avais 20 ans, j’étais joueur pro, je m’occupais d’une école de débutants. Des jeunes gens de 7 ans qui étaient à l’écoute, c’était l’école du mimétisme, ils reproduisaient les gestes qu’on leur montrait. ça m’a plu. Et puis c’est en 1991 que j’ai managé une équipe d’adultes, le FC Gaillard, devenu plus tard Évian Thonon Gaillard. Ils étaient derniers de leur division, ils m’ont demandé un coup de main. Et cette équipe s’est mise à tourner. Au-delà de la technique, je crois au bien vivre ensemble. À l’amour. On peut être équipier et s’aimer.
On vous a jugé ferme, directif…
C’est l’image que les journalistes, les consultants, ont donné de moi. Ce que je ne suis pas. Je suis besogneux, c’est sûr, sur la longueur j’ai réussi un truc incroyable, mener un club de la 8e division à la finale de coupe. Plus tard, j’ai reçu 500 textos dont le fil rouge était « Tu nous l’avais dit ». Je leur disais sans cesse, vous êtes les précurseurs d’un club professionnel. J’y croyais. Alors l’autorité, elle est naturelle. Mais en coupe de France, pourquoi des petits tombent des grands ?
Votre livre et ses leçons s’appliquent-ils à l’entreprise ?
Il dit simplement qu’il peut y avoir des corrélations entre le management de l’entreprise et le management du sport. Je le dis et le répète, ma « méthode » marche moyennement, puisque je gagne un match sur trois. Mais avec les effectifs dont nous disposions, on ne devrait pas être en ligue 1. Donc certaines de mes idées s’appliquent, oui. Fred [Rey-Millet] structure sans doute ma démarche. Mais ma spontanéité, on ne peut me l’enlever.
Olivier Magnan