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PANOrAmA
Regard sur l’Actualité
n°5
« Interdire de faire de l’humour sur un sujet, c’est interdire de penser »
Philippe Geluck, l’humoriste abonné au second degré, chroniqueur tout en retenue sur les plateaux télé, est père du chat qu’ecoréseau accueille volontiers dans chacun de ses numéros. ce chantre de l’absurde est loin de n’avoir que des absurdités à dévoiler. Notamment en matière de liberté d’expression. Fin analyste de l’actualité froide, enclin à en chercher détails et contradictions une fois qu’elle a décanté, l’homme aux lunettes rondes n’a pas la langue dans sa poche et le fait savoir.
j’emmène des gens avec moi, comme mes projets de dessins-animés, d’applications sur iPhone… mais le créateur d’entreprise ne change généralement pas une équipe qui gagne et poursuit au maximum ce qui réussit. Je suis plus guidé par le démon de la création, propre à tout artiste, qui me fait évoluer. peut-on rire de tout ? c’est précisément le titre de mon essai publié en septembre, où j’explique que l’on peut rire du physique des gens, du malheur des autres, des pauvres, des riches, des vieux, des jeunes, des Arabes, des Juifs, des politiques, des autres, de soi-même, du Pape, de Dieu… avec des nuances, en commentaires révoltés ou exemples personnels, en trouvant la bonne distance. méfions nous de ce qui « ne se fait pas », de ce qui « ne se dit pas » ou du politiquement correct. Avec « La bible selon Le chat », j’ai conscience d’avancer en terrain miné (et non minet). Les sensibilités sont actuellement exacerbées et je ne souhaite pas laisser faire les censeurs que sont les puritains, ligues et organisations communautaires. Le rôle de l’humoriste est de réfléchir à tous les problèmes, de mettre le doigt sur des détails qui ont que l’on peut rire de tout, à condition que ce soit drôle. mais rire de façon insolente, violente, ne signifie pas qu’on ne se préoccupe pas du problème. Constatez-vous une dégradation de la liberté de l’humoriste ? Plus que jamais. Nous avons connu la censure et l’interdiction de journaux par le pouvoir politique jusque dans les années 70, puis une période de liberté jusqu’au début des années 90 avec le journal Hara-Kiri, coluche, Desproges,… Depuis lors les crispations communautaires ont repris le dessus et infligent un retour en arrière. Le fascisme refait son apparition en Hongrie ou en Grèce, les humoristes ont plus que jamais un rôle à jouer dans cette société traversée par des tensions qu’on croyait oubliées. Jusqu’à maintenant le côté subversif du Chat était très doux. J’ai éprouvé le besoin d’en dire plus à mes lecteurs. Le Chat sort du bois. Il y a deux et quatre ans, les albums « Geluck se lâche » et « Geluck enfonce le clou » avaient été appréciés, et je continue dans cette voie. Comment s’est bâti votre parcours ?
A pArAître
« Peut-on rire de tout ? » par Philippe Geluck, éd. JC Lattès, 2013
« La Bible selon Le Chat » par Philippe Geluck, éd. Casterman, 2013
© Christophe Licoppe
Quel tournant est en train de prendre votre carrière ? J’ai arrêté de publier Le Chat dans les journaux en mars 2013, après trente ans de rendez-vous hebdomadaires et de bons et loyaux services. mais « La bible selon Le chat » va sortir incessamment sous peu. Je souhaitais prendre du recul et raconter de longues histoires, changer
des jeunes, des Arabes, des Juifs, des politiques, du pape ou de soi-même en trouvant la bonne distance
“On peut rire du physique des pauvres, des riches, des vieux, ”
ans. c’est seulement à ce niveau que je diffère d’un entrepreneur ; comme lui je multiplie les initiatives et échappé au plus grand nombre. Interdire de faire de l’humour sur un sujet, c’est interdire de penser. bien-sûr
du mode « sniper » avec mes gags courts. Un nouveau défi en matière de création auquel je songe depuis deux