François Raynaud de Fitte et Briac Lescure : Popchef, la loi du gong

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«Gong ». Au dernier étage de l’immeuble de la rue Louis Blanc où la « Manufacture de chevraux pour chaussures » a gardé son enseigne, la petite musique qui signe une grosse vente déclenche les applaudissements du plateau de la trentaine de « popchefs ». Apparemment, tout le monde est sur le pont. Pourtant, personne ne s’inquièterait de l’absence d’un tel ou d’une telle, en vacances, en courses, en garde d’enfant ou chez le dentiste ! Celui qui n’est pas le patron, « Je ne suis pas un pater », dit-il, ne signe jamais aucune autorisation d’absence ou de congés, le/la salarié/e s’organise comme il/elle le pense utile. C’est l’une des « libertés » fondamentales de la boîte « recréée » à la fin de 2017 sur l’échec de la précédente. Même nom, mêmes associés, même concept commercial – la livraison de repas –, nouveaux salariés, mais tout a changé. Le rebond a exigé une année pour que Popchef retrouve son chiffre et sa taille de naguère, quand la start-up se croyait des ailes (de poulet)…

Premier Popchef : l’effet ciseau

L’histoire. Le jeune juriste, Sciences Po/HEC François Raynaud de Fitte, 29 ans aujourd’hui, passe son temps chez le capital-risqueur de renom Marc Simoncini, Jaïna Capital, à chercher les start-up prometteuses dans lesquelles son boss va investir. Il y rencontre Briac Lescure (oui, la famille du créateur de SEB) et tous deux aiguisent leur appétit à voir cette flopée de jeunes pousses concocter leur menu entrepreneurial. Il leur suffit de six mois d’audit pour vouloir eux aussi créer leur boîte. Ce sera Popchef, une plate-forme en ligne de commande d’un plat unique pour les particuliers sur leur lieu de travail, du b to c. Des foodtechs, ils en avaient vu passer depuis Deliveroo, rien ne leur semblait vraiment nouveau. « J’avais compris, raconte François de Fitte, que les grandes innovations ne sont pas si radicalement différentes dans leur approche. En revanche, beaucoup de ces concepts à succès revenaient à simplifier à l’extrême une formule éprouvée. » Simplifier Deliveroo ? Radicalement : un seul choix, un seul plat, à 9,90 euros. Mais un plat de chef, bon, élaboré à partir de produits frais. La carte convainc. Les commandes pleuvent. « En quelques mois, Popchef atteint la taille commerciale du restaurateur fournisseur unique. » Avec ses 40 salariés et ses quelque 10 000 plats à livrer par semaine, il faut démultiplier la sous-traitance qui concocte le plat unique. Popchef a été créé deux ans et demi plus tôt. Les deux associés ne voient pas venir le danger : la concurrence en ligne érode le prix unique quand les frais fixes de la boîte grimpent. C’est bêtement arithmétique : à un moment, on équilibre. L’instant d’après, on est en perte.

Le vote tombe : la plupart des salariés préfèrent partir et laisser sa chance au nouveau projet.

Stop ou encore ?

François de Fitte et Briac Lescure comptent sur leurs bailleurs de fonds toujours présents. Il existe 10 millions encore à lever. On s’acharne « avec le cash qui reste ». Un des compagnons de route de Popchef, chef d’entreprise qui avait connu la case casse-gueule, Gilles Queru, patron dans l’immobilier, pose la question, entêtée : et si la levée ne vient pas ? J’ai encore untel et untel prêts à venir. Et s’ils ne viennent pas ? Je peux appeler X. Et s’il décline ? Alors on licencie et… Soudain, la lumière. On ne peut racler les fonds de tiroir et rebondir sur un concept condamné. François et Briac réunissent tout le staff : stop ou encore ? Si on repart, ce sera avec 8 personnes, pas plus. Le vote tombe : la plupart des salariés préfèrent partir et laisser sa chance au nouveau projet (ils/elles sont tous/toutes en activité depuis). On garde le nom, mais on bascule vers le b to b : trois ou quatre formules de business lunchs, une cantine numérique (un corner dans les PME et start-up) à destination des entreprises et plus des particuliers. Pourquoi ? « Les entreprises comptaient pour 5 % du CA d’avant, mais pour 20 à 30 % de marge. » Les huit rescapés se muent en commerciaux. François de Fitte « audite » chaque euro dépensé. La boîte a retrouvé son étiage. « Gong ». Deux fois en 30 minutes. Les affaires reprennent…

Chacun est le patron de son chiffre

L’affiche sur une cloison proclame : Fuck mediocrity. Chez Popchef, les salariés, dûment briefés à leur arrivée, ne connaissent aucune hiérarchie. Ils/elles organisent leurs absences, disposent d’une carte société pour leurs dépenses pro, ne sont astreints à aucun dress code. Apparemment, la ruche est au complet. « Nous jouons la carte de la confiance absolue, sur un pied d’égalité. Quand vous faites confiance aux gens, ils se sentent engagés moralement. » À la façon des automobilistes des Pays-Bas qui n’ont plus de panneaux de limitation sur certains tronçons : ils lèvent le pied. La contrepartie : « On est intransigeant sur la responsabilité et les résultats, la volonté de performance. C’est le “réussir ou mourir” d’une équipe sportive. » Le lundi matin, tout le monde se réunit autour du metrics meeting. Et le gong commence à résonner…

Par Olivier Magnan

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