Beau cru 2018 pour le marché de l’immobilier d’entreprise

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L’immobilier d’entreprise se porte bien, soutenu par le coworking et les investisseurs étrangers.

2018 sera une nouvelle année faste pour l’immobilier de bureau en France, et en particulier en Île-de-France. En dépit d’un repli au troisième trimestre, le marché francilien a enregistré, sur les neuf premiers mois de l’année, sa meilleure performance depuis 2011, selon une étude de CBRE. Avec près de 1,9 million de mètres carrés placés, le volume est en hausse de 6 % sur un an et supérieur de 13 % à la moyenne de la période entre 2008 et 2017. Un dynamisme qui s’explique par la confiance des entreprises quant à leurs perspectives. Par ailleurs, les nouveaux usages, les modes de travail collaboratifs et le digital ne cessent de renforcer l’appétence des utilisateurs pour des locaux modernisés. Tandis que le stock immédiat s’érode, les pré-commercialisations affichent ainsi une part record (plus de 70 % du marché francilien supérieur à 5 000 m² sur l’ensemble de la période).

Paris est magique

En Île-de-France, le marché des bureaux d’une surface inférieure à 5 000 m² bénéficie du dynamisme de Paris intra-muros, affichant des volumes placés en hausse (+8 % sur un an) en dépit de la raréfaction de l’offre. Sous l’effet de la pression croissante, les entreprises à la recherche de locaux accélèrent leur processus de décision, visant plus que jamais Paris Centre-ouest (+10 % par rapport aux neuf premiers mois de 2017). La demande est également bien orientée dans le croissant Ouest et à La Défense, qui bénéficient du report parisien. Les résultats sont en revanche mitigés en première et deuxième couronne, avec des volumes relativement stables, observe la société du Conseil en Immobilier d’entreprise.

Les 59 transactions sur la catégorie des bureaux supérieurs à 5 000 m² signées au cours des neuf premiers mois, pour un total de 740 000 m² (+3 % sur un an), confirment le dynamisme de l’Ouest parisien et de Péri-Défense, observe CBRE . Les grands groupes industriels tels que Vinci, Technip, Danone ou Nestlé, motivés par des besoins d’optimisation et de modernisation, ont très largement contribué à animer le premier semestre. En revanche, l’absence de transaction supérieure à 20 000 m² a généré un repli au troisième trimestre. Fait marquant, estime CBRE, les créations de sept nouveaux centres de coworking de plus de 5 000 m² à Paris, dont cinq initiés par WeWork, ont représenté 30 % de la demande.

Preuve de la vigueur du marché, l’offre de bureaux fond à vue d’œil. Les stocks ont baissé de 15 % en un an, portant le niveau des disponibilités sous la barre des 3 millions. Avec un taux de vacance de 5,1 % à l’échelle francilienne, le marché s’éloigne de son seuil de fluidité, prévient CBRE. Les tensions demeurent particulièrement vives sur le créneau du neuf/restructuré, dont le poids reste stable (16 %). Dans le quartier central des affaires de Paris (QCA), le taux de vacance approche de son plus bas historique de l’année 2000, à 1,5 %. Le secteur ne dispose plus d’aucune offre supérieure à 5 000 m². La situation n’apparaît pas beaucoup plus détendue à La Défense, où la vacance est passée sous le seuil des 5 %, avec en outre une part du neuf/restructuré moitié moindre que celle de l’Île-de-France.

Pour espérer trouver un choix plus étoffé et surtout plus qualitatif, les utilisateurs se tournent désormais vers les marchés du croissant Ouest, où le taux de vacance dépasse les 9 %, en dépit d’une tension palpable sur certains secteurs tels que Neuilly-Levallois, extension privilégiée de Paris. En première couronne, seul le Nord dispose d’un stock immédiat conséquent, mais l’offre neuve/restructurée qui y est traditionnellement privilégiée est réduite, souligne CBRE.

Néanmoins, il convient de rester mesuré sur certains secteurs géographiques qui ne bénéficient pas tous de l’euphorie parisienne et notamment sur la production d’offres neuves futures. « Face aux taux prime très bas, les acteurs se positionnant sur des actifs value-added sont de plus en plus nombreux, ce qui tend à provoquer une spéculation sur le prix des fonciers ou des actifs à restructurer. Dans une conjoncture où il y a une tension sur les coûts de construction, il convient de rester prudent sur des secteurs où les loyers n’augmentent pas forcément », déclare Arnaud Guennoc, directeur général d’AG Real Estate France.

