Le Club Med fait peau neuve
Le Club Med fait peau neuve

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La grande mue

Palmiers, bungalows, soleil et GO, le Club Méditerranée a conquis des générations de touristes jusqu’à la crise des années 1990. Depuis dix ans, il a changé de cap, visant la montée en gamme et les pays émergents.

En 1950 un ancien résistant belge, Gérard Blitz, emprunte des tentes de l’armée, loue un terrain aux Baléares, et y aménage un camp de bric et de broc. Le tutoiement est de rigueur, tout le monde mange à la même table. L’esprit baba du lieu, fondé sur la liberté et la convivialité, fait un carton : 2000 vacanciers accourent, et le fondateur doit en refuser 10000. Le Club Méditerranée était né, d’abord sous la forme d’une association à but non lucratif, avant d’être transformé en Société anonyme dès 1957.

L’âge d’or

Pour améliorer le confort de ses camps, Gérard Blitz contacte le fabricant de toiles de tente Gilbert Trigano, avec qui il s’associera bientôt. C’est l’homme d’affaires français qui fera grandir l’entreprise et multipliera les ouvertures de villages autour du monde. Le fondateur belge, quant à lui, préfèrera prendre du recul pour se consacrer au yoga et au bouddhisme zen, laissant la conduite des affaires à Gilbert Trigano, qui tire le meilleur de la recette Club Med : ambiance colonie de vacances, sites d’exception, et surtout la formule « tout compris », révolutionnaire pour l’époque. Jusqu’au début des années 1990, tout roule, les « Gentils Membres » – les clients dans le jargon du club – se ruent dans des villages toujours plus nombreux – jusqu’à trois ouvertures par an. C’est l’âge d’or, le Club entre dans la mythologie française. Notamment grâce au slogan «Le Club, la plus belle idée du bonheur», inventé en 1976 par Jacques Séguéla, et surtout en 1978 avec la sortie des Bronzés, devenu un classique du cinéma populaire français.

Les premiers nuages apparaissent en 1993 : entre guerre du Golfe et crise, les consommateurs sont de moins en moins enclins à dépenser. C’est le début des licenciements et des fermetures de villages. « La hausse des prélèvements obligatoires a érodé les marges du Club Med, car son modèle est fondé sur une forte main d’œuvre et des charges fixes importantes », analyse Philippe Doizelet, consultant au sein du cabinet Horwath. Le départ de Gilbert Trigano entraîne une crise de succession, avec la nomination de son fils, Serge, plutôt que de son bras droit, Robert Reznik. Nommé en 1997, Philippe Bourguignon tente une stratégie de diversification, avec l’acquisition de Jet Tours en 1999, puis de Gymnase Club – le futur Club Med Gym – en 2001. La crise qui frappe le secteur du tourisme après le 11-Septembre n’épargne pas le groupe.

Au cours de la décennie 2000, les attentes des clients évoluent et le secteur devient de plus en plus disputé. Aux concurrents traditionnels – hôtels-clubs, croisiéristes, résidences de vacances – Internet ajoute de nouveaux acteurs, comme les loueurs de résidences touristiques meublées en ligne, avec des offres innovantes.

Nommé en 2002 comme président du directoire du Club Med, Henri Giscard d’Estaing, fils de l’ancien président de la République, opte d’abord pour le low cost, avant de se raviser.

Montée en gamme

En 2004, le Club Méditerranée annonce en effet une nouvelle stratégie en trois volets : la montée en gamme, pour atteindre un positionnement «Premium All Inclusive» moins concurrentiel ; un assouplissement de ses conditions commerciales ; et le rajeunissement de sa clientèle, grâce notamment à un concept destiné aux adolescents pour accueillir les familles. Le nouveau positionnement stratégique, «haut de gamme, convivial et multiculturel», doit faire évoluer l’entreprise sans rompre avec ses fondamentaux.

Pour réussir sa mue, le Club a fermé de nombreux villages désuets qui ne collaient plus à sa stratégie de montée en gamme. Pour la seule année 2012, il a ainsi cédé trois villages et en a fermé cinq jugés non stratégiques. Dans le même temps, il a ouvert plusieurs villages haut de gamme, bien plus rentables. Les premiers villages notés 4 «Tridents» ont été développés en 2006, et le premier village 5 Tridents, la Plantation d’Albion, est ouvert à l’île Maurice en 2007. Si bien qu’en 2014, les villages 4 et 5 Tridents représentaient déjà les deux tiers du parc, avec l’objectif d’atteindre 75% fin 2015. Progressivement, l’ADN du Club est donc en train de changer, de village vacances familial à village vacances de luxe. « Les prix élevés n’ont pas cassé le ressort, contrairement à ce que certains annonçaient », note Philippe Doizelet. En outre, le Club s’est recentré sur son cœur de métier, l’hôtellerie, en cédant en 2008 Jet Tours et le Club Med Gym.

Pays émergents

Autre choix stratégique : miser sur le dynamisme des pays émergents, qui jouissent d’une croissance rapide et d’une classe moyenne en plein essor. Ils tirent vers le haut les chiffres du secteur : en 2013, l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) à dénombré 1,087 milliard de touristes dans le monde, soit une hausse de 5% par rapport à l’année précédente. La Chine, qui était devenue en 2012 le premier marché émetteur en termes de dépenses touristiques, a encore dépensé 26% de plus en 2013. Les Russes ont aussi augmenté leurs dépenses de 25%.

Dans son rapport annuel, le Club ne cache pas ses ambitions internationales : « Le Groupe a pour objectif d’avoir un tiers de ses clients provenant des marchés à croissance rapide d’ici fin 2015 afin de se créer de nouveaux relais de croissance compte tenu de la détérioration des marchés touristiques en Europe, en particulier en France et en Belgique, qui représentent encore en 2014, 52% du chiffre d’affaires du Groupe. » De la parole aux actes : à Moscou, il a ouvert un bureau et une agence de voyage en février 2014 ; au Brésil, un village 4 Tridents, avec un espace 5 Tridents. En Chine, il a inauguré son premier village, Yabuli, dès 2010. En outre, le Club Med veut faire de l’Empire du Milieu son deuxième marché en nombre de clients d’ici fin 2015.

Dix ans après avoir adopté cette stratégie de montée en gamme, elle donne le sentiment d’être un échec financier, puisque le Club a cumulé les pertes financières. Pour lui donner un nouveau souffle, Henri Giscard d’Estaing s’est tourné vers des investisseurs Chinois, le consortium Fosun. En janvier, ils ont emporté la mise au terme d’une longue OPA. Fosun devrait investir 1,1 milliard d’euros, essentiellement en Asie et au Brésil. « Cette acquisition est une bonne nouvelle pour le Club, car c’est une garantie de résilience financière, et parce que ce sont les marchés de demain », juge Philippe Doizelet. Il ne manque plus qu’une adaptation chinoise des « Bronzés » pour que l’opération soit un succès complet.

Aymeric Marolleau

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