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De notre rédaction, 20 mai 2021. Il y a un an seulement, le monde subissait la loi Corona : confinement, écroulement économique, multitudes de voix désorganisées s’élevant de tous côtés… Il semblait impossible que le monde dépasse la crise sans changer – et de fait, il a effectivement changé, même s’il est difficile aujourd’hui d’évaluer si c’est pour le meilleur ou pour le pire. Les grands équilibres internationaux, déjà éprouvés avant l’arrivée de la vague planétaire de la covid-19 (notamment par la politique massivement unilatéraliste des États-Unis), sont aujourd’hui revenus à un semblant de stabilité, mais les leaders et les suiveurs ne sont plus les mêmes. Et les institutions internationales, surtout l’ONU et l’OMS, en sont sorties avec une légitimité accrue.

L’Europe renforcée

Malgré un début de gestion de crise chaotique où primait clairement le chacun pour soi, l’Europe a repris du poil de la bête. Les initiatives financières prises ont eu des effets pour une fois ressentis à l’échelle de la population même, qui a trouvé, enfin, des raisons concrètes pour justifier à ses yeux l’existence de l’Union. Et surtout, les manquements – en matière de santé notamment, dus à des limitations de compétences – ont été corrigés. Le débat sur le sens et la profondeur de la solidarité européenne a été long, difficile, mais a finalement abouti à un renforcement des institutions plutôt qu’à leur démembrement. Paradoxalement, de cette crise, l’Europe est sortie renforcée, même si le tableau n’est évidemment pas complètement rose : la division Nord-Sud notamment, bien enracinée depuis la crise économique de 2008, est encore bien réelle. Mais pour la première fois depuis ses débuts, l’Europe a retrouvé du sens et a consolidé sa position internationale de porte-parole du monde occidental.

Amériques du Nord et du Sud, la fin de la chute

Un renforcement qui s’est largement constitué aux dépens des États-Unis. Les errements de la gestion américaine de la crise sous la présidence de Trump sont connus. Leurs effets se font encore sentir, malgré un rebond de confiance international après la victoire démocrate aux dernières présidentielles. Déjà affaiblis avant la crise sur le plan international, les États-Unis ne sont plus l’acteur majeur qu’ils étaient, même s’ils restent une des principales puissances économiques mondiales (Silicon Valley oblige) en dépit d’une reprise plus tardive par rapport aux autres nations. Le modèle américain, notamment en termes de protection sociale – ou plutôt de non-protection sociale – a nettement joué en leur défaveur, avec un taux de chômage réel qui a dépassé, un moment, les 25 %, et une classe moyenne décimée par les retombées économiques et sanitaires de la crise. De quoi aggraver les dissensions internes, qui étaient déjà à un niveau élevé, et créer un climat politique délétère que Biden (élu par des électeurs démocrates presque à leurs corps défendant) a toujours du mal à assainir. Autant dire que face à ces déchirures internes, le rétablissement de la position dominante des États-Unis sur la scène internationale n’est pas encore la priorité. Quant à l’Amérique du Sud, la gestion désastreuse de la crise au Brésil a perpétué l’état de crise quasi-permanent qui y régnait. De ce point de vue, en un sens, rien n’a changé. Bolsonaro, bien décidé à se maintenir, doit à présent affronter une opinion qui le rend responsable des malheurs du pays. Les grandes douleurs ne seront pas muettes.

La Chine phagocyte l’Asie

Indéniablement, le grand vainqueur de la crise reste la Chine, qui continue à surfer à l’international sur sa générosité d’après-crise, malgré les ombres qui subsistent sur l’attitude de la RPC au début de la crise. Non seulement ils ont été les premiers à pouvoir reprendre leurs activités économiques, ce qui a encore plus renforcé leur position d’usine du monde, mais la Chine a acquis quelque chose qui lui manquait jusqu’alors : une réputation, une estime positive de la part du reste du monde (y compris aux États-Unis, du moins depuis peu), qui va de pair, paradoxalement, avec une défiance accrue chez certains. Mais cette montée en grade sur la scène internationale n’est pas sans zones d’ombre. La position, déjà dominante, de la Chine sur le continent asiatique s’est encore renforcée, au détriment des pays qui déjà dépendaient d’elle, comme le Vietnam, l’Indonésie ou encore le Pakistan. Sans oublier Taïwan, pour qui la nouvelle position de force chinoise est bien près de sonner le glas de son indépendance… Et face à l’ogre chinois, les outsiders, comme la Corée du Sud, ont de plus en plus de mal à sortir leur épingle du jeu, même si, à l’évidence, tous ces États satellites veulent à tout prix conserver leur indépendance. Pas sûr du reste que l’Empire du Milieu, comme son nom l’indique, veuille tant que cela imprimer sa marque sur le reste du monde comme, culturellement, l’a toujours voulu l’Europe (ce qui est bon pour moi doit l’être pour les autres). Et non pas seulement demeurer à tout prix l’usine de la planète, « comme avant », à l’heure où l’Europe aspire à relocaliser – mais à quel prix ! – ses industries extériorisées. Dans le même temps, la Russie se trouve dans la position inédite de ne plus être « l’ennemi public » numéro 1, même si la défiance internationale envers le décidément indéboulonnable Vladimir Poutine n’a pas diminué.

L’Afrique, la lueur au bout du tunnel

Pour le continent africain, si le bilan humain et économique final s’est avéré lourd, le « Grand Confinement » a produit un effet inattendu : de la même façon que l’Europe, traverser la crise ensemble, avec un soutien international sporadique (même si, financièrement, l’aide internationale au développement a répondu présent), a renforcé les solidarités interétats. L’Union Africaine, de façon similaire à l’Europe, s’est retrouvée renforcée en interne, d’un point de vue humain comme économique. L’arrivée, longtemps prédite, de l’Afrique sur le devant de la scène internationale, ne semble plus être une utopie, mais une question de temps. De quoi provoquer le prochain bouleversement majeur des équilibres internationaux…

JMB

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