Page 22 - EcoRéseau n°18
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n°18
PaNOraMa Hexagone - L’euthanasie en débat
Dans chaque numéro EcoRéseau revient sur une problématique très commentée de l'actualité française,
Droit de mort
afin de la décortiquer et de la mettre en perspective (historique, géographique,...)
si un projet de loi du parti EELV visant à légaliser le suicide assisté vient d’être rejeté par le Parlement, « la sédation pro- fonde » pourrait être officiellement autorisée au printemps sur proposition des députés alain Claeys et Jean Léonetti.
EcoRéseau revient sur un débat ravivé par l’affaire Vincent Lambert.
Propos recueillis par Ludovic Greiling
Jean-L*
La législation actuelle autorise-t-elle l’euthanasie ?
Oui car, sous prétexte de lutter contre ce qu’on appelait auparavant « l’acharnement thérapeutique », la loi Léonetti de 2005 en- tend lutter contre ce qu’on nomme désormais
La pratique de la sédation non létale – à savoir endormir une personne pour l’em- pêcher de souffrir mais sans provoquer sa mort – existe et il n’y a pas besoin de loi pour l’encadrer. Mais surtout, la nouvelle loi ne va que compléter l’ancienne qui sub- sistera et qui permettra toujours de provoquer
uc romero
« l’obstination
permet d’arrêter
un traitement jugé
inutile, dispropor-
tionné ou qui a
pour seul effet le
maintien artificiel
de la vie. Or, faute
de définition
claire, on peut au-
jourd’hui provo-
quer la mort d’une
personne qui ne
demande rien, qui
n’est ni malade ni en fin de vie, mais qui encombre. C’est ce qu’a montré avec éclat l’affaire Vincent Lambert, lequel avait été victime d’un accident de la route en 2008. Depuis, il est sorti du coma artificiel dans lequel on l’avait plongé. Il s’endort et se réveille, il digère normalement, il n’est branché à aucune machine, mais on évalue difficilement son niveau de conscience. Pourtant, sans aucune directive laissée par ce patient, sur les simples dires contradic- toires de son épouse, et contre l’avis de ses parents, son médecin avait arrêté son ali- mentation aidée (elle a été rétablie après 31 jours, NDLr), en se fondant sur la loi Léonetti de 2005.
La légalisation de la « sédation profonde » proposée par le rapport Claeys-Léonetti ne pourrait-elle clarifier la situation ?
Ex-secrétaire général de l’UMP,
Unesociétéquise
lamortd’uneper- sonne qui est hors d’état d’exprimer sa volonté. La nou- velle loi va l’élargir en prévoyant une « sédation pro- fonde et terminale jusqu’au décès ».
déraisonnable » qui
aujourd’hui conseiller régional apparenté PS, militant de la mouvance
débarrassedeceux
LGBT et du mariage homosexuel, il préside depuis 2007 l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).
malades incurables ? aujourd’hui, 90% des suicides se font de manière violente. Ne serait-il pas préférable d’accompagner les gens, qui sont souvent en fin de vie ?
dont elle ne veut
plusn’estplus
civilisée
Vous dites que les
lois actuelles sont sujettes à interprétations et dérives.
Que propose la loi Claeys-Léonetti ?
Pourquoi ne pas autoriser le suicide as- sisté, comme cela a été fait aux Pays-Bas ou en Belgique ?
Les partisans de l’euthanasie et du suicide assisté parlent de « mourir dans la dignité », mais il faudrait commencer par aider les gens à vivre dans la dignité. Les personnes qui demandent l’euthanasie le font soit pour ne plus souffrir, soit parce qu’ils ont l’impression d’être un poids pour leur famille et pour la société. Or, de nos jours, la médecine peut soulager ou supprimer la totalité des souffrances, notamment en soins palliatifs. Mourir dignement ne signifie-t- il pas être entouré, accompagné, trouver réponse aux questions existentielles qui se posent au moment de la mort, plutôt que de supprimer le patient ? Une société qui se débarrasse de ceux dont elle ne veut
Les deux points présentés comme les plus grandes avancées concernent un droit à la sédation quasi-létale pour les malades en phase terminale, et l’obli- gation faite aux médecins de suivre les directives anticipées laissées par les pa- tients qui souhaitent mourir. Mais en fait, le médecin pourra décider s’il existe une urgence vitale ou non pour le patient, et il pourra également juger si les direc- tives sont « inappropriées » ou pas. On reste dans la lo-
En Belgique ou aux Pays-Bas, la loi sur l’euthanasie, qui concernait ini- tialement les malades incurables, a été étendue au suicide assisté. Des dé- pressifs ou des enfants de dix ans ont été euthanasiés. N’existe-t-il pas un
gique de la loi
Léonetti de
2005. C’est un
projet fait par
des médecins
pour des méde-
cins et non pour
les patients. Je
pense que le
projet de loi ac-
tuellement en discussion sera changé au travers d’amendements.
plus n’est plus civilisée.
L’euthanasie existedéjà,bien que de manière hypocrite
risque de déra- page ? C’est méconnaître le cadre législatif extrêmement strict qui règne dans ces pays et la situation des patients, qui vivent le plus sou- vent d’énormes souffrances. Il
existe plusieurs étapes pour l’euthanasie d’un enfant. Par exemple, différents mé- decins s’assurent de son souhait et l’ac- cord des parents est obligatoire. De toute évidence, il faudra un jour étendre l’euthanasie en France. Je ne vois pas pourquoi elle serait interdite aux per- sonnes de moins de 18 ans et autorisée au-dessus. L’euthanasie est une garantie. Certaines personnes à qui on annonce une maladie incurable ne vivent que quelques jours, d’autres dix ans. Il faut qu’ils aient le choix de mourir de manière encadrée s’ils le souhaitent.
Jérôme Triomphe
N’existe-t-il pas un risque à légaliser la mise à mort d’autrui ? L’euthanasie existe déjà, bien que de manière hypocrite. La loi Léonetti de 2005 (qui est aujourd’hui intégrée au code de la santé, NDLr) accepte dans les cas de soins palliatifs l’arrêt de la prise de nourriture à la demande du pa- tient, mais aussi une sédation pour lui faire perdre conscience et éviter ainsi des souffrances. autant faire une vraie loi sur l’euthanasie qui pose des condi- tions strictes ! Et pourquoi s’arrêter aux
Mars 2015
Avocat à la Cour, défenseur des parents de Vincent Lambert opposés à son euthanasie,
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*
il a plaidé l’affaire devant la Cour euro- péenne des droits de l’homme, dont la
décision pourrait faire jurisprudence dans l’ensemble de l’UE.
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