MICE : la gestion des temps dans les séminaires grâce aux TIC

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Les outils d’optimisation… et les gadgets

Rendre efficaces les séminaires, tel est le but ultime en temps de disette. Certaines nouvelles technologies étendent dans le temps l’évènement, et facilitent le timing. Mais pas toutes…

Connaissant une activité en dents de scie dans un contexte économique contraint, le secteur des séminaires d’entreprise évolue. Les manifestations se déroulent dans des espaces moins lointains, avec des effectifs réduits. Elles sont de plus courte durée et comprennent moins d’activités annexes et/ou ludiques. Dans ce contexte, les acteurs du secteur s’appuient notamment sur les nouvelles technologies pour adapter et renouveler leur offre. Les plateformes en ligne et applications se multiplient pour s’inscrire, partager l’information au préalable puis par la suite, interagir, dialoguer, décider collectivement. Les espaces de réunion sont désormais connectés et équipés de solutions de domotique. Mais comment dissocier ce qui relève du gadget de l’outil qui change les modalités d’un séminaire ? Comment intégrer ces technologies à l’organisation et au déroulement d’un séminaire, qu’il soit dédié au team building ou au travail, sans nuire au message ou à la relation humaine censée favoriser son appropriation ? Comment optimiser leur usage pour préparer sa manifestation, motiver les effectifs, enrichir les échanges et en faire revivre le souvenir ?

Fiction : Une déconcentration préjudiciable

Anita voulait se faire remarquer, elle pensait bien faire. Chargée d’organiser le séminaire annuel réunissant les responsables régionaux de son entreprise, elle voulait casser les codes, marquer les esprits et engager ses collègues dans de nouvelles pratiques qui pérennisent leurs échanges au-delà du séminaire.

Elle a ainsi misé sur les nouvelles technologies et leurs promesses d’efficacité, de simplification, de partage et de collaboration. Elle a d’abord mis en place une inscription en ligne et conçu l’invitation comme un teaser laissant planer le suspense quant au déroulé de la manifestation (1). Mais ne sachant pas ce qui les attendait, les participants ont traîné à s’inscrire et Anita s’est vue contrainte d’effectuer des relances pour attirer ses collègues sur la plateforme.

Sur place, noyés sous les alertes des différentes applications téléchargées sur leur smartphone pour suivre les différentes étapes du séminaire (2), les participants ont eu les yeux rivés sur leur appareil et ont fait preuve de distance. Ils en ont presque oublié leurs collègues et se sont révélés hermétiques au message et au contenu de la manifestation (3). Pendant les temps prévus pour le travail et l’échange, nombreux ont été les curieux à être distraits par les gadgets technologiques qui équipaient la salle de réunion (4). Les différents outils censés se mettre au service des échanges se sont retrouvés au centre des discussions. A l’issue du séminaire, soulagée que ce désastre ait pris fin, Anita en a oublié qu’elle pouvait compléter et poursuivre les échanges via les fonctionnalités offertes par les applications utilisées pendant le séminaire (5), se privant ainsi de la possibilité de faire revivre le souvenir de la manifestation et d’en enrichir le contenu. Anita s’est fait remarquer… Peut-être pas dans le sens qui lui importait.

1 Le partage d’informations, une source de motivation

La réussite d’un séminaire, qu’il soit ludique ou à vocation plus formelle, passe par la motivation des participants et cette dernière se prépare en amont. « Plus les informations positives et précises circulent, qu’elles soient sur la destination, le format, la durée ou le contenu, plus les participants seront motivés », souligne Serge Tapia, directeur Event et MICE au sein de Serviceplan France. « Susciter l’envie crée des dispositions favorables pour l’activité proposée », poursuit-il. Dans cette logique, la destination participe à la création d’une dynamique favorable d’adhésion à l’événement. Si le choix doit répondre à des critères d’acheminement et d’hébergement avec une infrastructure adaptée, il doit également proposer une rupture avec le quotidien des équipes. L’objectif est toujours de susciter l’envie et l’adhésion. Ainsi, « une destination géographiquement trop proche de l’entreprise peut donner le sentiment d’un événement préparé à la va-vite », indique Serge Tapia. Pourtant, une option de proximité peut se révéler nécessaire dans un contexte budgétaire contraint. Dans ce cas, le choix d’un lieu proche, mais insolite, peut créer la rupture : golfs, cinémas, musées, haras, ou encore domaines viticoles proposent des prestations. « Si le choix s’oriente vers une destination insolite, il faut veiller aux bonnes conditions technologiques : accès internet, réseau téléphonique, etc. », rappelle Matthieu Delavallade, responsable commercial de l’agence de tourisme d’affaires Cézame. Pour Sandrine Christon, déléguée générale de l’Événement (Association des agences de communication événementielle), « que ce soit du team building ou du travail, il s’agit de faire vivre une cause : travailler ensemble, faire passer un message ou encore co-construire un projet. Le partage d’informations sur l’objectif, ainsi que sur la destination et la formule proposées, permet aux effectifs d’adhérer à la démarche et de se l’approprier ». Pour répondre à cet impératif de partage d’informations, de nombreux outils numériques ont vu le jour ces dernières années.

