Veyrat : négocier dans un monde en rupture

Jean-Pierre Veyrat et Margaret Thatcher, inspiratrice de la fameuse méthode TINA. (Crédits : BSPK - Shutterstock).

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Jean-Pierre Veyrat, compagnon de route du GIGN et de grands groupes français, nous aide à décrypter l’actualité de la négociation. 

Au fond, à bien y regarder, l’existence n’est qu’une longue négociation. Tout n’est qu’affaire de compromis, de rapport de force, que celui-ci soit féroce ou plus civilisé. La vie en entreprise – notamment – n’est faite que de cela. Et la négociation s’apprend. Prétendre négocier sans avoir été formé au préalable revient à naviguer en eaux troubles.

Négocier, c’est le travail, l’œuvre de vie de Jean-Pierre Veyrat. Ce compagnon de route du GIGN et de grands groupes français comme Lancôme compte parmi la fine fleur des négociateurs. Le tout grâce à une double approche qui fait école.

L’observation dynamique : première qualité du négociateur

D’abord, celle du langage corporel (body speaking) qui lui permet de décrypter au mieux ses interlocuteurs, à la manière d’un scalpel ou même d’un rayon laser. Il dévoile certains de ses secrets dans Le Body speaking décrypté ou Atlas psychologique du visage, deux ouvrages publiés aux éditions NEGORISK, le cabinet de conseil dont il est le fondateur. Cela permet d’avoir toujours une longueur d’avance sur son adversaire ou son concurrent (comme on voudra dire). Pour faire comprendre sa méthode d’approche, il compare par exemple l’approche chiraquienne (spontanée, énergique, ferme) à la balladurienne (empruntée, regard détourné, main molle, etc).

Ensuite, peut-être surtout, Jean-Pierre Veyrat est le créateur d’une méthode qui a bouleversé l’art de bien négocier : TINA. TINA pour There is no alternative, la fameuse phrase prononcée par la catégorique Margaret Thatcher, dont Jean-Pierre Veyrat s’est beaucoup inspiré. En bref, Veyrat constate que notre époque n’est plus tellement au compromis dit « gagnant-gagnant ». Le gentlemen’s agreement bat de l’aile au profit du rapport de force viril et sentencieux…

Faire face à la « négociation captive »

Difficile de ne pas constater que de plus en plus souvent, nous nous retrouvons en situation dite de « négociation captive », où les deux parties sont forcées de négocier ensemble. Ou tout du moins, une partie se retrouve contrainte à négocier après le passage en force d’une autre. Une situation qui s’observe aussi bien dans un divorce, un licenciement ou une crise politique. Les méthodes de négociation seront semblables : il y aura entre le traitement de ces situations – pour aussi graduées qu’elles soient – une différence de degré et non de nature.

Rappelons les quatre grands axiomes de TINA :

T – Une tension qui s’instaure…

I – L’identification des champs et des acteurs de tension existants

N – La neutralisation des champs et des acteurs de tension existants

A – La marche vers l’accord

La méthode, pleinement définie dans l’ouvrage TINA – Un modèle de négociation en situation conflictuelle (NEGORISK), offre une clef de lecture pour négocier dans un monde qui change, un monde qui se durcit, un monde qui s’ensauvage. Comment se tirer d’une « négociation captive » ? D’abord, on veillera, dans le cadre d’une entreprise, à séparer le dirigeant du négociateur. En bref, nous confie Jean-Pierre Veyrat : « celui qui a l’argent ne négocie jamais directement ». Cela permet de jouer avec l’argument, fameux, du : « Il faut que je valide ça auprès de mon chef ». Utile manière de gagner du temps…

Notons aussi un capital-clef : celui des trois points de l’accord. En bref, il s’agit, lorsque vous menez une négociation, de se notifier à soi-même les trois points suivants.

Les trois points de l’accord

  • Le point annoncé : le prix que vous indiquez à votre interlocuteur en début de négociation.
  • Le point souhaité : le prix que vous souhaitez réellement atteindre. Il est important qu’il soit présent à votre esprit (évidemment sans le communiquer à votre interlocuteur, cela va sans dire).
  • Le point de rupture : le prix au-dessous duquel vous ne pourrez pas descendre. S’il vient à être dépassé lors de la négociation, libre à vous de mettre fin aux pourparlers.

Un exemple de « négociation captive » : la grande distribution face à Bercy

Notons aussi que la valeur d’une concession, c’est la résistance que vous allez faire montre avant de céder. En négociation, la sévérité implacable sera votre meilleur pare-feu. Pour illustrer cet exemple, terminons notre article avec cette pensée que Jean-Pierre Veyrat partageait très récemment sur le réseau social LinkedIn. Il y décryptait, avec son habituelle minutie, le numéro de dupes auquel se livrent  les fonctionnaires de Bercy et les professionnels de la grande-distribution, dans leur quête anti-inflation…

Jean-Pierre Veyrat explique : « Dans cette volonté de réduire l’inflation, deux écoles de pensée de négociation s’opposent plutôt que de se comprendre. À savoir, d’un côté les fonctionnaires diplomates de Bercy, tournés vers la recherche de signaux symboliques apaisants ; de l’autre les négociateurs rationalistes de la grande distribution et des industriels, complètement centrés sur les volumes de vente, les baisses de prix et les marges qui, semble-t-il, sont l’objectif central du problème actuel. Malheureusement, l’écart de niveau de compréhension de la situation des deux parties, associé à une certaine forme de mépris dans laquelle Bercy tient la grande distribution, entravent fortement l’obtention de résultats concrets et pérennes à un moment où les Français en ont tant besoin ». CQFD.

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