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Assurance-vie, la valeur sûre

Le « placement préféré des Français » a enregistré l’été dernier sa meilleure collecte aoûtienne depuis 2010. La baisse attendue des rendements en 2019 ne devrait pas éroder la confiance des investisseurs vis-à-vis de l’assurance-vie. Explications.

Insubmersible assurance-vie. Malmenée par la baisse continue de son rendement au cours des dernières années et des réformes mal comprises, certains lui prédisaient un irrémédiable déclin. Raté. Au mois d’août, le « placement préféré des Français » confirme pourtant sa bonne santé estivale avec une collecte nette de 2,4 milliards d’euros, qui fait suite à celle du mois de juillet, de 2,7 milliards d’euros. C’est le meilleur résultat enregistré en août depuis 2010. Depuis le début de l’année, la collecte nette s’établit à 17,1 milliards d’euros contre 5,8 milliards d’euros sur la même période en 2017. L’encours des contrats d’assurance-vie s’élève désormais à 1 708 milliards d’euros à fin août 2018, en progression de 3 % sur un an. L’assurance-vie enregistre donc de bons résultats. L’inflation qui érode le rendement réel des fonds en euros ne nuit pas à la collecte. Les ménages, par effet d’encaisse, ont toujours tendance, au moment de la reprise de l’inflation, à épargner davantage. Le changement du régime fiscal avec l’introduction du prélèvement forfaitaire unique n’a pas eu d’incidence. Par ailleurs, comme en témoignent également les bons résultats du livret A depuis le début de l’année, les Français privilégient la sécurité et la liquidité. L’assurance-vie demeure toujours une valeur sûre pour les épargnants. Dans ce cadre, la fin de l’année devrait rester porteuse pour l’assurance-vie compte tenu du maintien d’un certain nombre d’incertitudes économiques (inflation, guerre commerciale, ralentissement de la croissance, diverses réformes du gouvernement).

2019, année zéro pour l’assurance-vie ?

L’année 2019 sera-t-elle aussi florissante ? De prime abord, les maigres performances affichées par la plupart des fonds en euros permettent d’en douter. Selon les dernières projections, le rendement de ces fonds investis en obligations d’États devrait s’établir à 1,5 % en 2018 après 1,8 % en 2017. Ce qui, une fois déduits les prélèvements sociaux (passés cette année de 15,5 % à 17,2 %) et les frais sur primes des contrats, laisse à penser que ce placement générera, dans la plupart des cas, un rendement net d’inflation négatif.

Alors, faut-il, comme le conseillent les réseaux bancaires, conseillers en gestion de patrimoine, gestionnaires d’actifs et autres journaux patrimoniaux, abandonner ces supports au capital garanti à tout moment contre des unités de compte (UC) qui, exposées aux marchés financiers qu’elles suivent à la hausse comme à la baisse, sont susceptibles de rapporter beaucoup plus (l’an passé le CAC40 a bondi de près de 10 %) mais également d’encaisser des pertes sévères ?

La réponse est, bien sûr, nuancée. « Les fonds en euros n’ont pas d’avenir. Se contenter d’un rendement de 1,5 % est clairement insuffisant », estime Olivier Grenon-Andrieu, président d’Equance, qui ne s’attend pas à une remontée des rendements cette année ni même les suivantes, et ce malgré la normalisation monétaire progressive des principales banques centrales. Pour dégager de la performance, le patron du cabinet de gestion privée recommande d’investir, au sein de l’assurance-vie, dans des instruments structurés. Certaines sociétés de gestion ont mis au point de nouveaux produits à capitaux garantis, qui permettent à l’épargnant de profiter de la hausse des marchés actions sans crainte de perdre son capital. En 2017, le fonds Target + de Primonial a offert un rendement de 4,05 % nets, ce qui reste attractif dans l’environnement actuel. Seul bémol, dans ce genre de contrats, le gestionnaire d’actifs prélève des frais de gestion même s’il ne fait rien gagner à son client en cas de retournement des marchés.

