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L’ancien Premier ministre s’inquiète pour la France dans les colonnes du Figaro. Entre regrets et espérance…
C’est devenu une habitude. Régulièrement, l’ancien Premier ministre sort de sa retraite et saisit sa plume, qu’il trempe dans une encre mêlée d’inquiétude, de remords et de patriotisme. Souvent, ses coups de tocsin sont réservés au Figaro.
Édouard Balladur nous alerte : fédéralisme européen qui menace, immigration dérégulée, abandon de la souveraineté nucléaire… Celui qui fut un temps « l’homme du système » semble renouer, au soir de sa vie, avec le gaullisme des origines.
Il fut le secrétaire général de l’Élysée sous Georges Pompidou, au temps où la France était grande, respectée, peut-être même crainte. Balladur fut aussi ministre de l’Économie, des Finances et des Privatisations de Jacques Chirac, sous la première cohabitation (1986). Il s’agissait alors de réparer les pots cassés par la politique socialo-communiste menée entre 1981 et 1983, avant l’inflexion mitterrandienne, qui accepta ensuite d’en finir avec ces chimères, se rabattant sur une sociale-démocrate certes moins vénéneuse mais tout de même préjudiciable.
Entre gaullisme et européisme
Balladur fut longtemps un Pasqua à l’envers, qui murmura à l’oreille de Chirac les dogmes européistes alors en vogue, tentant d’émanciper le capitaine du RPR des vérités gaulliennes. N’est-ce pas lui qui en 1992 parvint à convaincre Chirac d’embrasser la cause du « Oui » au référendum de Maastricht, arguant qu’en France, « on ne pouvait pas être élu à l’Élysée si l’on n’est pas pro-européen ? ». Henri IV avait renié sa foi protestante pour entrer à Paris, Chirac jeta par-dessus bord la souveraineté nationale pour accéder à l’Élysée. Battant au passage ledit Édouard Balladur, pourtant grandissime favori de l’élection présidentielle de 1995.
En 1993, lorsque la seconde cohabitation porte la droite au pouvoir, Balladur devient Premier ministre. Chaque semaine, il fait face à un président Mitterrand en fin de vie. Les deux hommes se reniflent, s’apprécient d’abord – ils ont la culture classique en partage. Puis Mitterrand, agacé par ce Premier ministre opposé à lui qui « jouait au président », finit par le détester, faisant même tout pour faire élire son ancien « ami de trente ans », Jacques Chirac.
Un homme à l’élégance rare
Celui qui restera dans l’histoire de la République pour son fameux « Je vous demande de vous arrêter », prononcé au soir de sa défaite, ne sera jamais parvenu à instaurer un vrai dialogue avec les Français. Là où Chirac serrait la main (des paysans) et tâtait le cul (des vaches), Balladur semblait sans cesse guindé dans ses attitudes de grand-bourgeois. Les Français sont jaloux et n’aiment pas l’argent (sauf quand il s’agit du leur) … Les Guignols, toujours au trente-sixième dessous, raillèrent beaucoup cet homme qui mettait du souci à s’exprimer dans une langue convenable, certes châtiée, mais très agréable.
Proche de Nicolas Sarkozy dont il lança la carrière, Balladur ne parvint jamais à revenir au premier plan après sa défaite à la présidentielle, en 1995. D’abord parce que sa campagne fut minée par les affaires, celle de Karachi n’a d’ailleurs pas encore révélé tous ses secrets. Voulait-il vraiment être président ? Sans doute, mais comme Jacques Delors à gauche, les campagnes présidentielles l’embêtaient beaucoup. Du pouvoir, il voulait l’exercice sans la conquête. Assez fâcheux.
Les perles de la politique
Balladur, point commun entre Chazal et Zemmour · Qui se souvient qu’Éric Zemmour débuta sa carrière en écrivant chez Grasset une biographie de cet ancien Premier ministre, alors en pleine lumière ? Elle s’appelait Édouard Balladur, immobile à grands pas*. Son ancienne consœur du Quotidien de Paris, Claire Chazal, fit d’ailleurs de même chez Flammarion, avec son étonnant Balladur. Chaleureux et séducteur, ce personnage proustien savait se mettre les journalistes dans la poche, expert des phénomènes de cour…
* Un titre tiré du poème Cimetière Marin, de Paul Valéry :
Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Élée !
M’as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas !
Le son m’enfante et la flèche me tue !
Ah ! le soleil… Quelle ombre de tortue
Pour l’âme, Achille immobile à grands pas !