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Jean-Pierre Soisson fut le dernier « duc de Bourgogne », incarnant comme aucun autre cette région faite de foi, de travail et d’art-de-vivre.
L’emblématique maire d’Auxerre (1971-1998) et président du Conseil régional de Bourgogne appartenait à cette catégorie si spéciale et aujourd’hui disparue des grands barons locaux. Hommage à celui qui vient de nous quitter des suites d’un cancer.
Jean-Pierre Soisson n’aurait jamais sacrifié notre agriculture sur l’autel d’un modèle européen délirant. Il avait serré trop de fois la main des paysans de Puisaye pour cela. Il n’aurait jamais menacé d’un ton badin de déclarer la guerre à la Russie. L’élu éternel avait assisté à trop de cérémonies du 11 novembre pour oublier que le mot de guerre ne doit être évoqué qu’à mi-voix, la main tremblante. D’ailleurs, il avait fait son service militaire, et l’on peut sans doute regretter que le président de la République n’en ait pas fait autant.
Auxerre, son éternel combat
Jean-Pierre Soisson savait (à la différence de Bruno Le Maire) ce qu’est un hectare. S’il connaissait les préoccupations rurales sur le bout des doigts, cet érudit sympathique avait de l’Histoire de France une connaissance parfaite et s’exprimait en latin à l’envi. Là encore, on ne peut que regretter – en regard – le cruel manque de culture classique de la classe politique actuelle.
Cet énarque original fut, comme le souligne Jean-Pierre Raffarin, « le grand-frère des jeunes giscardiens ». Dès 1974, il entre au gouvernement et enchaîne les ministères. Universités, Formation professionnelle, Jeunesse, Sports… En parallèle, il réveille sa chère ville d’Auxerre, dont il était fou amoureux. Son ancien camarade de classe, Guy Roux, entraînera simultanément l’équipe de football locale vers les sommets. En parallèle de l’incroyable épopée de l’AJ Auxerre, Jean-Pierre Soisson poursuit son ascension politique.
Militant de l’union nationale
En 1988, il ose en devenant le premier « ministre d’ouverture » d’un gouvernement de la Ve République. Lui, l’homme de droite, entre au gouvernement de Michel Rocard en tant que ministre du Travail. Il sera unanimement apprécié par les syndicats, qui reconnaissent sa bonhomie et sa capacité d’écoute. En 1991, le voilà Ministre d’État chargé de la Fonction publique. En 1992, place à l’Agriculture, son plus beau combat.
Plus libre que jamais, en 1998, il ose encore innover. Et accepte les voix du Front National qui lui permettent de se faire réélire à la présidence du Conseil Régional de Bourgogne. Il brise le tabou ultime, lequel interdit à la droite de s’unir, ce que la gauche fait pourtant constamment. Loin des oukases et du mépris, il osait tendre la main à ce parti.
Passionné par l’histoire de la Bourgogne, Jean-Pierre Soisson publia de nombreux ouvrages quant aux personnalités éminentes de la région, de Charles le Téméraire à Marguerite, princesse de Bourgogne en passant par Saint Germain d’Auxerre.
Disciple d’Edgar Faure, il croyait à l’idée d’union nationale, trop oubliée de nos jours. Là où les gouvernants d’aujourd’hui observent les électeurs du haut d’un promontoire, craignant les réactions populaires, Jean-Pierre Soisson regardait ses concitoyens droits dans les yeux. Que cet homme authentique, audacieux et dévoué au bien commun repose en paix.
Les perles de la politique
Les héritiers de Soisson · « Jean-Pierre Soisson vient de nous quitter. Politique habile, orateur merveilleux, amoureux de l’histoire de la belle Bourgogne, il fut hors du commun. Au terme de sa longue carrière, il n’avait pas hésité à nous soutenir pour les régionales de 2021. Pensées sincères pour lui… », indique sur X Gilles Platret, maire LR de Châlon-sur-Saône (Saône-et-Loire). « Fin gourmet, fin lettré, ainsi était Jean-Pierre Soisson. Ami de la Bourgogne dont il était le chantre insatiable, il avait intitulé ses mémoires politiques « Hors des sentiers battus », où il n’éludait rien de ses choix. Adieu, Jean-Pierre et que te soient doux les chablis du paradis ! », renchérit Alain Houpert, sénateur LR de la Côte-d’Or.