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Créatrice en campagne
Dans l’Yonne, cette mère de deux enfants de sept et neuf ans, séparée de son conjoint, a décroché le label « artisan de confiance » dans les services aux entreprises. Rien n’était gagné au début…
Créer une boîte de services aux entreprises contre vents et marées. C’est ce qu’a accompli cette Parisienne d’origine, dans l’Yonne, alors que l’environnement n’était pas vraiment favorable. Ad’Elite, qui facilite la vie des entrepreneurs et artisans dans les domaines immobiliers, administratifs, comptables, marketing et communication… a fêté ses cinq ans et décroché le label « Artisan de confiance ». Pour ce faire la jeune femme de 42 ans aujourd’hui, pugnace, s’est appuyée sur son parcours de 15 ans aussi atypique que diversifié, dans des entreprises multi-sectorielles et multi-tailles. Cette diplômée d’un BTS assistante de direction a débuté ses activités comme secrétaire médicale, puis assistante d’achat, assistante de direction, dans une filiale du groupe Legrand spécialisée dans la vente de vidéophones, puis dans l’immobilier comme responsable d’agence au sein du réseau Orpi, enfin dans les systèmes de freinage au sein du groupe Bosch.
Virage à droite, virage à gauche…
« Mon compagnon et moi n’avons pas voulu rester sur la capitale au moment d’avoir des enfants », se souvient celle qui a pris la décision de partir à Perpignan, où elle est restée durant quatre ans et demi. Volontaire, dynamique, la jeune femme ne concevait pas de rester à la maison à attendre une éventuelle offre d’emploi, dans le département des Pyrénées Orientales qu’elle a jugé relativement sinistré. « J’ai finalement trouvé un poste dans une TPE de vente de parasols chauffants, où je m’occupais de la logistique, en compagnie des deux cogérants seulement », précise celle qui ne s’est jamais vraiment habituée à la mentalité locale. Le couple a donc opté pour l’Yonne en 2012, afin de se rapprocher des amis et de la famille. Un territoire guère mieux loti en matière d’emploi, ce qui a encouragé Aurélie de Rolin à sauter le pas. « Les postes ouverts concernaient plus l’agriculture que le tertiaire ; les organisations professionnelles et recruteurs me jugeaient trop expérimentée parce que j’étais passée par des postes d’encadrement, me conseillant de chercher du travail à Paris. Je n’avais pas réalisé tout ce parcours pour retourner à Paris ! Je voulais créer mon entreprise depuis longtemps. C’était le moment opportun », précise celle qui était à même de trancher, après un grand nombre d’expériences professionnelles, en faveur des petites structures. « Dans les grands groupes les possibilités sont plus importantes car ils évoluent dans de gros marchés institutionnels, mais nous restons malgré tout limités dans notre champ d’action, sans pouvoir sortir du cadre », affirme celle qui aspire alors à gérer le client de la commande à la livraison, dans une relation de proximité.
Réponse à besoin urgent
Une étude réalisée par l’IFOP a mis en lumière la nécessité pour les dirigeants français d’externaliser certaines tâches : en effet, ils ne consacrent en moyenne que 13% de leur temps à leurs activités commerciales et 33% d’entre eux n’ont pas pu assez travailler au développement de leur entreprise, notamment à cause des lourdeurs administratives. « Lorsque j’évoluais dans la location-gérance, il m’arrivait de gérer les travaux et de comprendre leurs problématiques de surmenage et d’éparpillement. Bien souvent ils ne pouvaient embaucher à cause de cet enfer quotidien, de ces démarches éloignées de leur cœur de business », remarque celle qui se lance dans la création de devis, la relance de factures, le suivi de règlements, les plans marketing, l’aspect commercial et relationnel… Les artisans lui ont toujours plus demandé de prestations. « J’entre dans les TPE-PME par l’administratif, mais bien souvent par la suite elles exigent le même interlocuteur pour une création de site Internet ou l’animation des réseaux sociaux », constate celle qui a eu tôt fait de se former pour cesser d’externaliser des services annexes et rémunérateurs.
Relationnelle mais autonome
« Au début il est évident que mon réseau s’est constitué ailleurs que dans le département, contre ma volonté. Mais petit à petit je concentre un peu plus les activités géographiquement, grâce au bouche-à-oreille », explique celle qui a frappé à de nombreuses portes et qui a veillé à rester ouverte et humble. « Malgré cette attitude, j’ai souffert de l’isolement de l’entrepreneur. Je n’ai pas obtenu les fichiers de prospects escomptés à la CCI ou à la Chambre des métiers. Les clubs RH ou d’entrepreneurs sont encore embryonnaires, et je connaissais mal BGE (boutique de gestion) ou d’autres associations », témoigne celle qui a quitté son village et s’est installée à Joigny, ville un peu plus importante et connectée. Il est aisé de débuter grâce au régime micro, mais nombre de créateurs périclitent au bout de six mois. « On ne s’improvise pas chef d’entreprise. Les études de marché ne doivent pas être négligées, et les rencontres avec les acteurs économiques idoines se provoquent », serine celle qui analyse assidument les échecs pour ne pas les revivre. A l’époque le soutien de son conjoint, qui était salarié mécanicien, était vital. Aurélie de Rolin a commencé à travailler avec des associations sportives, des artisans dans le bâtiment, des indépendants dans le secteur de l’évènementiel, des importateurs de produits de luxe… et s’est petit à petit constitué une clientèle, au forfait ou à la carte. La quadragénaire intervient en mission ponctuelle ou régulière, et ce malgré les difficultés, comme la séparation avec son conjoint, alors que ses deux enfants étaient en bas-âge à l’époque…
Julien Tarby