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Pari phygital
Des chatbots à l’intelligence artificielle en passant par la reconnaissance faciale ou visuelle, les innovations technologiques sont nombreuses et permettent aux entreprises et aux marques d’améliorer leur expérience client. Car c’est bien d’expérience qu’il faut parler désormais, plutôt que de relation client. Les interactions entre une entreprise et son client ont lieu aujourd’hui sur de nombreux canaux et prennent des formes diverses. Les entreprises ont donc fort à faire pour construire un parcours client fluide sur toutes les plateformes sur lesquelles elles retrouvent leurs clients, tout en leur proposant une expérience différenciante.
Dans le film Minority Report, Tom Cruise et ses congénères expérimentaient la reconnaissance faciale, leur permettant de recevoir du contenu personnalisé diffusé par des écrans disséminés un peu partout dans l’espace public. Dans le film Her, Joachim Phoenix tombait amoureux de son chatbot personnel, personnifié par la voix de Scarlett Johansson. Sortis respectivement il y a quinze et cinq ans, ces films imaginaient un futur qui n’est peut-être pas si loin aujourd’hui. Ces technologies existent bel et bien aujourd’hui, même si leur utilisation n’est peut-être pas encore aussi poussée que ne l’imaginaient ces cinéastes. Elles évoluent cependant à grande vitesse, et sont au cœur de la réflexion des entreprises pour leur stratégie d’expérience client.
De la relation à l’expérience client
La transformation de la relation client a déjà commencé il y a plusieurs années, avec l’émergence de nombreux canaux d’information, de prospection, d’achat ou d’expression pour les clients. De la phase d’inspiration au SAV, toutes les étapes d’un parcours client ont été éclatées sur de nombreuses plateformes, et les entreprises ont dû suivre le rythme. « Le client a repris la main, ce n’est plus l’entreprise qui décide de la manière dont la relation client se crée », indique Nathalie Innocenti, dirigeante et fondatrice de Mission Capital Client, qui accompagne les entreprises à chaque étape de la construction de leur expérience client. « Pendant longtemps, les entreprises ont construit le parcours client en enchaînant les contacts les uns après les autres, puis le client s’est mis à circuler de manière autonome dans ces différents canaux, ce qui a pu créer des irritants dans son parcours. » C’est pourquoi après être passées du multi-canal au cross-canal, les entreprises ont dû se mettre à l’omni-canal. « Elles doivent mettre en œuvre une méthode de modélisation du parcours client pour identifier tous les points de contact, ajoute Nathalie Innocenti. Notre métier est de décomposer ces étapes, de la phase de recherche au SAV, d’étudier les passerelles d’un canal à l’autre et d’utiliser tous les outils nécessaires pour construire une expérience client augmentée. L’objectif final est de mettre les canaux au service des besoins du client, en gardant en tête la volonté de créer une expérience, un ressenti, un niveau d’affection que va générer l’interaction pour le client. » Surinformé, le client attend en effet désormais une expérience de sa relation avec une entreprise ou une marque. Le rôle du vendeur évolue de fait de l’information vers l’expertise, le conseil, la démonstration.
