Temps de lecture estimé : 5 minutes
1 – Dans le monde du covoiturage, BlaBlaCar fait cavalier seul…
« Être un champion local, avoir un succès national n’a jamais eu d’intérêt pour nous. Depuis le début, nous voulons être un acteur global », n’a cessé de marteler Nicolas Brusson, l’un des co-pilotes de BlaBlaCar avec Frédéric Mazzella et Francis Nappez. Sur la grille de départ, la volonté de proposer à des millions de Français·es de partager leurs trajets, qu’ils soient quotidiens ou occasionnels. Depuis, Covoiturage.fr est devenu BlaBlaCar en 2013, l’une des licornes bleu blanc rouge les plus populaires et qui n’a pas manqué de se faire un nom à l’international, présente dans 22 pays… pour plus de 70 millions de membres au compteur. Après avoir enchaîné les levées de fonds, le leader du marché mondial du covoit longue distance se retrouve valorisé à 1,6 milliard d’euros. A priori adepte de la théorie de Markowitz, BlaBlaCar a compris l’intérêt de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. D’où BlaBlaLines, BlaBlaBus et même BlaBlaRide lancé en mai 2020, en lien avec l’entreprise suédoise Voi pour s’initier au marché des trottinettes électriques. Un réservoir d’ambition.
Valorisation : + de 1,3 milliard d’euros
2 – Dataiku, un géant de la donnée prédictive
Avec son nom à la nippone (données + haïku, les petits poèmes structurés à partir d’idées libres), Dataiku cache une bien belle boîte d’origine française, spécialiste de la science de la donnée, autrement dit le marché stratégique des méthodes prédictives à partir des big data. Même si ses créateurs l’ont installée à New York en 2015, ses bureaux maillent le monde de Paris à Londres, en passant par Singapour, Sydney, Francfort. À l’origine, en 2013, ils sont quatre à partir de leurs fonds propres pour connaître l’étape de l’incubation : Florian Douetteau, le PDG actuel, Clément Stenac, rejoints par Thomas Cabrol et Marc Batty. Au fil des courtes années, les fonds se ruent pour la « licorniser ». Le Dataiku Data Science Studio, le produit logiciel phare de la société, se classe parmi les strong performers des évaluateurs américains.
Valorisation : + de 1,1 milliard d’euros (décembre 2019), avant une nouvelle levée en 2020 à hauteur de 85 millions d’euros pour financer le développement du machine learning.
3 – Kyriba, à la conquête de l’Ouest…
Sa naissance remonte au début des années 2000. Kyriba, c’est cette start-up experte de la gestion de trésorerie dans le cloud. Et petit à petit l’oiseau… En 2010, bien ancrée sur le territoire national, la licorne décide de planter des bureaux à New York avec le marché américain en ligne de mire. Grâce à son logiciel accessible dans le cloud – SaaS pour les intimes –, les entreprises qu’elle accompagne ont une meilleure visibilité de leur trésorerie. Parmi les clients convaincus : Amazon, LVMH, Sodexo, Expedia. Bref, Kyriba a séduit la moitié du SBF120. Aujourd’hui, la start-up emploie presque 800 personnes. Autre coup de poker en 2019 : le rachat de FireApps, spécialiste de la gestion des risques de change, « le marché des changes va beaucoup évoluer compte tenu du contexte géopolitique avec la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, et le Brexit. Les entreprises maîtrisent mal ce risque », anticipait Jean-Luc Robert, le CEO. Toujours une longueur d’avance.
Valorisation : près d’1 milliard d’euros (août 2020)
4 – Hébergement, accès Internet, télécoms, réseaux de fibre : OVHcloud, le pionnier
En 1999, le jeune Oles Van Herman cache sous son pseudo d’étudiant l’état-civil d’Octave Klaba. Il est en 3e année à l’Icam, école d’ingénieurs de Lille. OVH a trouvé ses initiales dont on tirera plus tard le sigle réinventé « On vous héberge » ! Quoi ? Des serveurs. OVH est aussi fournisseur d’accès Internet, puis opérateur de télécommunications pour les entreprises. Depuis les années 2010, la licorne perce les nuages du cloud et ajoute le mot anglais à son appellation. À l’image des grands câbleurs, la firme a déployé son propre réseau de fibre optique à travers le monde. OVHcloud gère désormais l’un des plus grands parcs mondiaux de serveurs. Avant de lever des montagnes d’argent, Klaba avait commencé tout doucettement en louant sept petites baies… Ce passionné de technologie est même, un temps, redevenu « simple » directeur technique avant de reprendre les rênes. En 2020, son alliance avec Google fait parler dans les chaumières, en plein débat sur la souveraineté numérique !
