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Loin de sa première vocation, Adictiz développe aujourd’hui pour des grands comptes une plateforme de création de jeu sur mesure. Une belle bascule pour éviter la catastrophe…
Adictiz fait partie aujourd’hui des références dans le social gaming. Songez à « Paf le Chien » ou encore à « Il est con ce pigeon ». Deux hits des jeux online que l’on retrouve bien évidemment sur Facebook, Apple Store ou Google Play qui ont propulsé l’entreprise Lilloise sur le devant de la scène. Créée il y a sept ans, la start-up nichée à EuraTechnologies, pôle d’excellence de la métropole lilloise, aurait pu connaître un destin bien différent de son actuel succès.
Pivoter ou mourir
En 2009, tout juste sorti de son école d’ingénieurs, Charles Christory, alors âgé de 22 ans, décide d’arpenter les sentiers sauvages de l’entrepreneuriat. Il s’associe dès lors avec un ami et rassemble un premier pécule, sa love money, entendez ici, l’argent de ses proches et de sa famille. « Nous démarrons avec l’idée de créer une plateforme. Le lancement a lieu en avril 2009, après huit mois de gestation. Nous réalisons très vite que nous ne faisons pas d’audience et que nous n’allons pas dans la bonne direction. A l’époque, le portail propose des jeu avec des logos d’entreprise, des quizz mais aussi des jeux de slogans », se remémore le chef d’entreprise.
Deux mois seulement après la création d’Adictiz, Charles Christory décide alors d’un pivot en allant chercher l’audience sur les réseaux sociaux et en particulier Facebook. « Nous avons donc arrêté de multiplier les marques sous la forme d’un portail web et pivoté vers le métier d’agence. L’idée est alors de proposer dorénavant des jeux sur mesure directement aux marques ».
Ce pivot est une sorte d’épiphanie entrepreneuriale pour le dirigeant. « Nous savions que nous ferions un métier que nous n’avions pas imaginé au début de l’aventure. Tout le monde sait que le numérique bouleverse les métiers, mais en tant qu’entrepreneur, il faut avoir cela au fond de soi. Le changement doit faire partie intégrante de l’ADN de l’entrepreneur », note le créateur d’Adictiz.
En corollaire de cette injonction, l’entrepreneur pointe également les nécessaires limites matérielles et physiques pour tester et éprouver un projet avant de le valider ou de changer de cap. La limite sera fixée à deux mois avant de changer la donne. Fort de ce pivot, l’agence Adictiz travaille alors pour plus de 600 marques en quatre ans. Un vrai boom dans le développement de mini-jeux. Le fondateur et dirigeant reconnaît avec du recul que son premier échec fut aussi celui de ne pas confronter son idée au marché. « A l’époque du portail, nous voulions aller voir les marques avec le produit fini. La démarche n’était pas la bonne. C’est au contact des entreprises que nous avons saisi l’impact marketing fort d’un jeu », se souvient Charles Christory.
Cette nouvelle démarche entrepreneuriale rencontre le succès avec un jeu qui consiste à munir d’accessoires un chien pour le lancer le plus loin possible…
« Il y a eu un avant et un après « Paf le chien ! » qui, avec autant d’utilisateurs, montrait la capacité d’un jeu à engager une communauté », s’étonne encore le dirigeant pour ce jeu qui mobilise aujourd’hui 30 millions d’utilisateurs après quatre années de création. « L’idée fut celle de développer de nombreux mini-jeux pour prouver notre savoir-faire. Mais là encore, notre modèle possédait ses limites. Nous voulions faire évoluer notre métier et arrêter de fonctionner dans une logique de prestations de services tout en permettant à nos clients d’accéder à un jeu marketing de façon plus simple », ajoute Charles Christory.
Disruption et nouveau modèle d’affaires
2009 est une excellente année d’un point de vue BtoC pour Adictiz, mais la réussite de « Paf le chien », tout comme l’actuelle fièvre de Pokemon Go ne doit pas occulter un marché très complexe où des millions de jeu passent rapidement aux oubliettes sans jamais connaître d’audience. Une levée de fonds en 2012 de deux millions d’euros avec Omnes Capital permet à l’entreprise de manœuvrer plus aisément dans son processus d’internationalisation – l’Europe surtout – tout en développant une nouvelle solution en interne. Au terme de deux ans de R&D, une nouvelle plateforme en Saas voit le jour, l’Adictiz Box.
« En moyenne, un jeu mobilisait trois ou quatre personnes pour une période variant entre un à deux mois de travail et pour un coût environnant les 10 000 euros. Les allers-retours avec le client étaient nombreux et il arrivait parfois que certains clients annulent leur commande. La démarche en prestations de services était chronophage et coûteuse », légitime Charle Christory.
Aujourd’hui, l’Adictiz Box recense 140 entreprises abonnées dont Peugeot, Lidl, McDonald’s, Universal Music, Kiabi, Pilot,… pour un système d’abonnement mensuel sous licence de 1 000 euros.
« Nous avons réussi à innover dans le jeu de la même manière que le logiciel Powerpoint a changé la donne en matière de présentation à l’heure du rétroprojecteur », compare le dirigeant. Cette nouvelle solution Saas a pour l’instant mobilisé 10 millions d’utilisateurs tout en permettant via des mécaniques en drag and drop d’adapter ou de modifier le jeu en deux clics pour les entreprises. « Nous jouons avant de savoir parler. Le jeu est le premier vecteur de communication. Les entreprises en prennent conscience et nous contactent désormais pour des problématique marketing et communication sur le long terme », synthétise le start-upper.
Adictiz a donc élargi son expertise pour désormais livrer une approche du jeu liée à la performance et aider les entreprises à augmenter leur panier moyen, à obtenir du lead, à qualifier des bases. « Le jeu présente un très bon taux de conversion. Pour certains de nos clients, ce taux s’est multiplié par sept voire par huit. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à intégrer le jeu dans leur mix marketing. C’est un élément différenciant et notre plateforme permet de créer une communauté participative », se réjouit Charles Christory. Si l’avenir semble sans nuages, force est de reconnaître que la prudence rythme la vie d’Adictiz. « L’avenir de la start-up, je l’envisage toujours à deux ans (délai entre chaque pivot, NDLR). Pour l’instant, l’objectif que nous souhaitons atteindre est de progresser de 40 à 45% en termes de CA pour imposer un rythme fort sur le marché. Mais peut-être nous reparlerons nous dans deux ans pour aborder un nouveau changement d’activité », conclut malicieusement Charles Christory.
Geoffroy Framery