La formation continue chamboulée par la crise, un moindre mal ?

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On sait combien cette fichue pandémie a bousculé les codes de l’enseignement supérieur. Mais il a fallu s’adapter pour poursuivre « la continuité pédagogique », aussi bien valable pour les plus jeunes comme les plus aguerri·es. Celles et ceux qui ont choisi la formation continue ont, eux·elles aussi, dû faire preuve d’agilité. Tous ces gens qui, après avoir quitté les bancs de l’école ont décidé d’y retourner pour évoluer dans leur carrière, améliorer leurs compétences ou même se reconvertir. Peu importe, en temps de crise, ces « apprenant·es » ont dû (ré) apprendre autrement et les établissements qui proposent ces formations doivent, eux aussi, comprendre que cette transformation – parfois perçue comme brutale – est sans doute bien partie pour durer. Formation continue en temps de crise, la formation continue de demain ?

«La formation ne s’arrête pas, nous nous formons tout au long de notre vie », plaidait Éric Lamarque, directeur de l’IAE de Paris, dans un entretien avec ÉcoRéseau Business. D’autant plus vrai que la crise chamboule notre façon de travailler et d’apprendre. Oui, la formation continue ne date pas d’hier. Non – elle non plus – elle n’était pas vraiment préparée à cet épisode covid. « On a dû revoir notre copie », illustre François Velu, directeur de la formation continue à l’université de technologie de Compiègne, « c’est-à-dire revenir sur nos modalités de formation, basées sur le présentiel, pour les adapter à un enseignement à distance ». Repenser ce qu’on avait pour habitude de faire, voilà aussi le credo de Montpellier Business School : «On a repensé l’ensemble des dispositifs, mis en place des classes virtuelles et des ateliers à distance », souligne Marie-Anne Grondein, ancienne directrice de la formation continue de MBS.

Accompagner cette transformation

Il n’est jamais acquis pour les professeur·es ou les intervenant·es professionnel·les – très présent·es dans le cadre de la formation continue – de bouleverser leur façon de transmettre, non seulement des savoir-faire… mais aussi des savoir être : « Les enseignant·es ont, eux·elles aussi, suivi des formations pour développer des capacités d’animation à distance et même tout simplement se familiariser à la prise en main d’outils numériques […] C’est une évolution du métier qui s’est fait ressentir », révèle Marie-Anne Grondein pour Montpellier Business School. Du côté des apprenant·es, suivre une formation continue à distance requiert beaucoup d’organisation et de travail personnel, « les cours ont souvent lieu entre midi et 14 heures et entre 18 heures et 20 heures », précise Makram Chemangui, qui chapeaute la formation continue à Audencia.

Une des obsessions pour ces écoles : garder la même qualité de transmission du savoir ! « On a beaucoup investi en moyens techniques, technologiques et humains pour poursuivre un enseignement à distance. À l’arrivée, le taux de satisfaction des apprenant·es reste très positif en distanciel », avance Franck Roger, directeur de la formation continue à Kedge Business School. Même son de cloche à Audencia : « Il faut le vivre pour se rendre compte que ça fonctionne, malgré les réticences au départ, les gens se sont vite rendu compte que c’est une autre façon d’apprendre », renchérit Makram Chemangui.

Quid des examens ? Car oui, pour ces formations où l’on enregistre un taux d’échec – abyssalement – faible, il faut malgré tout passer par la case examens. « On délivre quand même un diplôme d’État ! » rappelle le représentant de l’UTC, François Velu, encore très attaché au contrôle des acquis en présentiel : « Les examens se sont déroulés en présentiel sauf si leur réalisation à distance le permettait », ajoute-t-il. Pour Makram Chemangui, les examens à distance ne posent aucune difficulté, « le risque de fraude y serait nul puisque les apprenant·es sont invité·es à donner une analyse et leur point de vue. Ce n’est pas du bachotage, ils·elles ont tout à disposition : documents, Internet », explique le directeur de la formation continue d’Audencia. Pas totalement faux… en situation réelle et professionnelle, vous avez accès à tout – ou presque ! Il s’agira simplement pour l’école nantaise de vérifier si les mêmes copies ne circulent pas – puisque plus facilement reproductibles à distance – grâce à la mise en place de logiciels chasseurs de plagiats.

