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« Demandez le programme »
Drôle de paradoxe. Alors que la grande majorité des Français se déclarent inquiets pour leur retraite, toutes les études montrent qu’ils sont insuffisamment préparés à la chute inéluctable de leurs revenus à l’heure de passer ce cap fatidique. Pourtant des solutions d’épargne existent : Perp, contrat Madelin, assurance-vie, immobilier, épargne collective. Toutes ont des avantages et quelques inconvénients, à l’épargnant de choisir la formule la plus adaptée à sa situation.
En mars dernier, Valérie Plagnol, présidente du Cercle des Epargnants, et Brice Teinturier, de l’institut Ipsos, ont présenté les résultats de la 16e édition du baromètre « Les Français, l’épargne et la retraite ». Son titre est éloquent : « Les Français toujours plus inquiets face à la retraite ». Le baromètre révèle en effet que plus de sept Français sur dix se disent inquiets pour leur propre retraite, dont 83 % des actifs qui craignent de manquer d’argent. En effet, seuls 25 % des actifs estiment qu’ils disposeront de ressources financières suffisantes à la retraite. L’inquiétude grandit notablement auprès des retraités. Pourtant, ils sont encore peu nombreux à préparer leur retraite, puisque seule la moitié des actifs épargnent en vue de leur retraite et 27 % en ont parlé avec un professionnel. L’étude souligne qu’un retraité sur cinq a maintenu une activité professionnelle rémunérée après avoir réuni les conditions de départ à la retraite, principalement pour compléter son revenu. Quelques jours plus tard, une autre enquête menée par le Cercle de l’Epargne et Amphitea a dressé les mêmes conclusions. Très clairement, les Français sous-estiment donc le problème des retraites. Selon l’Insee, vingt ans auparavant, on comptait trois actifs pour un retraité, aujourd’hui, deux actifs pour un retraité et dans vingt ans, les prévisions montrent un actif pour un retraité. Penser que dans trente ans, notre retraite sera assurée uniquement par un système par répartition est donc un leurre. Certaines décisions nous seront imposées (âge légal de départ en retraite), mais il faudra agir individuellement. En diversifiant nos sources de revenu (épargne salariale, épargne retraite d’entreprise, épargne retraite individuelle, investissement immobilier), nous éviterons les mauvaises surprises (baisse significative des revenus) liées à la dégradation des régimes publics de retraite.
Le Perp, d’abord un outi de défiscalisation
Pour compléter nos futures retraites, plusieurs produits d’épargne ont été créés au fil des ans. Qu’ils s’appellent Plan d’épargne-retraite populaire (Perp) ou contrat Madelin (pour les non-salariés), tous ont la même particularité : l’épargne est bloquée jusqu’au départ à la retraite (sauf en cas d’accidents graves de la vie). Et ils ne peuvent se dénouer que sous forme de rente viagère : c’est-à-dire d’un revenu versé à vie (à l’exception d’une sortie en capital à hauteur de 20 % maximum dans certains Perp). Il ne s’agit donc pas d’une épargne classique, mais d’un mécanisme de retraite complémentaire. Pour inciter les particuliers à y souscrire, ces placements sont dotés d’un avantage fiscal : les cotisations versées sont déductibles du revenu imposable.
La plupart des Perp et des contrats Madelin offrent un choix de gestion plus large, au travers de contrats «multisupports». On peut alors miser sur le fonds en euros garanti (les rendements variaient de 1,5 % à 2,5 % en 2017), ou panacher avec des supports adossés à des actions, des obligations, ou même de l’immobilier. Pour les épargnants désirant une gestion plus dynamique (et plus risquée), c’est une meilleure solution. Avec ces contrats, la rente servie dépend du montant atteint par le capital. « Avec 100 000 euros sur son Perp, un homme ou une femme de 65 ans obtient aujourd’hui environ 410 euros de rente par mois à vie (revalorisée dans le temps), hors frais et options diverses », indique Morgane Mathot, ingénieure patrimoniale à l’Institut du Patrimoine. Attractifs sur le papier, ces placements connaissent dans les faits des fortunes diverses. Tandis que le contrat Madelin est plébiscité par les travailleurs non-salariés (TNS), le Perp ne séduit guère. Selon le Cercle des Epargnants, seuls 12 % des Français considèrent le Perp comme le meilleur placement pour la retraite, loin derrière l’assurance-vie (45 %). Le motif le plus souvent évoqué de la part des épargnants pour ne pas souscrire un Perp est la rente. « Les Français sont fâchés avec la rente car elle est synonyme d’aliénation du capital », estime Morgane Mathot.
