Page 36 - EcoRéseau n°24
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n°24
CLUb ENTREPRENDRE Interview croisée - Femmes qui osent
Cap(ées)
Dans chaque numéro, EcoRéseau s'intéresse à deux dirigeants/entrepreneurs qui ont un point commun ou une différence fondamentale, afin de connaître leur opinion sur la stratégie, l'innovation, la communication et de montrer
qu'il existe plusieurs manières de manager
Virginie Guyot a été la première et la seule femme à prendre le commandement de la Patrouille de France. Claire Cano, promo HEC 2012, a créé LuckyLoc pour permettre aux professionnels de l’automobile de déplacer leurs véhicules en les louant à des particuliers pour 1 euro. L’une entreprend sa vie avec brio, l’autre crée une entreprise. Rencontre avec deux femmes qui ont contourné tous les obstacles.
Comme vous êtes vous lancées l’une et l’autre dans de tels défis ? Virginie Guyot : Toute pe- tite, je rêvais d’être pilote de chasse. En réalité, le dé- clic s’est produit lors d’un baptême de l’air à l’âge de 12 ans. J’ai eu envie de voler. Mon éducation a en- suite conditionné ce choix. Je souhaitais faire un métier
de pilote de chasse est une formation très difficile, très sélective, qui s’échelonne sur plusieurs années et qui nécessite un investissement personnel intense. Après mes études d’ingénieur, j’ai attaqué trois années de for- mation militaire et aéronau- tique. Puis j’ai suivi des for- mations dans les écoles de pilotage de l’Armée de l’air
d’être maman et ma passion de pilote.
CC : La création d’entreprise n’est pas non plus un long fleuve tranquille ! Notre concept étant très innovant, il nous a fallu convaincre des professionnels de nous suivre dans l’aventure. Au- paravant, les agences qui louaient des véhicules en aller simple faisaient rapatrier
il y a encore des a priori à lever. Heureusement, nous sommes accompagnés par des entrepreneurs aguerris, des personnes dont le métier est d’aider les jeunes créa-
d’avoir une belle carrière. L’Armée de l’air m’a ap- porté ce que j’étais venue y chercher : des valeurs fortes, de la solidarité, du leader- ship, de l’action et de l’aven-
rapatriant le véhicule d’un loueur professionnel. C’est donc la solution pour partir en week-end ou déménager pour pas cher. C’est un ser- vice qui est par exemple
Jeune, je ne voulais pas dévoiler mes ambitions, j’avais peur que mon entourage me prenne pour une folle
d’action, où je pouvais me sentir utile, mettre mon quo- tidien au service de mon pays. bref, ma passion de l’aéronautique, associée à cette vocation militaire, ont naturellement guidé mon parcours.
avant d’être affectée à Reims sur l’avion d’arme que j’avais choisi : le Mirage F1CR, monoplace de recon- naissance tactique et d’ap- pui-feu. A 25 ans, diplômée chef de patrouille sur Mirage F1CR, je suis partie sur le théâtre d’opérations exté- rieures en Afrique et en Af- ghanistan. En 2008, j’ai eu la chance d’être sélectionnée pour intégrer la Patrouille de France, sur la base de Sa- lon-de-Provence. Après une année de commandant en second (« Charognard »), j’en suis devenue le leader pour la saison 2010. En 2012, j’ai rejoint l’état major de l’Armée de l’air à Paris au sein du bureau « Emploi des forces », avant de pren- dre ma retraite il y a tout juste un an. bien que très riche, cette vie profession- nelle s’est construite au prix de sacrifices. Ainsi, j’ai sou- vent été éloignée des miens, ce qui ne m’a pas empêchée d’avoir trois enfants, le pre- mier alors que je volais sur le Mirage F1CR, les deux autres après mon expérience à la Patrouille de France. il m’a fallu concilier ce désir
leurs voitures et camionnettes en les mettant sur des ca- mions, sur des trains, ou de- vaient envoyer leurs em- ployés à l’autre bout de la France pour aller récupérer le véhicule. Cela leur prenait du temps, mais surtout beau-
Claire Cano : En 2009, je suis partie en Nouvelle-Zé- lande effectuer une année d’échange universitaire dans le cadre de mes études à HEC. Sur place, au bout du monde, j’ai découvert l’en- trepreneuriat et le concept du«driveaway»etj’aieu envie de dupliquer l’idée sur le marché français. J’ai lancé le projet LuckyLoc, au cours du Master Entre- preneurs que j’ai effectué par la suite, avec un autre étudiant HEC, idris Hassim, mon associé dans l’aventure. bref, j’avais eu une bonne idée, il fallait absolument que je la développe, pour que ce ne soit pas quelqu’un d’autre qui s’en charge !
Virginie Guyot
Avez-vous rencontré des obstacles dans la construction de votre projet professionnel ? VG : bien sûr, la formation
36 OCTObRE 2015
CC : J’ai encore peu de recul sur cette première ex- périence professionnelle. Nous avons développé un concept qui rend service et qui fait économiser des cen- taines d’euros aux personnes qui l’utilisent. LuckyLoc permet en effet à des parti- culiers de louer une voiture ou un utilitaire en aller simple pour 1 euro symbolique, en
38 ans, mariée, trois enfants. Chevalier de la Légion d’Honneur, Chevalier de l’ordre national du Mérite, décorée de la Croix de la Valeur Militaire,
du Titre de reconnaissance de la Nation, de la médaille de l’Aéronautique et de la médaille d’or de la Défense nationale, le lieutenant-colonel Virginie Guyot totalise plus de 2300 heures de vol et 76 missions de guerre.
©DR
idéal pour les étudiants qui sont sans cesse à la recherche de bons plans pour se dé- placer et déménager de façon peu onéreuse. Aujourd’hui, nous avons d’ailleurs plus d’inscrits sur notre site in- ternet que de véhicules ins- crits. Je pense que LuckyLoc contribue de manière positive à l’évolution de la société, orientée vers le partage. La consommation collaborative, c’est passer de la propriété à l’usage, c’est partager, re- cycler, c’est consommer
coup d’argent ! Nous avons voulu proposer un vrai ser- vice gagnant-gagnant. Des petits acteurs du marché nous ont fait confiance dès le dé- part. Je pense notamment à Fly Car, loueur de voitures et d’utilitaires en région pa- risienne, qui a été le premier à nous suivre. Aujourd’hui, beaucoup de professionnels utilisent LuckyLoc pour ra- patrier leurs voitures. Mais nous n’en sommes qu’au début : l’idée doit séduire le plus grand nombre pour nous permettre de faire du volume.
teurs d’entreprise. Nous avons également eu la chance d’être conseillés par le cabinet Accuracy et hé- bergés par Paris Pionnières, première plateforme d’in- novation des femmes entre- preneures. bref, nous nous sommes entourés de profes- sionnels dont l’aide nous est précieuse.
Quelle(s) satisfaction(s) tirez-vous de vos expé- riences professionnelles ? VG : J’ai eu la chance
ture. Cette expérience m’a forgée et épanouie. J’ai eu la chance de réaliser mon rêve et j’en suis fière.