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Chez LDLC, la semaine raccourcie sera mise en place dès 2021.
Travailler moins pour gagner plus ? Non, travailler autrement. Après l’essor du télétravail, nouveau guide de survie pour tous.toutes salarié.es des temps modernes, la semaine de quatre jours refait surface. Oui refait, car depuis 1999 et l’ouvrage de Pierre Larrouturou, partisan du partage du temps de travail, intitulé Pour la semaine de quatre jours, rien de concret à se mettre sous la dent. Pour combien de temps ? Car les initiatives foisonnent : en Nouvelle-Zélande, en Suède, en Allemagne et même en France par l’intermédiaire de LDLC, une société informatique de commerce en ligne qui a sauté le pas. Précurseuse ?
Bien loin, le programme du Front populaire et ses 40 heures de labeur par semaine. Entre-temps, la réforme des 35 heures décidée par le gouvernement Jospin est passée par là. Et elle pourrait prochainement battre de l’aile. D’abord sous la houlette de pansements temporaires. La faute au Sars-CoV-2. En Nouvelle-Zélande, la Première ministre Jacinda Ardern a émis l’idée d’une semaine de quatre jours, synonyme de week-end prolongé, essentiel pour (re) stimuler le tourisme, touché de plein fouet par la crise. Même son de cloche en Allemagne où le premier syndicat IG Metall voit d’un bon œil la suppression d’un jour de travail hebdomadaire, perçue comme un moyen de « conserver les emplois industriels au lieu de les supprimer », a fait savoir Joerg Hofman, leader d’IG Metall. Dans l’hexagone, c’est du côté de Laurent de la Clergerie, patron de LDLC, que la sacro-sainte semaine à cinq jours vient d’être démystifiée. Une décision inspirée de Microsoft, une des pionnières en la matière, via notamment sa filiale japonaise.
La semaine de quatre jours, bénéfique pour le tandem productivité-emploi ?
Le fameux métro-boulot-dodo. Arriver au travail usé.e devrait se faire plus rare si les Français.es bénéficient d’un jour de repos en semaine. À en croire une étude menée en 2019 par ADP, société spécialisée dans la gestion ressources humaines et paie, plus de la moitié de nos concitoyen.nes souhaiteraient basculer vers une semaine de quatre jours. Significatif certes, derrière les Espagnol.es tout de même (63 %). Dans les locaux de LDLC, « 90 % d’entre eux.elles ont accepté sans problème », constate Laurent de la Clergerie. Un facteur supplémentaire de bien-être qui permettrait aux employé.es de se ressourcer et ainsi se concentrer sur l’essentiel pendant les jours travaillés. A fortiori être plus productif.ives. Pour le président de LDLC, pas question de renoncer aux hausses de salaires, convaincu que ses salarié.es parviendront – globalement – aux mêmes résultats en 32 heures, soit huit heures par jour. Exit les réunions inutiles et la tendance à la procrastination. Se pose ensuite la question des heures supplémentaires. Au-delà de la 32e, « tout surplus sera comptabilisé comme une heure supplémentaire pour le.la salarié.e », affirme Laurent de la Clergerie, mais les salarié.es bénéficieront des heures supplémentaires défiscalisées uniquement à partir du seuil de 35 heures comme le réclame le cadre légal.
Côté embauches, elles pourraient repartir à la hausse en réduisant le temps de travail. Notamment pour les postes qui demandent une présence constante : « Pour les postes manuels, il faudra que je compense, idem pour la relation client, donc il y aura effectivement des embauches, on table sur + 4 %. A contrario, les postes de cadres ne seront pas concernés. »
Difficilement applicable partout
Une petite révolution. Qui ne pourra se faire sans dommages collatéraux. Le travail joue le rôle d’intégrateur social par excellence, dixit Robert Castel, sociologue français spécialiste de la désaffiliation. Supprimer un jour par semaine menace les relations sociales au sein d’une entreprise. Un constat partagé par Laurent de la Clergerie : « Pour certain.es – une minorité –, l’entreprise constitue un lieu de vie, donc je leur enlève un jour de sociabilité, peut-être que je ferai des exceptions. Car oui, celles et ceux qui ont besoin du côté relationnel au travail pour vivre, comment vont-ils.elles réagir ? », s’inquiète le fondateur de LDLC.
Pourra-t-on vraiment tout boucler en quatre jours par semaine ? La question préoccupe nombre de managers, « eux.elles travaillent déjà en temps normal largement plus, donc s’ils.elles peinent à tout accomplir en 35 heures, en 32… », souligne Laurent de la Clergerie. En outre, toutes les entreprises ne peuvent envisager telle mesure tant les coûts de réorganisation s’avèrent lourds : « Un million d’euros pour LDLC », dont l’activité n’a pas été bousculée par la crise sanitaire. Bien au contraire. Sinon, « en cas de difficultés liées au contexte sanitaire, j’aurais reporté ma décision sans y renoncer », concède l’ancien diplômé de l’École supérieure de chimie-physique-électronique. Et si l’avenir de l’entreprise se résumait à travailler quatre jours par semaine… le tout en télétravail ? Clergerie : « Les deux se révèlent compatibles. »
Geoffrey Wetzel