Investir dans l’enseignement supérieur reste une valeur sûre

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Julien Soreau

Julien Soreau est directeur de la vie étudiante à l’EM Normandie et membre actif de la commission Diversité de la CGE (Conférence des Grandes Écoles).

TRIBUNE. L’enseignement supérieur ne doit pas représenter une dépense mais un investissement dans une économie basée désormais sur la connaissance. Plus d’étudiants avec plus de moyens, c’est la garantie d’une société résiliente face aux nouvelles technologies et aux crises qui se succèdent.

Face à une situation économique tendue, due essentiellement à l’augmentation du coût de la vie, les étudiants sont en première ligne et nombre d’entre eux en pâtissent.

La dernière enquête de l’Union Nationale des Étudiants de France (UNEF) traduit une augmentation du coût de la vie étudiante de 2,25 % en 2024. Une augmentation plus faible que l’année passée, marquée déjà par une hausse inédite de 6,5 %. En sept ans, un tiers des postes de dépense des étudiants a augmenté de plus de 25%, notamment les frais d’alimentation, de produits de santé, d’hygiène et d’entretien, d’inscription dans les établissements et de matériel pédagogique ou encore de logement, ce qui a entraîné une baisse sensible du pouvoir d’achat.

Des aides encore trop faibles

Face à un problème de société et une précarité grandissante, les établissements d’enseignement supérieur ne restent pas sans réaction. La crise covid a permis de découvrir la capacité des établissements à faire preuve de solidarité avec les plus faibles. Dans les grandes écoles par exemple, la mobilisation a été forte et les initiatives prises par les directions, les fondations et les associations de diplômés ont été édifiantes et se chiffrent aujourd’hui en millions d’euros.

Certes, tous les étudiants ne sont pas dans les filières sélectives et le gros des troupes se trouve à l’Université. C’est évidemment là que se situe l’enjeu pour notre société.

Face à la massification des études supérieures, le système a eu du mal à digérer l’afflux de jeunes bacheliers. Même si des investissements importants ont été consentis, ils l’ont souvent été en décalage. Résultat : près d’un tiers des étudiants n’a pas assez d’argent pour couvrir ses besoins, selon une étude publiée début 2024 par l’Observatoire national de la Vie Étudiante (OVE). Un sujet préoccupant où l’on retrouve principalement deux populations en situation de faiblesse : les étudiants étrangers et les jeunes femmes. Ceux qui ne vivent pas chez leurs parents sont plus vulnérables que les autres tout comme les étudiants boursiers ou ceux qui exercent une activité rémunérée.

Il n’existe malheureusement pas de solutions magiques pour régler tous les problèmes à la fois. La courbe démographique qui indique qu’il y aura moins d’étudiants à l’avenir et donc moins de tensions… permettra peut-être d’allouer plus de moyens.

Les efforts doivent porter essentiellement sur le logement, les bourses et la restauration. Un triptyque bien identifié auquel pourrait s’ajouter le transport gratuit. Car même si les aides publiques adressent prioritairement les étudiants les plus précaires, elles sont encore insuffisantes. Les boursiers sont en effet 23 % à être précaires, contre 18 % de la population étudiante.

Le Groupe Ouverture Sociale de la CGE (Conférence des Grandes Écoles) accompagne le développement des initiatives en faveur de l’ouverture sociale et de l’égalité des chances dans les établissements d’enseignement supérieur : sensibilisation et accompagnement vers les études supérieures à destination des lycéens et collégiens issus de milieux populaires, plus de diversité sociale dans les recrutements, accompagnement accru pendant les études et développement de la conscience sociale des étudiants… de nombreux dispositifs sont déployés pour y parvenir. Il n’a de cesse de mobiliser de nouveaux partenaires, monter des cordées de la réussite, accompagner des projets, réfléchir aux publics ou aux territoires concernés…

Un pôle ressources mis en place par la Délégation interministérielle à la Ville et la CGE, et soutenu financièrement par l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, permet de synthétiser les statistiques et les actions dans les grandes écoles, d’analyser l’ouverture sociale des filières longues et sélectives en France.

1 million d’apprentis

L’idée du repas à 1 euro instaurée en 2020 pour les étudiants boursiers et pour les étudiants non boursiers en situation de précarité avérée semblait être une piste intéressante sachant que l’alimentation représente un poste important dans le budget des jeunes. Cette action symbolique forte ne se substitue pas à l’idée du revenu universel pour les jeunes en formation porté par certains syndicats étudiants, mais encore loin de faire l’unanimité.

Toutefois, des solutions existent et l’alternance a, par exemple, démontré tout son potentiel comme levier d’indépendance. La France a franchi, en décembre 2023, le seuil d’un million de jeunes en apprentissage, marqueur social indéniable. Quelles que soient les polémiques et les zones d’ombre actuelles quant au montant de l’aide à l’apprentissage versé aux entreprises par l’État, c’est de l’argent bien investi et un véritable levier vers l’insertion professionnelle pour les jeunes.

Enfin, il est évident que dépenser pour les générations futures doit être considéré comme un investissement d’avenir, sûrement pas comme un coût pour la collectivité. Et en ce sens, la France doit sans doute progresser, pour que l’économie de la connaissance propre à notre monde impose une société de l’intelligence. Et cela passe nécessairement par des têtes bien faites !

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