Temps de lecture estimé : 3 minutes
Ecolo is the new sexy
Créer une solution de mobilité écolo et attractive à 50 ans ? Une idée folle mais pas impossible. La preuve avec Emmanuelle Champaud et Totem Mobi.
L’usage prévaut doucement sur la propriété. Et le secteur de la mobilité l’illustre sur tous les plans. En deux roues électriques, qu’il s’agisse du Cityscoot ou de Coop ou non motorisées avec Gobee. A quatre roues également avec l’Autolib parisienne et désormais Totem Mobi sur l’agglomération d’Aix-Marseille principalement.
« Nous sommes en train de doubler la flotte de véhicules à Marseille. D’ici janvier nous aurons une centaine de véhicules supplémentaires. Et nous prévoyons de nouvelles implantations dans deux à quatre villes en France. Et pourquoi pas à l’international si tout se passe bien. Surtout nous souhaitons accélérer notre développement sur la métropole d’Aix-Marseillle », se réjouit Emmanuelle Champaud, entrepreneure quinquagénaire qui a décidé de se lancer dans la mobilité électrique suite à un licenciement il y a cinq ans. Totem Mobi propose des véhicules électriques en auto-partage essentiellement dans les villes d’Aix-Marseille-Provence, Marseille, Aubagne, Gémenos et Marignane via une application mobile qui permet de louer une Renault Twizy maquillée de publicités. En juin dernier, la solution d’électro-mobilité a davantage gagné en crédibilité. La Caisse des Dépôts, PACA Investissement et la Banque Populaire Méditerranée sont entrés au capital de la start-up. 1,35 million d’euros a ainsi été levé. Un second tour de table réussi après une première levée en 2016 avec Femmes Business Angels, la Banque Populaire Provençale et Corse (BPPC) et des investisseurs privés. Ce business écolo et sexy aujourd’hui perenne a pourtant connu une genèse semée d’embûches.
Business model atypique, association et pivot en 2015
L’entreprise qui emploie aujourd’hui dix personnes en CDI à plein temps propose un business model atypique. En 2008, le prix du baril de pétrole a atteint des sommets à 150 dollars. La prise de conscience internationale avec les différentes COP, la sortie de nouveaux modèles constructeurs et la naissance de l’auto-partage ont rendu le terreau fertile aux solutions d’électro-mobilité. « Les études sur la mobilité expliquaient que le véhicule thermique classique était trop cher et que nous passions de l’achat à l’usage et à la location. En parallèle sortait la Renault Twizy, une biplace, deux fois moins chère qu’une voiture électrique. Puis en voyage à Londres, je constate que les vélos en libre service sont sponsorisé par Barclays (aujourd’hui, Santander a récupéré le sponsoring pour les vélos en libre service, NDLR). Une idée efficace pour faire baisser le prix de l’usage », nous raconte Emmanuelle Champaud.
Une première idée a donc germé : celle de créer une solution de mobilité alternative et complémentaire à l’existant, écologique et fonctionnelle, à destination des personnes qui n’ont pas habituellement les moyens d’y recourir, les étudiants. D’autant que les campus sont souvent en bordure des agglomérations. « Notre premier modèle consistait à faire de la courte durée sur le modèle de la colocation étudiante en proposant un véhicule pour plusieurs étudiants. Kedge Business School fut le premier client séduit par l’idée. La première année d’activité fut une bonne année mais rien ne pouvait augurer d’un développement pérenne. Nous louions le véhicule 200 euros par mois. Mais à ce tarif, ceux qui avaient le budget avaient en général un véhicule. L’argument écologique, seul, ne pesait pas », poursuit l’entrepreneure.
Le destin peut changer du tout au tout au gré d’une rencontre heureuse. Pour Totem Mobi et Emmanuelle Champaud, ce sera la collaboration avec Cyrille Estrade qui changera la donne. D’abord consultant au sein de la start-up, et startupper développant une expérimentation d’auto-partage en libre service sur la ville de Marseille, Cyrille Estrade décide de s’associer avec Emmanuelle Champaud. Une mutualisation d’idées et de moyens qui a accouché d’une solution qui a désormais convaincu des institutions telles que la Caisse des Dépôts.
« Nous avons donc fusionné nos deux sociétés en avril 2015 pour présenter un système d’auto-partage en stationnement libre avec des lieux d’usage comme les campus ou les sièges et sites d’entreprises avec un modèle qui repose toujours sur le sponsoring, explique Emmanuelle Champaud concernant son pivot. La société est à la fois propriétaire de son SI, mais également de sa flotte. Nous sommes en train de structurer l’entreprise pour obtenir différentes licences dans d’autres villes et exploiter nos différentes briques technologiques sous licence d’exploitation dans des solutions de mobilité », relate-t-elle sur le sujet de la diversification des activités.
Utiliser Totem Mobi permet donc aujourd’hui de louer une Renault Twizy grâce à une application de géolocalisation qui indique le véhicule électrique disponible de la flotte le plus proche de l’utilisateur. Une fois le trajet réalisé, le véhicule peut être stationné n’importe où sans payer le stationnement. Le tarif de la location s’élève à 1 euro TTC les 15 mn, la publicité permettant la baisse des coûts d’usage. La solution a aujourd’hui convaincu des grands comptes tels que EDF, Haribo, Eiffage, l’Etablissement français du sang…
Entre galère et bonne surprise
Partir dans l’entrepreneuriat ne fut pas le fruit du hasard pour Emmanuelle Champaud. Il s’agit davantage d’un alignement d’étoiles. Directrice d’une agence de publicité pendant plusieurs années, Emmanuelle Champaud s’est ensuite formée en autodidacte sur la thématique du développement durable pour ensuite collaborer avec un think tank. « Lors de mon licenciement, je me suis dit que le drame des solutions écologiques, c’est de manquer d’exposition. L’écologie n’est pas sexy et encore moins “markétée”. Se lancer dans Totem Mobi, cela est revenu à mettre en application l’idée que le marketing pouvait mettre en avant des solutions environnementales alors que c’est toujours le portefeuille qui dicte les usages avant les bons sentiments, constate Emmanuelle Champaud. Si aujourd’hui, nous sommes rassurés par cette seconde levée, je n’oublie pas qu’au début de Totem Mobi, les banques me refusent l’emprunt de 24 000 euros dans un contexte où le secteur de la mobilité est semé de start-up qui ont échoué. Cette fragilité, c’est selon moi l’étape la plus sensible à gérer dans l’entrepreneuriat. »
Julien Tarby