2 Des applications pour générer de l’interactivité

« Les outils numériques permettent de mettre en œuvre des expériences inédites en rendant les participants acteurs de l’événement. C’est un véritable facteur d’intégration et d’animation », explique Serge Tapia. Des applications existent en effet pour s’inscrire, partager les informations en communauté, recevoir le programme, charger les présentations, mais aussi pour créer l’interaction pendant l’événement par des votes en direct ou des « murs de tweets » (« tweet walls ») affichant les réactions des participants sur le célèbre réseau social. Des outils répondent à des besoins plus techniques, comme ClickShare qui permet de se connecter facilement au système vidéo d’une salle de réunion et de partager le contenu avec les participants.

D’autres technologies apportent des solutions plus globales. Venue des États-Unis, Yapp propose depuis 2012 une application pour communiquer avec les participants, que ce soit avant ou pendant l’événement. Il permet de faire passer des annonces, de déposer des documents, de diffuser des informations via YouTube ou Twitter, mais aussi d’attribuer un emploi du temps particulier à un compte pour un accès personnalisé à la bonne information, et ce en direct.

Pionnière dans ce domaine en France, la start-up Wisembly propose aussi une application pour favoriser l’interaction tout au long de l’événement. En amont, la plateforme permet la mise à disposition de l’ordre du jour et de documents, mais aussi la préparation des échanges en laissant la possibilité aux participants de poser des questions. « Ce type d’interface permet à ceux, notamment les plus timides, qui n’en ont pas l’habitude, de s’exprimer et de nourrir ainsi les échanges », estime Serge Tapia. Pendant l’événement, Wisembly permet, par ailleurs, de partager les slides et les documents, mais aussi les idées des participants. Des votes en direct peuvent être réalisés grâce à l’application, favorisant de fait la participation, l’engagement et les prises de décisions collectives. À la suite de l’événement, la plateforme génère un compte-rendu statistique de la réunion, partage les documents présentés et permet la poursuite des échanges.

3 Pas de technologies au détriment de l’humain

S’ils permettent de générer de l’interactivité, les outils numériques ne doivent pas empiéter sur le contenu. « L’usage d’applications doit contribuer à atteindre l’objectif fixé, et non l’occulter. Organiser un événement avec ses effectifs doit répondre au contenu d’un cahier des charges identifiant les prestations nécessaires », avertit Sandrine Christon. « Proposer des applis et gadgets pour tout et pour n’importe quoi peut vite agacer et produire le contraire de l’effet voulu, à savoir le rejet plutôt que l’adhésion. La technologie disponible ne justifie pas d’assommer en informations ou en messages superflus », ajoute Perrine Edelman, directrice adjointe de Coach Omnium. Pour Serge Tapia, « la part du budget consacrée aux nouvelles technologies avoisine généralement les 20% lors d’un séminaire. Elle ne doit pas excéder 30%, car il s’agit avant tout de traiter de l’humain ». « Le tout technologique, ce n’est pas faire dans la personnalisation », estime Perrine Edelman. Les promesses apportées par les nouvelles technologies ne doivent pas occulter le cœur de l’événement : le contenu à transmettre aux effectifs. « Générer du stress chez les participants nuit au message et à l’objectif du séminaire ou de l’événement. Il ne faut pas être à cent à l’heure en permanence, mais plutôt prévoir un programme léger ou des temps ludiques, surtout si la destination est séduisante, cela évite la frustration », souligne Serge Tapia. « S’il est déconseillé de commencer ou de terminer par un moment ludique, celui-ci ne doit pas être négligé. Le risque, c’est d’imprégner un souvenir négatif aux participants, alors que quelques heures consacrées à une visite guidée ou une dégustation suffisent à créer un état d’esprit favorable », complète Matthieu Delavallade, responsable commercial de l’agence de tourisme d’affaires Cézame.

