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Si la start-up nation et le cœur de l’économie française demeurent parisiens, les autres territoires disposent d’une carte à jouer. Entreprendre hors de Paris se révèle non seulement possible mais enviable. Petits voyages au-delà du périphérique…
Paris et le désert français. L’ouvrage référence de Jean-François Gravié résonne-t-il encore en 2019 ? On se souvient vaguement de nos cours de géographie. La thèse de 1947 faisait allusion au manque de dynamisme économique et démographique des régions. Il fustigeait une France à deux vitesses où Paris, en éternelle abonnée au jacobinisme, trustait tout : les pouvoirs, les entreprises, les personnes. Cœurs, poumons et foie… tout est à Paris. En dehors, la misère… ou plutôt l’absence de projets structurants côté transports, infrastructures, formation. L’A1 ne verra le jour qu’en 1967, le TGV, lui en 1980.
À l’heure du Grand Paris, la donne évolue. Le déséquilibre ne semble plus aussi criant, même si le syndrome Paris-Province se perpétue dans les esprits. La manne économique du territoire parisien se délite, à la faveur de nouveaux paris économiques régionaux et à mesure que de nouvelles tendances font éclater l’organisation classique du travail. S’implanter hors de Paris n’est plus un vain souhait. Surtout, villes et régions à grands coups de labels, d’accompagnement et de marketing, réinventent leurs territoires grâce à un travail acharné des agences locales. S’implanter et créer hors du pré carré francilien n’est plus seulement une question d’affinité avec un beau paysage et de coût. Le choix relève aussi d’un raisonnement stratégique. Décryptage du champ des possibles.
Le freelancing : il explose partout en France, avec quelques raisons à la clé
Démocratisation des nouvelles technologies et de l’Internet oblige, la tertiarisation de notre économie a accouché de nouveaux modes de travail. Certes, le freelancing n’est pas neuf. Le premier essor date des années 1980. Mais depuis plusieurs années, la tendance s’accélère. Les motivations sont bien connues : recherche de la liberté entre vie professionnelle et vie privée, démocratisation du home office et du télétravail dans les grandes entreprises, possibilité de choisir ses projets, développement d’outils numériques qui facilitent la gestion de tâches à distance.
Le free-lance est une réalité hétérogène : du micro-entrepreneur à l’entreprise individuelle ou l’option du portage salarial. Selon une étude menée par Creads, on recenserait aujourd’hui 900 000 free-lances en France, avec une croissance de 110 % sur les dix dernières années. Trois communautés se distinguent dans cet exercice entrepreneurial : les profils créatifs à 43 %, suivis des profils techniques à hauteur de 31 % et des profils plus littéraires/communication (26 %). Sur la répartition géographique, 80 % des free-lances ne vivent pas à Paris. Lyon en attire 5 %, Bordeaux 4 %… Cette répartition plutôt homogène s’explique notamment par la possibilité de télétravailler dans 75 % des cas. Paris conserve 20 % des free-lances nationaux.
Cette forme d’indépendance doit beaucoup au développement de plates-formes généralistes ou spécialisées. Parmi les plus reconnues : Upwork.com, le géant américain du freelancing met en relation 12 millions de consultants indépendants avec 5 millions de clients dans le monde. Malt, anciennement Hopwork, lancé en France en 2014 et soutenu par des grands fonds de capital-risque (Isai, Serena Capital). Cette plate-forme est aujourd’hui la plus grande communauté de free-lances en France et affiche officiellement plus de 60 000 inscrits. Son principe : les clients contactent les indépendants avec une proposition et non l’inverse. Creads, Codeur.com, 404Works, StationW, Freelance.com, Twago.fr, Coworkees.com, la Crème de la crème ou encore Textmaster ont investi ce marché du travail à la mission ! Autant de plates-formes qui rendent poreuses les frontières entre entrepreneuriat et salariat.
La franchise, limiter le risque et verrouiller son choix
La franchise ou toute autre forme de commerce associé redistribue les activités commerciales partout en France où le modèle se révèle particulièrement éprouvé. Le pays fut précurseur du domaine avec la mise en place d’un certain code de déontologie… Le principe est simple : une enseigne accorde contractuellement à une autre entreprise le droit de commercialiser produits et services sous le même pavillon à condition de respecter le concept, son savoir-faire. Dans ce sens, le franchisé profite de l’expérience que l’enseigne a acquise au fil des années. Il exploite le savoir-faire, l’image de marque et la notoriété de l’enseigne. Il bénéficie de conseils et d’une formation permanente sur les produits, les techniques commerciales, les outils informatiques utilisés dans le cadre de son activité, etc. Le franchisé verse un droit d’entrée (très variable) et des royalties mensuelles et… voit s’ouvrir à son appétit de territoires la France entière.
Des initiatives de toutes parts pour s’implanter en région et dans les QPV (quartiers prioritaires)
La stratégie « Entrepreneuriat pour tous » pilotée par Bpifrance facilite la mise en relation entre experts de l’accompagnement et tous les partenaires des territoires. Les efforts de ce dispositif se concentrent sur trois axes majeurs pour les quartiers prioritaires. D’abord, faciliter l’accès à l’offre par une meilleure couverture des réseaux d’accompagnement ou la clarification des offres disponibles localement et le renforcement. L’animation des communautés, également une priorité, constitue le deuxième axe. Le troisième pilier est la sécurisation du parcours des créateurs. Enfin trois types d’accélérateurs dédiés aux entrepreneurs sont en ce moment même opérationnels. Des expérimentations en place pilotées en direct par les régions ou conduites par des consortiums structurés autour des acteurs de l’accompagnement.
La carte de la localité comme levier de croissance
De nouvelles tendances macroéconomiques influencent l’implantation des entreprises. Les nouveaux modes de consommations et les aspirations à manger mieux et plus sain redessinent les contours de l’économie sociale et solidaire. Un pan de l’économie sociale et solidaire s’est donc développé ces dernières années : les circuits courts alimentaires. Des entreprises de l’ESS se positionnent sur l’ensemble de la chaîne de valeur : tant en production qu’en termes de distribution et d’animation des acteurs. Le point fort de L’ESS est d’amener à l’entrepreneuriat de nouveaux profils attirés par les valeurs de démocratie et d’utilité sociale. L’ESS connaît une dynamique de croissance régulière avec plus de 5 000 nouvelles entreprises créées par an. L’impact sur les territoires est manifeste. Pour ces entreprises de nouvelle génération, il s’agit de répondre à trois enjeux : répondre aux besoins des territoires, profiter des dispositifs favorables autour de l’alimentation sur les territoires et rendre plus visible la valeur créée sur le territoire. La proposition de valeur des coopératives et nouvelles organisations agricoles ESS se révèle très forte. Elle se base entre autres sur la préservation des emplois agricoles, l’activité économique du territoire et un environnement sain. Des arguments forts à l’échelle des territoires…
Geoffroy Framery