De son côté, Jérémy Aras, directeur associé à l’Institut du Patrimoine rappelle les atouts des fonds immobiliers. « Ces fonds en euros majoritairement investis en immobilier (SCI, SCPI, OPCI) ont l’avantage de servir un rendement relativement stable dans le temps et de surperformer les fonds en euros traditionnels. » Effectivement, au sommet des palmarès ces dernières années, le fonds « star » du contrat Sérénipierre, distribué par les partenaires de Primonial, a rapporté 3,40 % au titre de l’année 2017, contre 3,60 % en 2016 et 4 % en 2015.

No pain no gain

Pour les épargnants plus gourmands, la seule alternative reste bien sûr les unités de compte. Un choix qui semble moins évident qu’il y a quelques mois compte tenu de l’évolution récente inquiétante des marchés actions. « Pour dégager du rendement, il faut prendre des risques. Tout dépend de l’évolution des marchés », rappelle Ines Trotin, juriste chez Cholet Dupont. A cet égard, Jérémy Aras recommande de jouer la diversification. En effet rappelle-t-il, « la palette d’options en fonction de votre «profil d’épargnant», en termes de niveau de risque accepté et d’horizon de placement est très large ». Certains contrats ne sont en effet exposés qu’à 20 % aux fluctuations du marché, d’autres à 30 %, à 40 %, etc. En réalité, les professionnels sont unanimes : pour réussir son placement en assurance-vie, trois éléments majeurs sont à définir en amont : quel projet derrière l’épargne ? Quelle durée d’investissement ? Quelle appétence au risque ? L’épargnant peut placer 40 % de son capital sur le fonds en euros de son assurance-vie, puis diversifier le reste sur des UC, qui sont plus volatiles mais aussi plus dynamiques : des fonds sur des zones géographiques précises, des fonds sectoriels… Olivier Grenon-Andrieu souligne l’intérêt des fonds flexibles, qui adaptent l’exposition actions au climat boursier. L’an dernier, le fonds flexible Dorval Convictions a tiré son épingle du jeu en affichant un rendement net de 13,3 %. Certains contrats Internet proposent ainsi gratuitement une « gestion pilotée », c’est-à-dire confiée à des professionnels de renom (Rothschild à Boursorama, Lazard Frères à Altaprofits…) en fonction du profil du client.

Les frais pèsent sur le rendement

Sans préjuger de l’évolution du rendement de l’assurance-vie l’an prochain, une bonne façon de dégager de la performance est de limiter les frais. Si les gros contrats standards de la bancassurance, manifestement soucieuse de préserver ses marges, affichent de médiocres performances (1,33 % pour Séquoia de Société Générale, 1,7 % pour CNP One de CNP Assurances), des associations d’assurés (Afer, Asac-Fapes, Gaipare, Agipi…) et certaines mutuelles (la MIF, le Conservateur, la Carac, la Macsf, etc.) ont nettement surperformé avec des taux toujours au-dessus de la barre des 2 %, voire des 3 %. Le groupe Monceau Assurances avec son contrat Dynavie est même parvenu à servir 2,8 % en 2017, soit un taux en hausse par rapport à l’exercice précédent (2,5 %). Une gageure qui s’explique par la qualité de l’allocation tactique des gérants, mais aussi des frais de gestion parmi les plus bas du marché. Dynavie de Monceau Assurances prélève un maximum de 0,54 % par an. L’Afer, lui, ne prélève que 0,475 % du rendement du portefeuille alors que nombre de ses concurrents ponctionnent 0,9 %. À  noter également que de nombreux assureurs prennent 2 à 3 % du capital à la signature, parfois plus, ce qui revient à précompter au final l’équivalent d’un ou deux ans de rendement. Alors que les courtiers en ligne (Linxea, assurancevie.com, Fortuneo, Yomoni, Nalo…) sont, eux, à 0 %.

