references
CLUb eNtrepreNDre
En immersion
n°4
From’ Dijon
Les commerces de bouche sont aussi un terreau d’entrepreneuriat et d’innovation. plongée inattendue dans le fromage avec Yann Lavigne, au cœur de la capitale des ducs de bourgogne.
b
oulette d’Avesnes, Chabichou du poitou, mont d’or de brebis... mais aussi brillat Savarin ou Cîteaux, bourgogne oblige. Les papilles du visiteur s’affolent, lui qui s’est aventuré dans la fromagerie porcheret, véritable institution près des Halles. trompé par la devanture au charme désuet, il anticipait une pause gourmande mâtinée de nostalgie en déambulant entre les vieux étals recouverts de grosses tommes odorantes et peu esthétiques. La convivialité d’une raclette
entre amis un soir d’hiver, le réconfort d’une tartiflette au ski, les questions existentielles de l’enfance sur l’absence de trou dans le Comté, contrairement à l’emmental... Que nenni. La diversité des produits savamment valorisés par un jeu d’éclairage sur les vitrines, dans un espace carré finement décoré, seront plutôt pour lui une ode au voyage. Les vendeuses affublées du tablier porcheret ne manqueront pas de lui présenter dès 7h00 le « Shropshire blue », intrigant par sa couleur et sa forme, le
« pecorino toscano », tomme de brebis sèche, ou encore l’Irlandais « porter Cheese » à base de bière brune. Quête d’originalité ? « Trois salariées en activité et une en arrêt maladie longue durée… Il nous faut sans cesse varier les offres, innover pour ne pas licencier », explique plus prosaïquement Yann Lavigne, nouveau propriétaire de 33 ans. Un professionnel-restaurateur salue en emportant son carton hebdomadaire de fromages,
Silence, on affine !
faisant tinter la sonnerie caractéristique du passage d’un visiteur. Il foule des pieds une trappe vitrée, dévoilant en contrebas le caveau creusé où de grosses meules de Comté et autres tommes vieillissent doucement. Derrière la boutique, une cave plus moderne permet d’affiner les chèvres, camemberts et autres pâtes molles, une pièce réfrigère les produits qui ne doivent plus évoluer tels mozzarellas, parmesans ou bleus. Une troisième pièce, où s’amoncellent tables, fours et un matériel hétéroclite de cuisine, sert de coin à pause-café, mais aussi de « laboratoire » pour élaborer de nouvelles recettes. Sur un tableau accroché au mur objectifs et « super-objectifs » griffonnés viennent rappeler
où il ne s’est pas versé de salaire la première année –, pour rajeunir la clientèle et augmenter le panier moyen, avoisinant aujourd’hui les 15 euros. Sur les produits tout d’abord, en allant solliciter de nouveaux fournisseurs et en soignant l’affinage. Quelques dames âgées achètent du Comté, analysant avec précision la météorologie passée et à venir avec les vendeuses. Car une fromagerie a ses classiques indéboulonnables : Comté, epoisses, Cîteaux, morbier... « La plupart des clients achètent quelques fromages, quand les 150 autres relèvent bien souvent de l’anecdotique. » L’entrepreneur est donc passé à l’offensive par des mets cuisinés. Dans le laboratoire sont concoctés tzatziki, yaourts,
pas une sinécure », précise le fromager fraîchement diplômé, coupant prestement des morceaux de Comté avec son fil à couper.
renaiSSance
exploSive Une salariée boit un café en riant avec celle qui prépare les tartelettes à l’epoisse, qui seront présentées sur l’étal installé devant la boutique les jours de marché. Yann Lavigne sélectionne les fromages les plus mous dans la cave, tout en s’enthousiasmant sur le secteur. « C’est devenu un milieu effervescent. Les fromageries ont connu une explosion après-guerre, puis les grandes surfaces ont petit à petit tué le métier. Une nouvelle génération de fromagers émerge,
“L’effort intellectuel est constant. Le métier ”
ne se résume pas à découper et vendre du fromage. Il faut songer aux problématiques de produits, marge, gestion du personnel