Les nouvelles technologies nous emmènent dans le futur
Pour créer cette expérience, les entreprises peuvent compter sur les nouvelles technologies qui se multiplient pour enrichir l’expérience client. Les innovations sont nombreuses, et même si elles ne deviendront peut-être pas toutes incontournables, certaines semblent déjà indispensables. Elles font progressivement tomber les frontières entre le virtuel et le réel au profit d’un commerce unique et connecté. « Notre stratégie est d’être au plus proche de nos clients, en étant présents sur les principales plateformes sociales et conversationnelles, au niveau mondial comme au niveau local », indique Florence Estra, directrice du Marketing Digital pour Air France. « Nous avons l’opportunité d’accompagner nos clients pendant et après le voyage en passant par la vente, et nous le faisons notamment grâce à notre équipe de Social Servicing, composée de 150 conseillers qui répondent aux clients dans neuf langues sur les réseaux sociaux. » Et puisqu’Air France mise notamment sur la complémentarité entre les hommes et les robots, la compagnie a dernièrement saisi plusieurs opportunités d’automatisation des relations. La première étape a été mise en œuvre en juin 2017 en permettant aux voyageurs de recevoir tous leurs documents de voyage ainsi que les informations qui leur seront nécessaires directement sur Messenger, la messagerie instantanée de Facebook. Une nouvelle étape a été passée fin novembre 2017 avec la naissance de Louis, un chatbot qui répond aux questions des clients concernant les bagages sur l’interface Messenger. Une question sur le poids des bagages que vous pouvez embarquer, les contenus autorisés, l’emballage d’une planche de surf ou des informations sur un bagage manquant ? Louis vous apporte une réponse instantanée. C’est d’ailleurs l’une des qualités mises en avant par la compagnie pour ce robot conversationnel. « Louis répond aux besoins d’instantanéité des clients, qui sont parmi les plus importants pour les fidéliser, indique Florence Estra. 13 500 clients ont déjà conversé à ce jour avec Louis. Il évolue constamment puisque, basé sur le NLP (Natural Language Understanding), il apprend tout seul. Cependant, le facteur clé de succès d’un chatbot est également qu’un client puisse avoir accès facilement et rapidement à un conseiller si le chatbot ne peut pas lui répondre, ou tout simplement s’il souhaite être rassuré. » Louis répond aujourd’hui aux questions posées en français, cependant il sera bientôt disponible en anglais. Air France ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, puisqu’un autre chatbot est en cours de test auprès d’utilisateurs. Celui-ci interviendra plutôt dans la phase d’inspiration du parcours client, en proposant des idées de destinations en fonction des critères que le client lui aura soumis. Ce prochain chatbot pourrait être lancé dès la fin du mois d’avril. La compagnie travaille également sur d’autres utilisations de l’intelligence artificielle, mais aussi d’assistants vocaux. « L’humain reste cependant au cœur de nos dispositifs, rappelle Florence Estra. L’intelligence artificielle apporte une aide, tandis que l’humain se focalise sur les cas les plus complexes où les moments décisifs de la relation client. »
La digitalisation pour mieux renforcer l’humain
Si les nouvelles technologies s’immiscent de plus en plus dans la relation entre une entreprise et ses clients, les grandes marques n’en oublient pas pour autant l’importance de la relation humaine dans le parcours client. Chatbots, intelligences artificielles et autres objets connectés s’accompagnent donc bien souvent d’une possibilité de contact avec un conseiller ou un vendeur en chair et en os. Certaines entreprises vont même plus loin en repensant leur stratégie pour y remettre de l’humain et de la proximité, y compris en BtoB. C’est le cas de la société Capifrance, un réseau de conseillers immobiliers indépendants. C’est sur la disparition des agences physiques qu’avait misé le réseau lors de sa création en 2002, avec des services proposés uniquement en ligne. « 90 à 95 % des projets immobiliers démarrent aujourd’hui sur Internet, rappelle Philippe Buyens, directeur général de Capifrance. Nous avons fait du web notre unique vitrine, ce qui nous a permis d’investir dans la diffusion de notre offre, mais aussi dans la rémunération de nos conseillers. » La direction de Capifrance s’est cependant rendu compte que si le développement du nombre de conseillers