Viser le long terme

Au-delà de ces considérations de court terme, il ne faut pas perdre de vue que l’assurance-vie reste un placement de long terme. Guillaume Piard, cofondateur de Nalo le rappelle à travers une anecdote. « Lors d’un dîner, une invitée m’a confié placer 10 euros par mois au sein d’un livret A pour son fils qui venait de naître, dans la perspective qu’il s’offre, par exemple, son permis de conduire. Je lui ai expliqué que ce placement était un mauvais choix dans la mesure où, avec l’inflation, non seulement le livret A ne rapportait rien, mais en plus il coûtait. » Selon lui, l’assurance-vie répond bien mieux à la stratégie de placement de la jeune maman. « En 18 ans, il est peu probable de perdre de l’argent sur des indices actions. L’évolution à long terme du Dow Jones par exemple, le démontre », assure-t-il. Cet exemple justifie à lui seul l’existence de son groupe. « Nous somme le pont entre les besoins des gens et la complexité de la finance », assure Guillaume Piard. Sa fintech et sa promesse de service sur-mesure pour chaque client suscitent d’ailleurs l’intérêt de plus en plus d’acteurs traditionnels du secteur, notamment les banques privées. « Notre principal atout, c’est de permettre un arbitrage précis en fonction du projet visé par l’épargnant. Que l’on épargne pour sa retraite ou pour se constituer un capital en vue d’un achat immobilier, la typologie précise de l’investissement ne sera pas la même. Nalo propose donc un arbitrage personnalisé à l’utilisateur en fonction de son profil de risque – prudent ou aventureux –, de son capital de départ, des versements éventuels et de son horizon de placement », explique Guillaume Piard. Cet investissement par objectif se traduit dans une gestion multi-poches qui permet de gérer plusieurs projets de front dans le même contrat d’assurance-vie. Il sécurise également l’investissement au fur et à mesure que l’échéance d’un projet se rapproche, comme dans les contrats proposés aux clients haut de gamme mais pour un tarif moyen de 1,65 %.

Un outil de transmission unique

Le rendement de l’assurance-vie, même en baisse, dépasse celui des autres placements sans risque tels que le livret A, le plan d’épargne logement ou encore le livret de développement durable. Mais cette surperformance n’explique pas, à elle seule, son succès. L’assurance-vie constitue en effet un outil de transmission extrêmement efficace. Avec elle, les sommes transmises après un décès le sont en dehors des règles légales de succession. Ce placement permet donc de donner davantage à ses enfants, sans alourdir leurs droits, ou de transmettre à un tiers (concubin notamment) qui paierait 60 % de droits de donation. Aux termes de l’article L132-12 du Code des assurances, les sommes reçues par le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie ne font, en effet, pas partie de la succession du souscripteur. Le capital n’est donc pas traité comme une donation : il échappe aux héritiers, et n’est pas soumis aux règles de la réduction pour atteinte à la réserve des descendants. En clair, la liberté est totale ou presque pour le souscripteur, puisqu’il peut donner à qui il le souhaite, sans bien sûr spolier ses héritiers. De plus, l’incidence fiscale peut être très importante dans certains cas où, lorsque les conditions sont remplies, tous les bénéficiaires sont exonérés de taxes jusqu’à 152 500 euros, quels que soient leurs liens de parenté avec le défunt. « Quand on étudie le tableau des taux de droits de succession appliqués en France on ne peut pas nier le bonus que constitue pour l’assurance-vie l’avantage successoral appréciable et unique en son genre », reconnaît Gérald-Henri Vuillien, associé-gérant de la Compagnie française de gestion de patrimoine (CFGP). Dans ce cadre, l’assurance-vie reste plus que jamais un outil solide pour la transmission, et ce malgré la baisse des rendements, comme le confirme le professionnel : « La baisse des rendements est une chose et la transmission un autre sujet. Il se trouve que dans le cas de l’assurance-vie, le couple rendement/avantages fiscaux est un couple gagnant. En effet, même si les rendements sont en baisse, l’assurance-vie reste parmi les meilleurs outils de placement. L’avantage indéniable que constitue l’allègement des droits de succession en fait un placement de choix jusqu’à un certain montant. Pour des fortunes importantes dont l’objectif principal est l’avantage successoral on complètera le dispositif assurance-vie par d’autres placements comme les groupements fonciers forestiers, ou viticoles. » .

Jonathan Nahmany

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