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PANoRAMA
Hexagone
n°6
La guerre des indignations
L’affaire Leonarda, du nom de cette jeune fille de 15 ans interpellée lors d’une sortie scolaire et expulsée avec sa famille au Kosovo, a suscité une vive polémique au sein de la majorité en octobre dernier. Entre ceux qui s’indignent des conditions de cette expulsion et ceux qui s’indignent du manque de solidarité du PS avec son ministre de l’Intérieur, la réconciliation s’annonce difficile, sinon impossible. Par Thomas Pitrel
Esther Benbassa,
sénatrice, Europe Ecologie-Les Verts
L
Le poids des mots
dire, c’est une rafle. » A tête reposée, cette historienne spécialiste de l’Histoire du peuple juif persiste et signe : « Il n’y a pas de mot sacré. Bien sûr, au départ, il s’est appliqué à la déportation des Juifs, aux rafles de fin 41 et de 42. Mais cette jeune fille a bien été ramassée comme dans les rafles. On est monté dans le bus pour la prendre. Sur les écoles, il y a des plaques parlant des enfants qui ont été pris pendant le temps de la scolarisation. C’est pour cette raison que j’ai utilisé ce mot, qui m’a rappelé les cours que j’enseigne. » Si Esther Benbassa a tendance à être à fleur de peau lorsqu’elle évoque les thématiques de l’immigration, c’est peut-être en raison de son histoire personnelle. Née à Istanbul, elle a d’abord posé ses valises en Israël, puis en France, se retrouvant à l’arrivée pourvue d’un statut tri-
e philosophe Alain Finkielkraut a parlé de « honte absolue » et « d’idiotie compassionnelle », tandis que l’historien Benoît Rayski clouait au pilori les « poncifs les plus éculés de l’indignation réputée antiraciste ». Il faut dire que les déclarations de la sénatrice écologiste Esther Benbassa, suite à l’affaire Leonarda, dans une tribune sur le site du Huffington Post, sont un condensé de tout ce que cette frange d’intellectuels déteste. « Moi qui pensais que la France n’avait pas perdu la mémoire de sa sombre histoire, j’étais loin d’imaginer qu’en 2013, en tant que parlementaire, élue du peuple, je serais témoin d’une rafle, attaquait-elle. Car oui, il faut bien le
par là, je défends les personnes qui sont confrontées à des problèmes de ce genre. » Très engagée sur ce front, Esther Benbassa garde tout de même un goût amer de l’affaire Leonarda, de sa médiatisation et de la polémique autour des mensonges du père de la jeune fille pour obtenir plus facilement l’asile. « On a attiré l’attention sur cette affaire alors qu’il y en a d’autres avec des histoires beaucoup moins pro-
“Cette jeune fille a bien été ”
national franco-israélo-turc. « Je ne fais pas de misérabilisme, je suis une immigrée qui s’en est sortie, juge-t-elle. Je suis prof à la Sorbonne, sénatrice, je n’ai pas le complexe de l’immigrée, au contraire. Mais parce que je suis passée
« ramassée » comme dans les rafles
blématiques, des parents qui travaillent, qui ne doivent rien à personne, se désole-t-elle un peu. C’est ça le problème. Cette histoire a un effet négatif sur tous les immigrés. » Une fois la jeune fille et sa famille