était fort, il était plus limité dans les grands centres urbains. « Lorsque nous recherchons des candidats, nous avons noté que de nombreux candidats étaient en reconversion professionnelle. Pour eux, il était plus sécurisant d’avoir un cadre avec un manager, des bureaux, etc. Par ailleurs, le travail à domicile n’est pas toujours facile dans les grandes villes. » Capifrance a donc fait évoluer son modèle avec le lancement des Ateliers, un nouveau concept de boutiques «de quartier» pour répondre aux besoins de ces candidats. Des lieux qui se veulent fidèles à son modèle existant centré sur le concept «phygital», associant avancées technologiques et représentation territoriale forte. « Nous avons souhaité proposer des lieux qui ont un sens dans les quartiers dans lesquels nos conseillers sont implantés, ajoute Philippe Buyens. Les Ateliers offrent donc l’ensemble des services de Capifrance et proposent une solution complémentaire à nos conseillers pour exercer leur métier. Mais pour participer pleinement à la vie du quartier, une partie de la boutique sera également mise à disposition pour des afterworks sur des thématiques immobilières, mais aussi des animations des commerçants du coin, des expositions d’artistes locaux, etc. ». Une manière de créer du trafic dans la boutique, mais aussi d’ouvrir l’espace pour rencontrer les autres acteurs du quartier, tout en améliorant l’expérience client des conseillers indépendants qui travaillent pour la marque. Dans tous les secteurs d’activité, la digitalisation apporte donc des outils incontournables aux entreprises pour rendre l’expérience client inoubliable, sur tous les canaux. Y compris dans les magasins physiques, qui restent à ce jour les principaux canaux de vente dans le retail, et qui trouvent un nouveau souffle grâce à ces nouvelles technologies.
Evénementiel
Les dernières innovations s’exposent
Si les technologies fluidifiant le parcours client sur Internet sont nombreuses, les marques n’oublient pas d’enrichir l’expérience des consommateurs en magasin, toujours dans l’objectif d’optimiser la complémentarité entre le digital et le physique. Les magasins physiques font d’ailleurs l’objet de nombreuses innovations présentées dans les salons qui sont consacrés à ces nouveautés technologiques. En visitant le Retail’s Big Show de la NRF à New York ou, plus près de nous, en parcourant les stands du salon Viva Technology, plus largement consacré à l’innovation technologique, on peut imaginer à quoi ressemblera le parcours client de demain. Un chariot connecté qui détecte automatiquement les articles déposés à l’intérieur et qui permet de suivre l’avancée des courses, de recevoir des promotions et de payer sans passer par une caisse traditionnelle ? C’est fait, et devrait arriver dans certains magasins du groupe Carrefour au deuxième semestre 2018. Des caméras placées sur les racks pour identifier les produits manquants ou mal placés sont également déjà commercialisées par la société Qopius. Carrefour a également testé en 2017 la diffusion d’hologrammes dans ses rayons. Un totem tactile qui détermine votre humeur pour vous proposer un produit cosmétique ? Ça existe aussi, testé par le groupe d’immobilier commercial Klépierre grâce à la reconnaissance faciale développée par Microsoft. La reconnaissance faciale pourrait également permettre de diffuser à un client des promotions ou publicités adaptées à son profil en magasin. Ce type d’étiquettes dynamiques a déjà été adopté aux Etats-Unis dans l’alimentation et le secteur des jouets pour enfants. La reconnaissance visuelle est également en plein boom, et permettra sans doute très bientôt de pouvoir identifier un objet, et donc l’acheter, simplement en le prenant en photo. Un Shazam des objets, en somme !
Parmi les rendez-vous à venir, les décideurs marketing/comerciaux, IT, les agences marketing, communication et CRM pourront découvrir toutes les solutions du marketing digital et de la relation client aux salons E-Marketing Paris et Stratégie Clients qui sont organisés conjointement du 10 au 12 avril 2018 dans le hall 4 de la Porte de Versailles à Paris. Lors de leur quatrième édition en 2017, les deux salons avaient accueilli 322 exposants et 15 500 visiteurs. Le thème de cette cinquième édition du salon E-Marketing Paris sera le suivant : «Du data driven au people driver : ré-humaniser le marketing». Du côté du salon Stratégie Clients, l’accent sera mis cette année sur la relation client augmentée.
Emilie Massard