Pour autant, avec le plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros et l’augmentation du taux marginal, le régime de déduction fiscale des Perp devient de plus en plus attractif. « Le Perp est en réalité utilisé par les Français comme un outil de défiscalisation, indique l’ingénieure patrimoniale. Son système de déduction fiscale est d’autant plus intéressant que le taux marginal d’imposition est élevé », précise-t-elle. Ainsi, un ménage ayant versé 10 000 euros sur son Perp bénéficiera d’une économie d’impôt de 4 100 euros si son taux marginal d’imposition est de 41 % mais de seulement 1 400 euros si son taux est de 14 %. « Très clairement, le Perp est donc recommandé pour les foyers aux revenus les plus élevés, en tous cas ceux imposés à partir de 30 % », confirme Morgane Mathot. Un bémol cependant, les rentes versées à la sortie sont imposables. « Pour être gagnant, il faut être imposé à la retraite dans une tranche inférieure à celle dans laquelle vous étiez taxé pendant la vie active », prévient-elle.
Assurance-vie, la valeur sûre
Depuis sa création par la loi Fillon en 2003, le Perp n’a jamais réussi à séduire des Français très attachés à l’assurance-vie. Cette dernière conserve son pouvoir d’attractivité et demeure de loin le premier produit d’épargne avec un encours de 1 681 milliards d’euros à fin mars. Ainsi, selon l’enquête du Cercle des Epargnants, 51 % des sondés considèrent ce produit intéressant et ce ratio atteint 73 % pour les détenteurs d’assurance-vie. Cette dernière arrive toujours en deuxième position derrière l’immobilier parmi les placements jugés les plus intéressants. Pour 2018, la baisse, moins forte qu’attendue, des rendements des fonds en euros, joue en faveur du premier produit d’épargne français. Ce placement n’offre pas de carotte fiscale à l’entrée, mais ses atouts sont ailleurs. Côté souplesse, tout d’abord, la plupart des contrats peuvent être alimentés à votre gré, ce qui n’est pas, par exemple, le cas pour un contrat Madelin qui impose des versements réguliers. Même liberté à l’heure de récupérer l’argent, qui est toujours disponible. Il est ainsi possible de sortir son épargne en une seule fois, en étalant les retraits, ou en transformant le capital en rente viagère.
Ce placement présente un autre avantage : sa fiscalité. « L’assurance-vie échappe désormais à l’impôt sur la fortune, excepté pour les fonds immobiliers de type Société civile de placement immobilier (SCPI) ou Organisme de placement collectif en immobilier (OPCI) », souligne Sabine Jiskra, responsable de la gestion de fortune à l’Institut du Patrimoine. « Par ailleurs, la mise en place, cette année, de la fameuse flat tax est globalement positive pour environ 80 % des épargnants propriétaires d’un contrat d’assurance-vie », ajoute Patrick Janel, responsable de la gestion privée chez Equance. Ce placement reste enfin à privilégier dans une optique de transmission. Avec l’assurance-vie, les sommes transmises après un décès le sont en dehors des règles légales de succession. Ce placement reste donc un outil efficace pour donner plus à ses enfants, sans alourdir leurs droits, ou transmettre à un tiers (concubin notamment) qui paierait sinon 60 % de droits de donation. « Si dans un premier temps, les épargnants ont pu craindre que le projet de loi PACTE modifie le régime de l’assurance-vie, les dernières déclarations de Bruno Le Maire, soulignant que «le grand soir de l’assurance-vie n’est pas pour demain» peuvent rassurer les épargnants », analyse Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Épargne.