Valorisation : près d’1 milliard d’euros (juin 2019)
5 – Doctolib, la licorne qui dépoussière le monde médical
Vous la connaissez forcément, la plate-forme Doctolib, spécialisée dans la prise de rendez-vous médicaux sur Internet, qui vous relance la veille de votre rendez-vous. Elle est parvenue à s’imposer dans le cercle très fermé des licornes françaises. Une création en 2013, une sixième levée de fonds en 2019 de quelque 100 millions d’euros. Résultat, Doctolib dépasse le milliard d’euros de valorisation. Une ascension à vitesse grand V, presque sans surprise : « J’ai six mois d’avance sur mon business plan », confiait à l’époque Stanislas Niox-Château, un fou de tennis et ancien d’HEC. Aujourd’hui, Doctolib enregistre 65 000 praticien·nes réparti·es dans 1 300 établissements de santé et emploie environ 1 500 personnes ! Le pompon, c’est que la crise covid a rendu la start-up encore plus incontournable grâce au boom de la téléconsultation… Une hégémonie grandissante.
Valorisation : environ 900 millions d’euros (juin 2015)
6 – Meero, l’Uber de la photo
Ne dites pas ça à Thomas Rebaud et Guillaume Lestrade, ses créateurs, ils vous diront qu’ils n’ubérisent rien du tout s’il s’agit des prix reversés à leurs adhérents. Pourtant, quand ils créent la start-up en 2014, ils entendent bien rompre dans le monde de la photo par cette place de marché de sous-traitance photographique : les photographes, tels des livreurs, restent des indépendants, mais leurs images sont diffusées aux tarifs de Meero. Il n’empêche que la plate-forme qui a très vite alimenté des centaines de pays et des milliers d’entreprises consommatrices d’images (photos et vidéos) fournit, à travers une fondation, des outils précieux (comptabilité, CRM, marketing) aux photographes. Quand, en juin 2019, la clairvoyante Meero lève 205 millions d’euros, elle claironne son intention de bâtir une communauté « disruptive » pour ses quelque 58 000 photographes inscrits. Il est vrai que la retouche automatique qui, à son tour, suscite la critique, est pilotée par une intelligence artificielle. Mais que la licorne suscite la critique en niant le caractère d’œuvre aux photos qu’elle diffuse ne l’empêche pas de prospérer. Se bureaux se multiplient, de New York à Singapour, de Sao Paulo à Tokyo et Sydney…
Valorisation : environ 900 millions d’euros (mars 2019)
7 – Contentsquare, pas une minute à perdre
Une naissance en 2012, entre 100 et 150 % de croissance entre 2015 et 2018, un chiffre d’affaires qui bondit de 200 % en 2019, une levée de fonds à 190 millions d’euros la même année, Contentsquare n’a rien contre les sensations fortes. La licorne spécialiste de l’analytics, via une plate-forme, donne aux entreprises le moyen de comprendre la façon dont les utilisateur·rices interagissent et fait de l’innovation une obsession. Et pour y parvenir, elle multiplie les acquisitions comme Dareboost, la pépite bretonne réputée pour son outil de mesure des performances de pages Web. Ou Adapte Mon Web qui facilite l’accès à Internet aux personnes malvoyantes, ou handicapées auditives ou cognitives. La liste n’a rien d’exhaustif. Grandir encore et encore : Contentsquare emploie près de 800 personnes et dispose de bureaux aux quatre coins du monde : New York, Munich, Londres, Tel Aviv ou Singapour. Coup de chapeau à Jonathan Cherki, son fondateur.
Valorisation : environ 900 millions d’euros (juin 2019) levée de 205 millions d’euros en 2019, la société est entrée au Next40.