Les loyers orientés à la hausse, le coworking a la cote

A Paris, les propriétaires profitent de la tension du marché. Les loyers continuent de progresser dans la capitale et notamment Paris Centre-ouest, avec toujours de nouveaux sommets dans de nombreux quartiers tant la demande des utilisateurs y est importante. « C’est un peu Paris-qui-rit et l’Ouest-qui-pleure, commente Magali Marton, directrice des études de Cushman & Wakefield. En dépit d’un taux de vacance au plus bas (2,2 %) Paris est en passe de franchir la barre symbolique du million de mètres carrés en 2018, et ce pour la troisième année consécutive, alors que dans le même temps, le croissant Ouest voit son volume de transactions reculer au terme d’un troisième trimestre très décevant… et une offre cependant abondante. »

Quid de l’avenir ? Selon les prévisions de CBRE, en 2018, la demande placée devrait atteindre, voire dépasser, les 2,7 millions de mètres carrés. La création d’emplois, vecteur de performance majeur, se poursuit en Île-de-France, bien qu’à un rythme moindre. À horizon 2019/2020, 150 000 nouveaux emplois devraient ainsi permettre de soutenir la demande des entreprises, et favoriser la création nette de surfaces. Dans un marché où le recrutement de talents devient stratégique, la centralité est très recherchée. L’urbain revient au cœur des préoccupations sous l’impulsion des millennials. Dans ce cadre, le coworking s’affiche en conquérant, s’imposant dans un environnement hyper concurrentiel à l’offre. Les propriétaires affinent leurs stratégies, avec en contrepartie des positionnements toujours plus ambitieux en termes de valeurs. Couplée au ralentissement économique, cette tension risque néanmoins de freiner, à terme, les mobilités intramuros. En parallèle, l’offre future atteint en première couronne son plus haut niveau depuis la crise, offrant de nouvelles réponses aux projets immobiliers des utilisateurs.

Cru 2018 brillant pour l’investissement

En investissement aussi, le marché de l’immobilier d’entreprise devrait connaître une année 2018 particulièrement faste. Pour autant, comme en 2014, après deux trimestres « hors normes », le marché français a semblé reprendre son souffle au troisième trimestre. Le rythme effréné des grandes transactions – celles supérieures à 100 millions d’euros – a finalement ralenti pour laisser place ce trimestre aux cessions de 50 à 100 millions d’euros. La baisse de régime du troisième trimestre n’entache en rien le dynamisme de l’année 2018 : 16,6 milliards d’euros investis en neuf mois. Nils Vinck, Head of Capital Markets France, commente : « La fin de l’année 2018 promet d’être palpitante ! Les transactions d’envergure en attente d’une réitération se multiplient : « le centre de conférences Capital 8 », plusieurs tours à La Défense, et quelques portefeuilles de bureaux ou de commerces… Elles donnent le ton des liquidités disponibles à l’acquisition sur le marché français avec une mention spéciale pour le tertiaire francilien, qui s’affirme comme la destination n°1 pour les investissements étrangers… devant Londres et New York. » Entretenue par des cessions de portefeuilles, la poche industrielle (12 %) concurrence de nouveau celle des commerces (13 %) qui pâtit, pour sa part, d’une raréfaction des cessions de centres commerciaux et retail parks. D’ici la fin de l’année, une reprise de l’activité transactionnelle des commerces est néanmoins attendue avec la concrétisation d’opérations portant sur de gros volumes. Sans surprise, avec 5,5 milliards d’euros investis de janvier à septembre, Paris – dont l’exceptionnelle vigueur locative n’est plus à prouver – demeure le cœur de l’activité du marché en Île-de-France. Alors que le croissant Ouest a tiré son épingle du jeu au troisième trimestre en multipliant les transactions de volumes intermédiaires (d’un montant unitaire compris entre 50 et 100 millions d’euros), il faudra, comme en 2017, attendre la fin de l’année pour voir décoller le volume d’investissement de La Défense : transactions attendues de « Window », « la Tour Ariane », et bien d’autres …
Pluie de références oblige, les taux prime des marchés de bureaux lillois, nantais et bordelais ont acté une nouvelle compression au troisième trimestre. Face à ceux parfaitement stabilisés de l’Île-de-France, les écarts se réduisent mécaniquement entre la capitale et les grandes métropoles.
Magali Marton précise : « Face aux taux planchers de l’Île-de-France et aux développements de nouvelles zones tertiaires sur des marchés en régions, les investisseurs – SCPI/OPCI en tête – ont élargi le choix de leurs villes- cibles. Cet afflux de liquidités tire les taux à la baisse et recalibre le marché sur des plus bas historiques : en-dessous de 4 % à Lyon et autour de 5-6 % ailleurs. »
Les acquéreurs d’hier ne présagent définitivement pas des acquéreurs de demain. Alors que l’année 2017 vibrait au rythme des transactions des véhicules français de la pierre-papier (SCPI/OPCI), 2018 s’anime au gré des acquisitions de fonds d’investissement tant français qu’internationaux. Ils concentrent déjà 44 % des montants investis en neuf mois, à comparer à 20 % en moyenne, soit un record historique !
Enfin, conclut Arnaud Guennoc, « pour gagner quelques points de base de rendement sur les actifs, de plus en plus d’acteurs se tournent vers des VEFA ou des opérations de développement en contrepartie d’un risque de commercialisation qui reste maîtrisé compte-tenu du dynamisme des transactions locatives. »

Pierre-Jean Lepagnot

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