L’immobilier, valeur refuge mais aussi de rendement
Pour près des 2/deux tiers des Français (65 %), la possession de la résidence principale constitue la meilleure solution pour préparer sa retraite, révèle le Cercle de l’Epargne. Ce sentiment est largement partagé au sein de la population. C’est l’avis de 74 % des retraités (à noter que 75 % sont propriétaires de leur résidence principale). Au chapitre immobilier, Grégory Lecler, CGP et membre du réseau Fiducée Gestion Privée, va plus loin. Il prône en effet la mise en place d’une «caisse de retraite personnelle» basée sur la pierre. Le CGP recommande ainsi d’acquérir de l’immobilier locatif à crédit. « Dans la conjoncture actuelle de taux bas, même si on dispose de la surface financière pour investir, le recours au crédit s’avère financièrement intéressant, voire indispensable en raison de l’ampleur de l’effet de levier », explique le CGP. Il recommande d’opter pour l’impôt sur les sociétés. Ainsi, l’investisseur ne payera pas d’impôts, ou très peu, sur les revenus locatifs avec la fixation du taux minoré à 15 % jusqu’à 38 120 euros. « Au moment de la retraite, il sortira avec des conditions très favorables grâce à la flat tax à 30 %. Ainsi à rendement équivalent, l’investisseur conserve son patrimoine et continue de toucher ses revenus, ce qui est bien plus avantageux que le Perp où le capital est conservé par la banque », précise-t-il. Enfin, ce système est très pratique dans une optique de transmission. « On permet d’organiser la gestion d’un bien, de pouvoir en garder le contrôle alors même que l’on a donné la nue-propriété (vente…) à ses enfants, de moduler la quote-part transmise à chacun d’eux, etc. »
Les atouts de l’épargne collective
Les Français semblent se méfier des produits d’épargne collective. Ainsi, 58 % pensent que l’épargne individuelle doit être favorisée et développée contre 42 % qui penchent pour les produits d’épargne collective, indique le Cercle de l’Epargne. Cette proportion est encore plus nette en ce qui concerne les choix individuels, 68 % optent à titre personnel pour les produits individuels. Les moins de 35 ans sont les plus hostiles aux formules d’épargne collective (73 % privilégient à titre personnel l’épargne individuelle). Pourtant, si vous êtes salarié, votre employeur peut vous aider à vous constituer une cagnotte que vous toucherez à votre retraite, et ce à moindre frais. La plupart du temps, les frais sont réglés par votre employeur. Grâce au Plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco), les primes de participation, d’intéressement, abondement de l’employeur et versements volontaires, peuvent être épargnés à long terme. « Certes, l’argent est bloqué jusqu’à la cessation d’activité, mais il existe une possibilité de sortie anticipée lors de l’achat d’une résidence principale et quatre autres possibilités pour des cas de vie difficile. Le jour venu, le salarié peut choisir entre la rente viagère (partiellement imposable) ou le capital, retiré en une ou plusieurs fois. Le tout exonéré d’impôt », explique Philippe Gourion, directeur Epargne et Retraite du groupe Henner, courtier en assurance. Autre possibilité qui existe par l’intermédiaire de l’entreprise : le plan d’épargne retraite entreprise (Pere ou PER Entreprises), nouveau nom de «l’article 83» du Code général des impôts. Il s’apparente à l’assurance-vie, mais seule la sortie en rente viagère y est autorisée à ce jour. Les cotisations sont généralement calculées en fonction de ce que vous gagnez et ne rentrent pas dans la base imposable, sous certaines limites. « Plus souvent collégial à la différence du Perco, il bénéficie le plus souvent aux cadres, et est considéré comme un moyen de rémunération complémentaire », précise Philippe Gourion. Malheureusement, ces produits sont le plus souvent proposés dans des grandes entreprises, comme AXA, Total ou BNP Paribas et bien plus rarement aux salariés des PME.
Pierre-Jean Lepagnot