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Est-il possible qu’une banque, un banquier, se préoccupe du rebond d’entreprises en redressement judiciaire ? Est-il concevable qu’une banque, un banquier, prenne le mot « redressement » au sens plein du terme au lieu d’y voir l’étape annonciatrice de la liquidation ? Eh bien oui. Elle a même un nom, cette banque, Thémis Banque. Et un patron adepte du rebond, Benoît Desteract.
Maison mère, Banque Fiducial, née de la fusion de Thémis et de Fiducial le 1er janvier 2019. Quand Benoît Desteract prend la direction de la marque Thémis Banque, en 2013, il veut en faire pleinement la « banque du rebond » (il déposera l’appellation auprès de l’Inpi), et se distinguer de ce qui fonctionnait alors en « banque judiciaire ». Entendez souvent un exécuteur des hautes œuvres. Certes, son objectif restait le redressement, mais avec un couperet : quatre ans seulement, la période dite « amiable ». Après, à Dieu vat… « Trop souvent, avoir affaire à une banque judiciaire, explique sans langue de bois le banquier, c’est “aller à l’abattoir”. » « Le jour de mon arrivée chez Thémis Banque, raconte Benoît Desteract, je dois prendre la parole dans un congrès de l’association Re-Créer. Je m’insurge contre ce délai trop court de quatre années, d’accompagnement des plans de continuation pratiqué par la banque, alors que l’accompagnement “légal” est de dix ans. Il faut accompagner et élargir le spectre. » Accompagner aussi bien auprès du tribunal de commerce à la recherche de solutions dites « amiables » qu’au fil des procédures collectives et des plans. Si le « plan de continuation » est décidé, alors, pense le banquier, il faut accompagner, rester à l’écoute de l’entreprise pour l’aider à rebondir. C’est la façon dont il a complètement élargi son intervention.
L’urgence : procurer un compte et des moyens de paiement
Du rebond de Re-Créer aux 60 000 Rebonds de Philippe Rambaud, Benoît Desteract baigne dans le monde du « restructuring » peuplé de cabinets du chiffre, d’administrateurs judiciaires, d’avocats, de managers de transition, d’agences de com dont l’objectif, peut-être pas si clairement perçu par l’opinion publique, est bien d’essayer de sauvegarder le plus d’emplois possible. « Au milieu de ce monde qui cherche des solutions, seules une ou deux banques sont là pour aider les entrepreneurs en difficulté. » Véritable rédemption chez ce banquier depuis 38 ans dans la profession, il trouve dans la restructuration un monde « de confiance et de parole tenue », souvent ignoré de l’univers des affaires.
Vécu : un administrateur judiciaire appelle Benoît Desteract. « On a une boîte dans l’agroalimentaire qui dépose le bilan, pas de ressources pour maintenir son fonctionnement pendant trois semaines avant le prononcé de liquidation. Il y aura 140 personnes sur le carreau. Que faire ? » La « banque du rebond » étudie une solution de financement avec une garantie sur les actifs et l’accord de l’administrateur, du juge, les conseillers de l’entreprise, les professions du chiffre et les avocats. L’entreprise fonctionne trois mois jusqu’à sa reprise. « Personne n’aurait trouvé la solution à lui tout seul. C’est le travail collectif de tout un écosystème pour aller vite et imaginer à chaque fois des solutions adaptées. »
Dès la première rencontre du ou de la dirigeant(e), il s’agit d’estimer la conjoncture d’une entreprise, de lui ouvrir un compte dans l’heure et de lui procurer des moyens de paiement. Que l’on voie Thémis Banque comme un prêteur sur gage ou un offreur de solution.
Gérer du « spécifique », mieux que la banque classique
« Pas une banque classique n’est capable d’une telle intervention », insiste celui qui ne peut s’appuyer sur une rentabilité que ne soutient aucun cash flow quand il ouvre une ligne de crédit à une entreprise en difficulté. Les intérêts viendront rétribuer la banque une fois le retour au profit assuré.
Fidèle à son accompagnement sur dix ans au besoin, Thémis Banque sera patiente. Avec son Kbis marqué, le chef d’entreprise travaillera au retour d’une rentabilité suffisante pour envisager le rachat du plan de continuation, avec l’accord du tribunal. Et retrouver le « in bonis » qui lui rendra sa crédibilité auprès de ses fournisseurs et ses clients.
Depuis deux ans, dans ce cadre d’accompagnement, la banque du redressement s’est attelée à quelque six dossiers de financement de rachat de plans. En analysant sa pratique, Benoît Desteract se trouve inscrit dans des processus décalés, des contrôles hors norme, un regard différent. Il traite du spécifique, peu familier au monde bancaire traditionnel, au point d’investir dans une « informatique » particulière. C’est cet investissement important que redoutent les banques des entreprises.
À telle enseigne que les enseignes qui se sont intéressées à l’activité du restructuring sans avoir à rebâtir un système d’information ont souvent échoué ! En 2019, la banque du rebond a investi plus de 4 millions dans son SI.
Urgentistes
Comment entre-t-on dans le monde de Thémis, « petite banque » de quelque 26 millions de CA pour 4 millions de résultat ? Par les conseils de l’entreprise. Par l’entremise d’administrateurs judiciaires qui la connaissent. Mais le banquier, à son tour, prospecte par appels directs auprès des sociétés de tout profil en dépôt de bilan ! Dans le même temps, Fiducial Banque, l’autre composante du groupe Fiducial, développe l’offre d’une banque en ligne pour professionnels et TPE.
Avec ses douze délégations régionales, Thémis Banque et son équipe de Rebondables qui s’affiche fièrement dans le bureau du chef se reconnaissent dans ce mot de Benoît Desteract : « Nous sommes des urgentistes. »
Olivier Magnan