Simple effet transitoire ou tendance de long terme ?

À quoi ressemblera, demain, la formation continue ? Peut-être à ce qu’elle est aujourd’hui, une reprise progressive en présentiel… mais en conservant le choix de la distance. Pas de doute pour François Velu (UTC), qui estime qu’il « ne faut pas opposer le présentiel au distanciel […] Mieux vaut parler d’hybridation, les deux se complètent », nuance-t-il. Ce côté hybride et cette possibilité de suivre un programme – en formation continue et à distance –, Makram Chemangui y est aussi favorable : « Pandémie ou pas, ce mode de fonctionnement hybride va perdurer. » Hybride peut-être, mais au-delà ? Peut-on imaginer suivre un programme entièrement à distance ? À Kedge Business School, c’est déjà dans les processus… « On s’apprête à lancer une première promotion au sein de notre programme Management général en full distanciel dès l’été », nous confie le directeur du développement Executive education. « Le programme existe déjà, mais notre objectif n’est pas de le réduire à un copier-coller et seulement le transposer à distance, on retravaille la pédagogie et on souhaite mettre en place un accompagnement renforcé », détaille Franck Roger.

Plus globalement, c’est la formation continue dans son ensemble qui semble promise à de hautes destinées. Et pourtant, au regard des confinements successifs, elle a souffert de la crise sanitaire : « On a d’abord subi un phénomène de régression », « une baisse d’activité », « une phase d’hésitation », listent nos interlocuteur·rices, responsables de formation continue ! En réalité, ce sont davantage les entreprises qui ont voulu décaler – sans doute concentrées sur la poursuite, tant bien que mal, de leur activité – les formations dont auraient pu bénéficier leurs salarié·es. Plus que les projets individuels en tout cas, car en pleine tempête sanitaire et donc économique, les reconversions ont plutôt bonne mine et la nécessité de se (re) former aussi !

Évidemment, les néoapprenant·es qui viennent toquer à la porte de la formation continue plébiscitent moins – en cette période – les parcours liés « aux secteurs en difficultés comme la communication ou l’événementiel, mais davantage les programmes achats et supply chain […] Beaucoup aspirent aussi au management en vue de passer d’un poste d’exécution à un poste de pilotage », cite Makram Chemangui pour Audencia. « Les personnes réfléchissent à rebondir de manière positive, s’interrogent sur leur devenir, on doit d’autant plus s’en féliciter que l’on vit une période de stress », affirme Marie-Anne Grondein. Du positif, l’UTC aussi est allé en chercher durant une phase où la formation continue a quelque peu battu de l’aile. Comment ? En lançant des projets novateurs comme la démarche Horizon Emploi Cadre : « Grâce aux recettes qui émanent des entreprises pour lesquelles on forme le personnel, on finance la formation de cadres en transition professionnelle et inscrits à Pôle emploi », se félicite François Velu.

La dimension internationale

Et pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups ? Accepter à l’avenir d’étendre ou de penser un enseignement en formation continue à distance, c’est aussi entrevoir une accélération du développement à l’international. Une des priorités pour Kedge Business School : « On pense bien entendu à renforcer notre position dans plusieurs régions du monde […] Pour accroître de façon judicieuse notre développement, notre conviction est de bien comprendre les environnements spécifiques des pays ou zones et leurs besoins », explique Franck Roger. À l’UTC, cet écroulement des frontières pour se former pourrait même participer à faire « rayonner la francophonie à l’international » ! On dit souvent que dans chaque crise, il ne faut retenir que le positif. La formation continue – et elle n’est pas la seule – a clairement été brusquée par la covid-19… cette même pandémie qui lui aura sans doute donné un nouvel élan.

Geoffrey Wetzel

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