French Puissances

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Le classement BrandZ a dévoilé le nom des 50 marques françaises les mieux valorisées à l’international.

Hé, il arrive que la France rayonne dans le monde ! Le pays à l’unique «  licorne  » (start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars, comme Critéo) aligne 50 marques reconnues dans le monde validées pour la 2e édition du BrandZ de WPP-Kantar. Du luxe ? Et pour cause : ce sont nos grands du luxe qui se taillent la part du lion dans ces 50 « French puissances » mondiales.
Ce savoir-faire à la française puise bien sûr dans une tradition ancestrale fort peu évocatrice d’une technologie de pointe. A telle enseigne que « l’absence de marques disruptives dans le classement handicape l’indice d’innovation français », comme le soulignent les enquêteurs. À la fin de 2018, le classement du cabinet de conseil Interbrand avait déjà mis en avant neuf marques françaises parmi les 100 premières mondiales influentes : Dior et Louis Vuitton, enseignes phares du groupe LVMH, y trouvaient notamment leur place (lire ÉcoRéseau Business n° 56).
Ces mêmes marques se retrouvent bien sûr aux premiers rangs du classement BrandZ 2019 publié en décembre 2018. Pour autant, la France n’est pas seulement « mode, luxe, calme et volupté », dirait Baudelaire, les nouvelles technologies portent aussi parfois la griffe made in France. Au tout récent Consumer Electronics Show de Las Vegas, la French Tech a encore battu des records de présence en alignant plus de start-up que les États-Unis. Encore faut-il qu’à la représentation succède le business. En marge du classement global, BrandZ a établi le classement des 45 marques digital native les plus visibles : en tête, Le bon Coin.

Le luxe, valeur incontournable

Mais décidément, ce sont les géants du luxe à la française qui dominent les French puissances. Podium indéboulonnable : Louis Vuitton, Chanel, Hermès. Suivis de L’Oréal, Orange (oups, on saute), Lancôme, Cartier. Garnier pointe en 10e rang, Dior au 17e, avant le cognac Hennessy (plus loin Moët & Chandon et Rémy Martin), Saint-Laurent (lire tableau). Cinq grandes marques du luxe aux dix premières places pèsent 47 % de la valeur globale. Sur un an, elles affichent la meilleure croissance avec une progression de leur chiffre d’affaires de 54 %. Dior enregistre la plus forte hausse avec 58 %.
D’autres compagnies « brillantes » signent leur entrée fracassante dans le classement, telle la marque Céline, propulsée à la 38e place du top 50. Ce « prénom » de haute couture et de maroquinerie est désormais propriété du groupe LVMH. Van Cleef & Arpels, côté joaillerie, se hisse au 43e rang (937 millions de dollars en valeur de marque).

Ce sont les géants du luxe à la française qui dominent les French puissances

Les marques de consommation en embuscade

Même si L’Oréal (26 127 millions de dollars) garde sa part de luxe, la marque se classe parmi les enseignes dites de consommation grand public. Sa 4e place hisse la marque française de beauté en très bonne place, rejointe, au 10e rang, pour son entrée dans le classement, par le groupe Garnier (6 847 millions). Séphora (26e) complète ce succès d’exportation. Carrefour (12e), Décathlon (24e) parmi les mieux placés, ne cachent pas un repli de 2 % pour la grande distribution.
Orange (5e), modèle d’excellence dans le domaine des télécoms, a reculé d’une place, même si sa valeur (20 117) a progressé sur un an. Ses deux principaux concurrents le talonnent – SFR est classé en 8e position avec une valeur en baisse, Free occupe la 22e place.

De nouveaux venus, signes d’une évolution future

Le classement BrandZ confirme l’évolution d’une tendance : celle des entreprises françaises qui n’hésitent plus à s’exporter dans tous les domaines. Ce que traduit clairement Carte d’Or, propulsé pour son arrivée dans le classement à la 44e place. Plus que son rang, c’est sa progression qui intéresse, +14 % sur un an. Trois autres entrées, cette fois loin des secteurs prédominants, méritent la citation : Vichy apparaît en 41e position, Téfal en 46e et Maisons du Monde en 49e.
Au-delà du luxe, c’est une pluralité de marques qui donne le signe d’un dynamisme des sociétés françaises. Le marché national n’est désormais plus la cour étroite de ces fers de lance taillés pour la mondialisation. Mais leur poids n’éclipse pas les jeunes pousses d’emblée positionnées à l’international. Elles incarnent la nouvelle « doctrine » entrepreneuriale portée par le courant « mondialiste » des affaires qui veut que la pérennité d’un concept exige d’emblée au moins un ancrage aux États-Unis – ÉcoRéseau Business prône cette attitude portée par la French Tech, Bpifrance, Business France et des accélérateurs comme Scale-up Booster ou des chercheurs comme David Fayon. C’est la même analyse présentée en avant-première par trois experts français du business mondial dans leur livre à paraître le 20 février, Innover comme Elon Musk, Jeff Bezos et Steve Jobs.

Top 10 du Classement 2019 BrandZ des 50 marques françaises les plus valorisées.
Le numérique, encore en retrait

Si ces belles réussites sont prometteuses, tout comme l’ambition qui les accompagne, la réalité semble moins enchanteresse pour les marques dites digitales. Pour les éditeurs du classement BrandZ, la faute en incombe au marché intérieur dans une Europe qui ne parvient pas à se constituer en marché. Pourtant, ces nouvelles entreprises offrent tous les atouts pour devenir des références à l’international. Leur inventivité comme leur capacité à se développer attirent bel et bien les grands investisseurs. Or, tandis que les marques disruptives multiplient les succès entrepreneuriaux mondiaux, la France reste loin sur ce terrain de l’innovation. Elle apparaît en 8e position mondiale, derrière les États-Unis et la Chine, bien sûr, mais aussi d’autres nations européennes : l’Allemagne, la Grande-Bretagne et même l’Italie.
La France présente donc deux facettes à l’étranger. Louée pour ses produits haut de gamme, elle continue à s’imposer par cette image. Une valorisation à l’étranger génératrice d’un impact direct sur le dynamisme économique du pays : les 50 marques citées dans le classement BrandZ 2019 représentent à elles seules 11,3 % du PIB français, soit 293 milliards de dollars. Sur un an, leur valeur totale a augmenté de 12 % rapportée à la croissance du produit intérieur brut (moins de 2 % sur la même période).
Cet équilibre actuel, apparemment bien ancré, pourrait évoluer au cours des prochaines années si les rapprochements des géants et des start-up augurent de cocktails corsés : Orange et Deezer, le rachat de Ouibus par BlaBlaCar, etc.
L’Europe doit désormais créer ses licornes et la France ses GAFA.

Par Tessa Talon

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