Ciel & Terre, la photovoltaïque désormais sur eau

Besso-ike, centrale solaire flottante de 1 426 kWc près de Tokyo
Besso-ike, centrale solaire flottante de 1 426 kWc près de Tokyo

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« Marchés » sur l’eau

Malgré un marché français trop contraint et une fin de collaboration en Angleterre qui auraient pu laisser une note amère, Ciel & Terre démontre avec brio comment explorer de nouveaux marchés avec une innovation de taille: le solaire flottant.

Le photovoltaïque a fait couler de l’encre au début de cette décennie. Sujet sensible, il en était encore à son frémissement économique en 2008. Et le dopage par les ventes du secteur public ne fut qu’un feu de paille. Notre cher pays, en tant que champion du nucléaire perpétue cette valse-hésitation quant à son positionnement face à ce marché. Depuis les différents coups de frein de 2010, le marché a ralenti pour se mettre en dormance depuis 2013. Dans ce contexte, il fallait être un peu de folie pour se lancer dans ce secteur d’activité. Le pari fut pris par l’entreprise Ciel & Terre depuis 2006. Cette dernière développe des centrales solaires photovoltaïques de grande taille, en France et à travers le monde. « Nous avons réalisé des projets en toiture ou au sol en partenariat avec des entreprises comme avec des collectivités jusqu’en 2013, date à laquelle nous nous sommes uniquement tournés vers le solaire flottant tout en proposant le même portefeuille de services. Nous prenons en charge le projet photovoltaïque dans son ensemble: conception, financement, installation et exploitation », introduit Alexis Gaveau, son PDG. Forte de son expérience en développement et exploitation de centrales solaires industrielles, Ciel & Terre a développé en interne une innovation qui lui a permis de dépasser les contraintes du marché français et de s’exporter pour éviter d’être pieds et poings liés par la législation française.

« Notre marché désormais, c’est le solaire sur l’eau en produisant de l’électricité photovoltaïque. Notre premièr compétiteur, ce sont les centrales au sol. Logiquement,pour nous l’objectif, est celui de réduire le prix pour arriver au même prix que la centrale au sol. Nous avons apporté de l’originalité sur le marché du solaire avec notre système Hydrelio®, une application qui permet l’installation de grandes centrales solaires sur l’eau. Le projet a été initié en 2010. Nous avons commencé en 2010. La technologie était prête en 2012 et nous avons réussi à la commercialiser au Japon. Nous avons décidé dès lors de nous concentrer sur ce pays qui est structurellement contraint et doit faire face à un problème évident de place utile », détaille Alexis Gaveau.

L’international comme solution à la mort du photovoltaïque en France ?

Aujourd’hui, Ciel & Terre caresse des ambitions et des perspectives de développement mondiales tout en rendant le produit plus compétitif et mieux protégé. Le développement en 2017 se poursuit en Chine, un des plus importants marchés mondiaux en matière d’énergie solaire. « La problématique du manque de place existe également en Chine notamment dans la Provence d’Anhui, région toute faite de montagnes à l’Ouest de Shanghai. Nous travaillons en ce moment sur un projet de centrale de 70 mégawatts dans un ancien site d’extraction du charbon (l’équivalent développé par Tesla au sol, s’appelle la Gigafactory dans le Nevada, NDLR.) », se réjouit Alexis Gaveau.

Question ordre de grandeur, songez que 50 MW est la puissance consommée par les serveurs de Google et que 100 MW est la puissance électrique dégagée par le barrage de Verbois, dans le canton de Genève, en Suisse.

Aujourd’hui, la plus importante ferme solaire conçue par Ciel & Terre dégage une puissance de 40 mégawatts. « Comme sur de nombreux autres sujets économiques, il y a une folie des grandeurs, une course à la plus grosse installation en Chine. Mais on arrive déjà à un effet de seuil maximal car une centrale de 100 MW poserait notamment des problèmes en matière de place de réservoir.  Il ne faut pas oublier qu’on fait du solaire sur l’eau pour ne pas gêner au sol. Il faut garder cet état d’esprit », ajoute le PDG de Ciel & Terre

C’est notamment cette mentalité empreinte de prudence qui a poussé cette entreprise à prendre ce virage du solaire aquatique. « Aujourd’hui, nous déposons un ou deux brevets par an. Nous essayons de nous protéger avec les règles d’usage des brevets. Notre dernier brevet a été obtenu pour la Chine en juillet. On recherche comment se défendre au mieux. Mais cela ne veut pas dire que cela passe uniquement dans une logique de protection. Cela peut aussi se passer sous la forme de partenariat. »

Une bascule retardée par le marché français

Le photovoltaïque sur l’eau est donc plein de promesses. Mais l’entreprise y songeait avant la crise du marché français. « Contrairement à ce qui s’est dit dans la presse, nous n’avons pas rebondi en tant que tel grâce à notre innovation. Au contraire, si le marché français ne s’était pas arrêté brutalement, nous aurions déployé notre solution encore plus vite », estime le dirigeant.

Effectivement, l’année 2010 se caractérise en France par la fin des prix d’achat d’électricité fixes notamment en termes d’appels d’offres ce qui a eu pour conséquence de mettre sur le même rang les centrales solaires au sol avec les autres énergies… « Les tarifs ont aussi baissé et nous n’avons pas réussi à nous développer entre autres pour cette raison. En 2011, nous avons donc commencé une nouvelle phase de prospection. A notre plus grande surprise, nous avons reçu pas mal d’appels entrants ou de prises de contact d’un peu partout dans le monde notamment via notre site.

Par notre innovation, nous étions devenus attractifs et une fois avoir signé au Japon, nous nous sommes concentrés sur ce pays à fort potentiel pour murir et aller sur d’autres marchés », se remémore Alexis Gaveau.

Aujourd’hui, Ciel& Terre est présente en Chine depuis deux ans et plus largement en Asie du Sud-Est, au Brésil. Elle vient cependant de mettre ses projets en stand-by en Angleterre. « En 2015, les tarifs d’achat ont également baissé. Et aujourd’hui, le Brexit n’aide pas pour nos affaires. Aujourd’hui, nos regards se portent sur Taiwan, qui présente les mêmes contraintes que le Japon. Les Etats-Unis restent un rêve mais cela est rendu plus compliqué par la mise en place de nouvelles taxes parfois rétroactives. On est face à une complexité que nous ne maitrisons pas. L’Inde est également dans notre ligne de mire, mais nous regardons comment y aller prudemment », met en perspective Alexis Gaveau. Aujourd’hui, Ciel & Terre se voit proposer de façon récurrente des licences d’exploitation ou des joint-ventures pour que les pays s’accaparent l’innovation. Surtout, l’entreprise montre avec brio comment ne pas se casser les dents lorsqu’un marché semble difficile d’accès. « Aujourd’hui, notre activité est d’abord une histoire de time to market et d’innovation », car le marché mondial n’est pas encore rentré en phase de maturité.

Geoffroy Framery

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