Débat : l’Europe face à une nouvelle crise ?

Le 9 juillet 2018, au ministère de l’Économie et des Finances, l’on a débattu des défis économiques auxquels l’Europe doit encore faire face…
Le 9 juillet 2018, au ministère de l’Économie et des Finances, l’on a débattu des défis économiques auxquels l’Europe doit encore faire face…

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2008, le monde entier « trinque ». En cause, la cupidité de traders américains enrichis par des prêts immobiliers consentis à des «  subprimes » incapables de rembourser leurs traites. Dix ans après les mesures prises pour préserver la zone euro du naufrage, des voix s’élèvent en Europe : et si la perspective d’une nouvelle crise était d’actualité ? Quelles réformes pourraient prémunir l’économie continentale d’un nouveau ?

Histoire ancienne ? Dès 2008, l’Union européenne frappée au cœur lance une contre-offensive, sauve ses banques pour préserver l’intégrité de la zone euro et améliorer la coordination des politiques économiques. Dix ans sont passés : un chômage toujours élevé, des disparités de croissance, d’investissement et de compétitivité entre les États membres demeurent. Pour le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, des réformes sont encore à mener pour assurer la stabilité de l’Union. « Il faut parachever la maison Europe, maintenant qu’il fait beau, et tant qu’il fait beau », a-t-il lancé façon météo lors de son discours sur l’état de l’Union en septembre 2017. Quels enseignements ont été tirés des événements de 2008 ? Et quelles réformes restent à mener ?

La crise, un révélateur des faiblesses européennes

Des consultations citoyennes sur l’Europe se déroulent actuellement dans les 27 États membres, avec le soutien de la Commission européenne. « L’Europe a été prise de cours par la crise de 2008, malgré de premiers signes dès 2006. Les premières réactions ont été des mesures d’urgence aux plans nationales, même si des discussions se tenaient à l’échelle européenne », analyse Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor au sein du ministère de l’Économie et des Finances français. Selon elle, alors que la crise des dettes souveraines traduit bien la deuxième phase de la crise, c’est « la croissance de l’endettement qui a plongé l’Europe dans le doute et a entraîné une dégradation des notations ». L’effet de contagion a révélé les liens entre secteur bancaire et modèle souverain, mais aussi les différences structurelles entre États membres. Donc les fragilités au sein de la zone euro.

Oui, renchérit Marco Buti, directeur général des Affaires économiques et financières de la Commission européenne : « En 2008, pris par surprise, on était sans boussole. On ajustait l’avion pendant le vol. On a découvert le déficit. Les efforts se sont portés là-dessus. Mais l’origine de la crise n’était pas complètement budgétaire et date d’avant 2008. Une croissance importante et une inflation basse ne nous ont pas permis de percevoir les réformes nécessaires pour les périodes plus difficiles. » Thomas Westphal, directeur général Europe du ministère fédéral des Finances de l’Allemagne, estime, lui, qu’il s’agit « aussi d’une crise de confiance à tous les degrés, jusqu’aux citoyens. Or, sans confiance, la solidarité est difficile ».

Des mesures urgentes…

Reste que l’Union européenne a mené des réformes fondamentales dans la suite de la tempête. La première mesure, en 2010, fut la création du Fonds européen de stabilité financière (FESF), dont la capacité de prêt de 440 milliards d’euros sera complétée par le Mécanisme européen de stabilité financière (qui octroie jusqu’à 60 milliards d’euros). En 2012, le second volet de mesures a porté sur la gouvernance économique. « La réforme du pacte de stabilité a renforcé les règles budgétaires comme le respect des 3 % de déficit et l’équilibre des dépenses publiques », juge Odile Renaud-Basso. L’attention s’est aussi portée sur les déséquilibres macro-économiques, les différences de compétitivité sont apparues comme une source de fragilité de la zone. En 2012 toujours, un troisième volet a conduit à la supervision des banques européennes à l’aide d’un mécanisme de mutualisation des risques bancaires. « Il s’agit d’un processus long et toujours en cours, comme c’est le cas de la garantie européenne des dépôts », dixit la directrice générale du Trésor.

La confiance a semblé peu à peu revenir. « Certains éléments doivent encore être renforcés mais on retrouve la confiance perdue. On va dans la bonne direction. La conviction que l’Europe est la solution est de plus en plus répandue », estime l’optimiste Thomas Westphal, fort d’un eurobaromètre qui ne témoigne pas d’un refus de l’Europe. La solution de Riccardo Barbieri Hermitte, directeur général du Département du Trésor, ministère de l’Économie et des Finances d’Italie, tient à « la philosophie générale [que] doit être la promotion de la convergence ». Son constat : « Sur le Brexit, l’Union européenne parvient à avancer soudée. » D’où la perspective d’Odile Renaud-Basso qui souhaite qu’un budget européen soit mis en place : « La convergence a de quoi combler les écarts de compétitivité, mais aussi d’investissement dans la recherche et l’innovation. » « Le prochain budget européen doit fixer de nouvelles priorités et un horizon pluriannuel plus ambitieux avec une approche commune », confirme Marco Buti. Lequel envisage la mise en œuvre de « biens publics européens ».

… et des efforts attendus

Mais pour l’heure, l’Europe « n’est pas encore prête pour la prochaine crise ». L’avertissement de Riccardo Barbieri Hermitte sonne comme une mise en garde : « L’union bancaire doit encore être complétée. Un instrument de stabilisation doit être mis en place pour répondre aux chocs, comme le suggèrent les propositions franco-allemandes de co-investissement. Il faut aussi favoriser les réformes structurelles au plan national pendant que les choses vont bien et le faire de façon transparente. » L’Allemand Thomas Westphal joue les placides : « Aujourd’hui, pour la première fois, le débat budgétaire parle de politique avec des discussions sur les biens publics européens et les frontières, par exemple. La possibilité d’augmenter le budget européen en réduisant les budgets nationaux est mise sur la table. »

Pour autant, les quatorze économistes allemands et français, dont Jean Pisani Ferry et Agnès Bénassy-Quéré, dressent un bilan plus nuancé des avancées. Ils appelaient, dans un rapport publié en janvier 2018, à concilier des principes qui divisent régulièrement les pays au sein de la zone euro, la solidarité et la discipline de marché. Dans une tribune qu’ils ont signée le 17 juillet dans Le Monde, ils estiment que le sommet de la zone euro du 29 juin aura été une « étape importante », capable de lever certains « tabous », mais les réformes promises attendent leur finalisation. « Beaucoup d’efforts ont été réalisés, mais l’union bancaire doit être complétée et les règles budgétaires révisées », pilonne Agnès Bénassy-Quéré, l’économiste de l’École d’économie de Paris (université Paris-I), membre du Cercle des économistes.

Elsa Bellanger

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