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Intéressant profil que celui d’Aurélien Pradié, député LR aux allures de franc-tireur.
Pas très sensible aux consignes et aux oukases, Aurélien Pradié s’avance en indépendant. Entre gravité et sympathie, cet autodidacte qui s’est forgé sa propre culture rêve d’aller loin.
Ne pas changer. Surtout, ne pas changer. Rester fidèle au gamin qu’il était, enfourchant sa mobylette pour faire le tour de son canton du Lot. Il l’aura écumé village par village, rue par rue, maison par maison. En 2008, lors des élections cantonales, ce total inconnu, à peine bachelier, battait son ancien instituteur socialiste. Le voilà représentant du coin qui l’a vu grandir : Labastide-Murat. Début d’une carrière fort prometteuse.
Cet indépendant s’est juré de faire tomber le gouvernement
Aujourd’hui, ce « chiraco-pompidolien » marche seul. Au sein de LR, il joue sa propre partition. Refusant de soutenir la réforme des retraites, il ira jusqu’à voter la censure du gouvernement. Pour la première fois, ce député jusqu’alors rangé dans la catégorie des « espoirs » d’un parti désespéré se fait un nom. Tant pis si les caciques le regardent d’un sale œil. Il ne sera pas la béquille de ce gouvernement Borne qu’il s’est juré de faire tomber, en partisan d’une vaste recomposition politique… Voire d’une dissolution.
Malgré ses 37 ans, il incarne un retour à la politique à l’ancienne, celle de la carte et du territoire, en total contraste avec la méconnaissance du terrain d’Emmanuel Macron. Aurélien Pradié est né quelque part et préfère l’itinéraire à l’itinérance. Dans son premier ouvrage, Tenir Bon (Bouquins) qui vient de sortir, il dessine son parcours, revient sur ses années de jeunesse. « La politique peut changer la vie. Je le sais. Elle a changé la mienne », est la phrase qui ouvre ce livre typique du tribun en campagne. Toutefois, les phrases semblent moins fausses que chez tant d’autres, qui usent de plumes et de stratagèmes pour ne pas se livrer vraiment. Lui s’est attelé à cet exercice d’introspection et de maturation, dans un style d’écrivain régional qui rappelle certains écrits de François Mitterrand, comme La paille et le grain ou L’abeille et l’architecte.
Une maturité hors du commun
Aurélien Pradié vient de France et cela se voit. Il est un autodidacte par nature et semble n’en répondre qu’à ses électeurs du Lot, vieille terre de centre-gauche qui s’est laissée convaincre par cet indépendant de droite, au style iconoclaste et volontiers patelin. Aurélien Pradié raconte ce père, vendeur de noix qui fut frappé par un terrible AVC, à quelques jours de Noël, le laissant polyhandicapé et muet. S’en suivit le déclassement et la gêne dans le regard d’autrui.
Il sait la vie et ses épreuves : cela explique peut-être qu’à l’âge de 37 ans, il semble plus mature que bon nombre de ses collègues et adversaires. Ce qui explique aussi, évidemment, qu’il soit à la pointe du combat pour la reconnaissance du handicap. Il passa une bonne partie du quinquennat précédent à se démener en faveur de la déconjugalisation de l’AAH (Allocation adulte handicapé). Les macronistes, d’abord rétifs à voter cette mesure de simple humanité, acceptèrent finalement après bien des relances…
Aurélien Pradié s’engage beaucoup, aussi, sur la question des violences faites aux femmes. Il n’a pas oublié le regard de cette malheureuse, venue le trouver dans sa permanence parlementaire de jeune député. La politique dit-il, c’est « déjouer la fatalité ». Il préconise également l’interdiction du voile dans l’espace public.
Entre Chirac et Pompidou, ses deux idoles
Nous l’avons dit plus haut, mais il faut y revenir, l’homme est « chiraco-pompidolien ». Pompidolien, cela se comprend facilement. L’ancien président des Trente Glorieuses, natif de Montboudif dans le Cantal, conciliait un caractère à la fois urbain et très rural. Il passa certaines de ses plus belles heures à Cajarc, sublime localité lotoise. Aurélien Pradié fait partie de cette génération de politiques qui, à l’instar de David Lisnard ou Laurent Wauquiez, aime à citer des extraits du Nœud Gordien, œuvre de l’ancien président ; agrégé de lettres.
La passion chiraquienne d’Aurélien Pradié est encore plus vive. Trop jeune pour l’avoir connu, il s’en inspire constamment. Ce n’est pas pour rien qu’il réserva à Brive-la-Gaillarde, en Corrèze, la première date des signatures de son nouveau livre. Comme son aîné, il aime à errer dans les musées, à la recherche de civilisations inconnues et lointaines, du Quai Branly à Guimet.
Malgré tout, il n’a rien d’un naïf. Pas tellement le style à « tendre l’autre joue ». Dans les travées de LR, il s’est fait de nombreux ennemis. Doté d’un caractère parfois ombrageux, Aurélien Pradié conserve certaines rancunes… Comme Pompidou, qui griffonnait dans un carnet noir le nom de ceux qui le trahirent, au cœur de la sombre affaire Marković ? Sans doute. La politique n’est pas l’apanage des enfants de cœur.
Les perles de la politique
Jean-Luc Barré : le fascinant éditeur d’Aurélien Pradié · Qu’est-ce qui rapproche Aurélien Pradié de son éditeur, le facétieux Jean-Luc Barré ? Tant de choses… Peut-être le Sud-Ouest ? (Jean-Luc Barré est natif de Villeneuve-sur-Lot). Sans doute Chirac, dont Barré fut le complice pour l’écriture de ses mémoires. Plus encore Charles de Gaulle, dont Jean-Luc Barré vient de publier le premier tome d’une biographie en trois volumes, aux éditions Grasset. Un ouvrage qui lui a valu de recevoir le prestigieux prix Renaudot de l’essai. Notons que le visage de la collection Bouquins est également le biographe de François Mauriac et de Philippe Berthelot. En cas d’accession éventuelle au pouvoir d’Aurélien Pradié, Jean-Luc Barré pourrait bien occuper une fonction d’importance…