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Dans un remarquable ouvrage, la journaliste Maya Khadra s’entretient longuement avec Samir Geagea, figure originale de la politique libanaise. Une conversation sur l’avenir du pays du Cèdre.
Samir Geagea n’est pas un homme politique comme les autres. Courageux combattant contre l’envahisseur syrien, lors de la guerre civile, il succéda à Bachir Gemayel à la tête des Forces Libanaises, dont il fit la première force politique à la Chambre des Députés.
Aujourd’hui encore, Samir Geagea se bat pour libérer le Liban des influences extérieures et néfastes, au premier rang desquelles le Hezbollah, manipulé comme on le sait par l’Iran. Ce groupe terroriste risque de plonger le Liban dans une nouvelle guerre contre Israël. Une guerre rejetée par 73 % des Libanais, selon un sondage récemment publié par le quotidien francophone L’Orient Le Jour.
Rappelons cette citation du Général de Gaulle : « Tant que je serai aux affaires, je ne permettrai pas que l’on nuise au Liban. C’est le seul lieu du monde où islam et chrétienté ont réussi une convivialité que ses institutions politiques favorisent. Pour l’avenir des rapports des civilisations en Méditerranée, c’est un précédent exemplaire précieux. »
Pourriez-vous revenir brièvement sur le parcours de Samir Geagea ?
M.K. : Samir Geagea n’est pas qu’un homme politique. Il est le fruit de la longue histoire libanaise. Cet homme a résisté contre toutes les formes d’occupation du territoire. Issu de la communauté maronite, chrétien, il considère le Liban comme une terre de foi, de combats ; une terre sacrée. Après des études de médecine à l’université américaine de Beyrouth, il s’oppose à la vassalisation syrienne lorsqu’éclate la guerre. Fidèle à « l’idéal levantin » il prône une politique de coexistence, délivrée des crispations communautaires. Incorruptible, il jette un regard sévère face à la déliquescence de la classe politique libanaise, qu’il compare à une kakistocratie [
Vos conversations avec Samir Geagea dévoilent le portrait d’un homme érudit, sage. Comment l’avez-vous rencontré ? Qu’est-ce qui vous a amené à écrire ce livre ?
M.K. : C’est lui qui a demandé à me voir. On m’a téléphoné de son QG. Dr Geagea m’avait vue à la télé. J’étais très étonnée, car je n’avais pas de lien partisan avec les Forces Libanaises. J’ai été enthousiasmée par sa culture et sa pureté intérieure. C’est un homme très soucieux des autres, qui s’inquiétait par exemple lorsque je prenais un café après vingt heures, de peur que je ne parvienne pas à m’endormir… Souvent, nous avons discuté dans son bureau. Parfois dans son petit jardin. Au fond, c’est un homme à la fois très solide et sensible.
Dans la seconde partie du livre, vous avez la bonne idée de faire dialoguer Samir Geagea avec François-Xavier Bellamy, député français au Parlement européen (LR). Samir Geagea reproche à l’Europe sa « vision purement commerciale ». Est-ce une position largement partagée dans la population libanaise ? Le lien avec la France, historiquement considérable, s’est-il altéré ?
Nos deux pays sont liés. Alors que le Liban a connu maintes et maintes occupations dans son histoire, l’époque du mandat français (1923-1946) n’est pas considérée de la même manière. Pour ce qui a trait à aujourd’hui, il y a deux niveaux de lecture. Entre le peuple français et le peuple libanais, la relation est inaltérable. Les Libanais n’oublient pas qu’après la tragique explosion du port de Beyrouth, le peuple français s’est mobilisé comme aucun autre pour nous venir en aide. Il y a eu une très grande émotion. En revanche, sur le plan politique, nous sommes sans doute dans une phase d’incompréhension, que je crois d’ailleurs provisoire. Emmanuel Macron a promis beaucoup : une enquête internationale sur les causes de l’explosion, une aide dans la lutte contre la corruption… Rien de cela n’est venu.
En ces heures si difficiles, comment envisagez-vous l’avenir proche du Liban ?
Il y a péril en la demeure. Le Hezbollah, instrument de l’Iran, prend en otage toute la population libanaise. Cette milice est malheureusement très bonne tacticienne : elle parvient à corrompre certains dirigeants, y compris dans les milieux maronites. Il y a tout de même des signes d’espoir. Les Forces Libanaises constituent le premier parti de la jeunesse, on le constate à l’occasion des élections dans les campus. Alors que le danger d’une guerre avec Israël paraît aujourd’hui possible, rappelons ce sondage, très récemment paru dans les colonnes de L’Orient-le Jour : 73 % des citoyens libanais ne veulent pas de la guerre.
Samir Geagea – L’avenir du Liban par Maya Khadra, aux éditions du Bien Commun