4 Des espaces connectés mais atypiques

S’ils apparaissent nécessaires à la motivation des effectifs et à la transmission d’un message ou d’un contenu, les temps informels ponctuant les séminaires se font plus rares. « Les entreprises organisent des manifestations de plus courte durée, sur une, voire une demi-journée. Elles y associent moins d’activités annexes », constate Perrine Edelman. Dans ce domaine également, les professionnels du tourisme d’affaires ont pris acte des évolutions et adaptent leurs offres. Les espaces d’accueil, et en particulier les hôtels, de plus en plus équipés et connectés, développent des solutions globales mais adaptables. Leurs offres se veulent suffisamment flexibles pour répondre à de nombreux besoins différents.

En premier lieu, face à la disparition progressive des temps informels, les espaces de réunion tendent à devenir moins austères : des fauteuils voire des poufs remplacent les simples chaises, des bars et canapés jouxtent des espaces « cuisine ». Bourrés de technologies, notamment domotiques, ces nouveaux espaces, forcément connectés, proposent de faire vivre une « expérience inédite » aux usagers. Au cœur de Paris, le Novotel Les Halles a ainsi inauguré en février dernier l’Atelier H. Conçu comme un loft et baigné de lumière naturelle, cet espace de 600 m² est découpé en studios, décorés selon une thématique « vintage » (le téléphone, les vinyles, la photographie…), à partir des collections personnelles du propriétaire. L’espace comprend une cuisine partagée en libre accès où le chef prépare des plats à la demande. « L’esprit du lieu et l’âme des studios impriment un souvenir positif chez les clients », constate Julia Dionisi, directrice du Novotel Les Halles. « La liberté d’organisation offerte, la flexibilité et le décloisonnement permettent une nouvelle temporalité et créent une rupture avec le temps de travail classique », poursuit-elle. Une approche similaire est développée par le groupe Marriott et son programme « Future of Meetings », expérimenté dans plusieurs entités du groupe. Les salles de réunion dites de « nouvelle génération » sont plus conviviales et modulables et mettent à disposition des espaces informels. Ce cadre de travail est accompagné d’une plateforme baptisée « Meeting Imagined » (www.meetingsimagined.com), compilant une suite d’outils pour concevoir des réunions personnalisées et interactives, en accord avec les objectifs des organisateurs.

L’idée consiste à libérer les usagers de ces espaces de leurs contraintes pour leur offrir une expérience de travail unique. Un service de concierge virtuel, le « Red Coat Direct », disponible depuis un smartphone ou une tablette, est ainsi proposé à la clientèle séminaires. « Via cette application, les clients peuvent interagir avec le concierge, sans se déplacer, pour effectuer diverses demandes (commande de café et autres boissons, réglage de la température…) », explique-t-on chez Marriott.

5 Après l’événement, entretenir le souvenir

« Si l’on est parvenu à éviter que le souvenir de l’événement porte sur la mauvaise organisation ou ce qui n’a pas eu lieu, il reste à s’assurer de l’acquisition du message ou du contenu », rappelle Serge Tapia. Pour évaluer l’impact d’un séminaire et le poursuivre, des outils existent : questionnaires, espaces de commentaires, diffusion de photos de l’événement. Les applications dédiées à l’interaction pendant l’événement incluent généralement dans leur offre la poursuite des échanges et l’accès aux conclusions. La plateforme de la start-up Wisembly s’appuie par exemple sur les données produites pendant l’événement pour rédiger un compte-rendu statistique de la réunion. L’application reste par ailleurs ouverte aux participants pour maintenir un espace de dialogue. « Le digital permet de susciter l’intérêt avant, de collaborer pendant et d’entretenir une communauté après », résume Sandrine Christon. Mais, pour faire revivre les moments forts et imprégner le message, le recours à une forme de « storytelling » peut compléter les outils technologiques. « Faire appel à une agence pour créer un concept, un fil rouge, est pertinent si le contenu à valoriser est fort », estime Serge Tapia. Leur accompagnement peut également porter sur la sélection des outils technologiques nécessaires à l’atteinte des objectifs de l’événement. « Les agences événementielles s’appuient sur les apports et possibilités des nouvelles technologies pour concevoir un récit cohérent auquel s’adosse le message », conclut Sandrine Christon.

Les Chiffres à retenir

42% des entreprises interrogées par Coach Omnium organisaient leurs événements et séminaires en interne en 2015, contre seulement

18% en 2005, et 56% n’y associaient que rarement des activités annexes à leur programme de travail, contre 24% en 2006. Dans un contexte économique contraint, la 25ème étude conjoncturelle sur le marché « MICE » (Meetings, Incentives, Conventions, Events), du cabinet de conseil Coach Omnium, fait ainsi état des évolutions des pratiques des entreprises en matière de tourisme d’affaires. Les manifestations tendent également à être de plus courte durée. En 2009, seules 24% des entreprises interrogées organisaient des demi-journées d’étude. Elles étaient 41% en 2016.

Elsa Bellanger

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