8 – Elle a mis près de 20 ans pour se reSaaSer : Ivalua
En 2000, David Khuat-Duy ne parlait pas encore forcément le SaaS couramment, mais il en sentit le potentiel dès son apparition en 2001. Ce Software as a Service, que l’on rend opportunément par Logiciel en tant que service consiste en moyens, services et savoir-faire qui « externalisent » tout ou partie du système d’information des entreprises (messagerie, sécurité…). Dès lors, on n’investit pas dans un SaaS, on en fait un coût de fonctionnement. Ivalua commercialise un contrat de services de gestion des achats en SaaS. En s’assurant la clientèle de grands comptes tels Michelin, Valeo, EDF ou encore Honeywell, la licorne se mesure désormais aux géants SAP, Oracle ou Ariba. Ivalua est une plate-forme de gestion du sourcing des fournisseurs, de gestion des appels d’offres et des contrats d’approvisionnement. Après une levée de 60 millions de dollars, la licorne française a convaincu le fonds américain Tiger Global de miser sur elle.
Valorisation : environ 900 millions d’euros (mai 2020), dernière levée (2020), 174 millions d’euros.
9 – Voodoo, la plus gameuse des licornes françaises…
Discrète, Voodoo l’est de moins en moins. Reine du gaming, la licorne tricolore fondée en 2013 par Alexandre Yazdi et Laurent Ritter ne peut plus se cacher : en 2018, la start-up signe une levée de fonds époustouflante de 172 millions d’euros auprès – entre autres – de Goldman Sachs ! Plus récemment, elle parvient à faire entrer dans son capital le fonds du chinois Tencent… Voodoo se retrouve donc valorisée à 1,2 milliard d’euros ! Connue pour l’édition de jeux vidéo sur smartphone, la licorne mise sur l’« hyper casual gaming », soit proposer des jeux gratuits, accessibles au plus grand nombre et au design sobre. Ses revenus ? Voodoo les tire de la publicité et elle a de quoi attirer, en témoignent ses 3,7 milliards de téléchargements dans le monde accumulés depuis sa création. « Good Game » prononceraient les geeks… et ça reste un euphémisme.
Valorisation : + de 800 millions d’euros (mai 2019)
10 – Mirakl, c’en est un
Notre 10e licorne s’épanouit, elle aussi, dans l’industrie du logiciel en mode SaaS. Mais elle fait mieux : elle est le leader mondial des places de marché du commerce électronique en b to b. Son vecteur phare : Mirakl Marketplace Platform, développé depuis 2012. Les débuts sont modestes : quand, en 2005, Philippe Corrot et Adrien Nussenbaum lancent Splitgames, un site de vente en ligne en place de marché, ils veulent vendre et échanger des jeux vidéo. Ça devient un peu plus costaud quand ils sont achetés en 2008 par la Fnac. Qui a la bonne idée de les conserver à la tête de sa marketplace que Philippe et Adrien développent hardiment trois ans durant. Les deux compères comprennent alors qu’ils ont de quoi tenter le Mirakl en 2011. Ils deviennent fournisseurs de places de marché et facturent un pourcentage du CA réalisé à travers leurs solutions. Bingo ! Quatre ans plus tard, ils sont crédités de 55 clients dans 11 pays, aujourd’hui 250 dans 40 contrées, avec des bureaux, outre Paris, à Londres, Boston, Singapour et en Australie. Mais c’est en 2019 qu’ils imaginent Mirakl Connect, une plate-forme de mise en relation de l’écosystème des places de marché.
Mirakl aura recruté 300 personnes en 2020, prévoit 300 ingénieurs en France entre 2021 et 2023 parmi les 1 000 recrutements planifiés dans le même temps. Elle a procédé à une nouvelle levée de fonds en 2020 de 255 millions d’euros et… décroché une pluie de contrats.
Valorisation : + 1,2 milliard d’euros (septembre 2020)
D’autres bébés licornes françaises sont en passe d’entrer dans le cénacle des firmes mondialisées : ManoMano, Ynsect, Openclassrooms, Vestiaire Collective, Backmarket, Talentsoft, Shiftechnology, Ledger, Sigfox.
Geoffrey Wetzel et Olivier Magnan
Au Sommaire du dossier
1. Les licornes tricolores valorisées à plus de 850 millions d’euros se multiplient !
3. Recruter des talents, la France réinvente
4. Régions & territoires : les incroyables pépites des régions