Page 64 - EcoRéseau n°18
P. 64

www.ecoreseau.fr
n°18
sTraTéGIE & INNOVaTION NUMérIQUE Regard digital - Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar
« La société française mûre dans son
Fort de votre expé- rience, pensez-vous qu’il soit facile de monter une start-up en France ? Non, cette aventure n’est facile nulle part, ni en France ni ailleurs. alors, bien sûr, on a plus tendance à se plaindre ici. Combien de créateurs d’entreprise s’indignent face au mille-
alors que le covoiturage n’avait pas encore décollé en France. Plusieurs années ont été nécessaires avant de trouver le bon business model, en phase avec les attentes des utilisateurs. a savoir un système de ré- servation en ligne, avec comme valeur ajoutée forte l’engagement au préalable
plication à toujours coller aux besoins des utilisateurs. Dans mon cas par exemple, j’ai fait beaucoup de co- voiturage au début pour tester moi-même le service et affiner notre offre. Et j’en fais d’ailleurs toujours aujourd’hui ! Car n’ou- blions pas que le cerveau ne fonctionne pas de la
des modes de consomma- tion collaboratifs ! ainsi, les Parisiens sont les plus grands adeptes au monde d’airbnb après les New Yorkais. Le fait que Bla- BlaCar et Drivy, deux start- up françaises, soient au- jourd’hui leaders mondiaux sur leurs marchés respectifs, ne relève en rien du hasard. C’est dire si en matière d’économie collaborative, notre pays est à la pointe. Faire du French bashing sur ce point serait pure mau- vaise foi.
utilisation du numérique 2.0 »
Frédéric Mazzella a appris à ses dépens que le chemin de la start-up était semé d’embûches. Le dirigeant de Blablacar, leader mondial du covoiturage, n'en reste pas moins optimiste. Entretien sans blabla.
Combien de voitures, d'appartements ou toutes sortes d'objets de la vie quotidienne sont aujourd’hui sous-utilisés ? Le potentiel pour les start-up du collaboratif est infini
L’économie collaborative a donc encore de beaux jours devant elle...
Plus que jamais ! Dans une société comme la nôtre, où l’usage remplace progres- sivement la possession, l’économie du partage s’im- pose comme une véritable lame de fond. avec des gains démesurés à la clé. Car en effet, combien de voitures, d’appartements ou toutes sortes d’objets de la vie quotidienne sont au- jourd’hui sous-utilisés ? Une fois que l’on a cela en tête, on voit combien l’im- pact de l’économie colla- borative est massif. La va- leur ajoutée d’un tel marché est notable : conférer une couche de communication instantanée à un monde physique aux ressources largement sous-exploitées, et ce, pour permettre un usage de manière 100% op- timisée. au-delà du Bon
feuille fiscal et administratif toujours aussi contrai- gnant ? Pourtant, le plus dur quand on crée une start- up, c’est d’abord de trouver des clients ! BlaBlaCar a aujourd’hui dix millions de membres, mais il nous a fallu du temps pour en ar- river là. Et pour cause : la première version de notre site a été lancée en 2004
des passagers vis-à-vis des conducteurs. Pour trouver son marché, tout startupper du Web doit donc savoir être humble et patient.
La concurrence étant rude sur la Toile, quelles sont les clés pour se distinguer ?
Cela peut paraître banal, mais cela passe par l’ap-
même manière quand il conçoit une solution, et quand il l’utilise. ainsi, en testant nos services, et ceux des concurrents – à hauteur d’une dizaine courant des années 2000 – nous nous sommes démarqués des au- tres en optimisant telle ou telle fonctionnalité. Cette démarche d’amélioration continue vise un objectif : fournir un service efficace et simple d’utilisation, ce qui suppose un travail de r&D constant pour absor- ber toute la complexité inhérente à notre plate- forme.
Quel regard portez-vous sur le marché du numé- rique et ses évolutions ? C’est un créneau plus que jamais incontournable pour tout startupper désireux de se lancer ! au-delà de son caractère encore novateur, le numérique recouvre un champ très large de poten- tialités encore partiellement inexplorées. Et pour cause : on est loin d’être au bout de ce que l’on peut faire avec un réseau mondial connecté comme Internet. Cette révolution majeure n’a pas fini de transformer nos vies, plaçant toujours plus les consommateurs dans une dynamique d’ac-
Bio
L’artiste créateur
Rien ne prédestinait Frédéric Mazzella à s’imposer comme
leader mondial du covoiturage. Né en 1976 à Nantes, ce
fils de profs, primé de piano au Conservatoire de La
Rochelle, effectue des études supérieures modèles : des
classes prépas d’Henri-IV à Paris, à Normale Sup, en
passant par l’université américaine Stanford et la NASA
où il travaille sur la chirurgie virtuelle. Mais le créateur en
herbe, un tantinet artiste, veut davantage de challenge.
Comment tombe-t-il dans la marmite d’Internet ? Un soir
de Noël 2003, alors que tous les trains sont complets pour
rentrer dans sa famille, en Vendée. Constatant que les
voitures sont, elles, vides, il réalise « qu’il y a moyen de
faire quelque chose ». Dès lors, il attrape le virus de l’en-
trepreneuriat en lançant en parallèle de son boulot, à
l’époque dans une start-up informatique américaine, le
site Covoiturage.fr. De longs mois passent avant que le
covoiturage ne décolle, un préalable au lancement du
service en Europe sous un nom plus «international» : Bla-
BlaCar. Le startupper n’embauchera son premier salarié
er
que le 1 janvier 2009. Depuis, la société s’impose comme
une des plus belles Web success stories françaises des cinq dernières années.
64 Mars 2015
« Cette révolution majeure n’a pas fini de transformer nos vies, plaçant toujours plus les consommateurs dans une dynamique d’action »
L’adoption en 2014 de la loi sur l’encadrement du crowdfunding est très ré- vélatrice de la prise de conscience de nos respon- sables politiques quant à l’enjeu stratégique de la transition numérique, tant d’un point de vue écono- mique que sociétal. Main- tenant que le déclic est opéré, il faut accompagner toujours plus ces change- ments. D’autant que la so- ciété française est déjà très mûre dans son utilisation du numérique 2.0. L’exem- ple le plus probant ? Notre acceptation sociale forte
tion. Créer des start-up dans ce domaine est d’autant plus judicieux qu’aucun au- tre secteur que le numérique ne permet de générer aussi rapidement des économies d’échelle. Et ce, grâce au caractère instantané du di- gital qui permet plus faci- lement de se faire connaître en un temps record auprès d’un grand nombre de per- sonnes.
En France, a-t-on la bonne approche poli- tique du numérique ? Je pense que oui. Les pro- grès sont considérables.
ar,
Coin, Deezer, BlaBlaC. et d’autres poids lourds du secteur, les relais de crois- sance d’un tel marché, en perpétuel renouvellement, s’avèrent plus que jamais infinis. L’avènement des MOOCs, dans le domaine éducatif, en constitue une autre preuve flagrante.
Propos recueillis par Charles Cohen


































































































   62   63   64   65   66