Julien Sylvain, la renaissance de Leaf Supply à Lemon Curve

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Les dessous du rebond

A 29 ans, Julien Sylvain s’est cassé les dents dans le lit en carton, avant de renaître dans la distribution de lingerie. Retour sur un parcours, des erreurs et des succès hors norme.

A peine le dépôt de bilan de Leaf Supply prononcé en octobre 2011, Julien Sylvain démarrait une nouvelle activité avec Lemon Curve. « Mes proches m’ont demandé avec insistance si j’étais certain de vouloir créer une nouvelle entreprise, se souvient-il. Ne pas vouloir décevoir ceux qui vous soutiennent est un bon moteur quand on se lance dans une nouvelle aventure entrepreneuriale. J’étais dans une situation de rendre des comptes. Ce fut très important pour la suite. » Pas encore serial entrepreneur – « il me faut un succès à mon actif pour cela » –, Julien Sylvain a toutefois clairement orienté sa carrière professionnelle côté business. Etudiant à l’ESCP Europe, le jeune homme fait des stages dans la finance et est au contact de chefs d’entreprise. Fraîchement diplômé, il décroche son premier job au sein du fonds d’investissement de Bernard Arnault. Mais c’est vers son univers proche, vers ses amis designers et ingénieurs, qu’il se tourne pour faire naître sa première entreprise.

Complexité extrême du « marché » de l’humanitaire

Leaf Supply devait porter de grandes ambitions sociétales. « Nous avions imaginé des lits de camp en carton destinés au marché de l’aide humanitaire, raconte Julien Sylvain. Un procédé de fabrication mis au point avec un réseau de partenaires industriels avait été breveté. » Les produits devaient pouvoir être conçus localement, au sein même des pays qui avaient besoin d’une aide d’urgence. Testés pendant un an auprès de la Croix Rouge Internationale, les lits Leaf Supply avaient reçu un excellent accueil de la part des équipes sur le terrain. Fin 2009, après un an de réglages, les premiers lits sont commercialisés. Mais rapidement, le jeune dirigeant se rend compte qu’il a mis les pieds sur un marché déjà très bien structuré et plutôt complexe à pénétrer. « Les organismes humanitaires sont organisés en hubs, implantés dans des endroits stratégiques sur le globe, pour pouvoir déployer rapidement les aides d’urgence nécessaires aux populations en difficulté », explique le jeune dirigeant. Lorsqu’il a rencontré les acheteurs de ces organisations pour signer des contrats, il s’est donc aperçu que son business model, malgré le produit qualitatif proposé, ne correspondait pas aux modes de fonctionnement des cibles. Leaf Supply, forte de deux salariés, se heurte alors à un manque de réactivité du fait de sa petite taille. Une réelle force de frappe commerciale fait défaut. Ayant opté pour des fabrications décentralisées, au sein même des pays, elle est confrontée aux droits de douane, aux coûts du travail différents d’un pays à l’autre, à la flambée du prix des matières premières… Un business plutôt hyper complexe. « J’ai rapidement réalisé que ce serait très dur. Se repositionner ? Nous y avons pensé. Quelques particuliers qui trouvaient nos produits design ont commandé. Des mairies se sont équipées de lits d’urgence. Mais tout ceci n’était pas suffisant pour nous faire vivre. » Au moment de confirmer son unique salarié en CDI, Julien Sylvain se dit qu’il est grand temps de passer à autre chose… L’entreprise accumule quelques dettes. « L’objectif n’a pas été atteint. Le mieux est alors de fermer. » L’aventure s’achève fin 2011.

Réflexion salvatrice

Devenir salarié ? Non. Sur ce point, la réflexion est rapide. Le jeune dirigeant rencontre Agathe Molinar. Comme lui, elle vient d’essuyer un échec entrepreneurial. Ils sont au même niveau et au même stade de réflexion quant à leur prochaine entreprise. « Nous voulions aller vite et surtout, nous avions besoin de pouvoir vivre rapidement de notre travail, se souvient Julien Sylvain. Nous nous sommes posé de suite les bonnes questions par rapport à notre première expérience ratée. Voulions-nous des salariés ? L’international faisait-il partie de notre stratégie de développement ? Souhaitions-nous vendre des produits propres ou être distributeurs ? » Les bases posées, les deux jeunes dirigeants identifient la vente de lingerie en ligne. Lemon Curve, installée en région parisienne, voit le jour en octobre 2011. Ils se répartissent les rôles : Agathe est à la communication, Julien à la gestion. Ils affirment n’avoir eu aucune difficulté pour décrocher un prêt de 170000 euros afin de lancer l’entreprise et lever 1 million d’euros au bout d’un an. En 2014, l’entreprise devrait atteindre un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros. L’équilibre financier est prévu pour 2015. Elle emploie sept personnes. Après la phase de déploiement en France, les dirigeants visent l’international. « Notre large catalogue, avec les dernières collections des grandes marques de lingerie, nous permettra de nous ouvrir à l’Europe à partir de 2016, confie le dirigeant. Il nous faudra travailler l’offre produits et le marketing. Il ne suffit par d’avoir un site traduit en plusieurs langues, encore faut-il l’adapter aux attentes marchés de chaque pays ciblé. »

Créer des emplois plus que des produits

Conscient des erreurs commises, Julien Sylvain ne navigue plus à vue : « Je fixe des objectifs quotidiens pour moi comme pour l’équipe, afin d’identifier les problèmes rapidement et d’avancer ». Dans son rôle de gestionnaire, il a mis en place une stratégie de développement des plus claires. Car tout en regardant vers l’avenir, le jeune dirigeant n’oublie pas l’expérience Leaf Supply. « Je considère encore que ma « vraie » entreprise est Leaf Supply. Nous vendions nos propres produits, confie-t-il. Aujourd’hui, l’approche est très différente avec Lemon Curve, qui reste un distributeur. Mais l’aventure me plait ! Nous créons des emplois. C’est une réelle satisfaction pour un chef d’entreprise. »

Les questionnements des proches étaient donc utiles. « Mes parents – qui m’ont financé pendant la première année de Leaf Supply –, ESCP Europe ainsi que le réseau Entreprendre m’ont aidé à me poser les bonnes questions et à montrer ma motivation »… Ce qu’il semble désormais avoir mis en pratique avec talent..

Stéphanie Polette

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