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n°18
sTraTéGIE & INNOVaTION NUMérIQUE Business Story - Carmat et ses cœurs artificiels
Retour sur l'histoire d'une entreprise française que les innovations portent vers les marchés internationaux
Cœurs d’or
NLe cœur artificiel Carmat du professeur alain Carpentier sera peut-être considéré comme l’invention la plus importante de l’histoire de l’humanité. retour sur une aventure industrielle hors norme.
é de la rencontre de fabriquer le cœur artificiel lution de financement inno- deux personnalités Carmat. Si l’on additionne vante lui apporte une garantie d’exception, le pro- tous ceux qui y ont participé et une flexibilité comparables
fesseur de médecine alain au cours des dix dernières à une ligne de crédit accordée
Carpentier et le capitaine d’industrie Jean-Luc Lagar- dère, le cœur artificiel Car- mat symbolise ce que l’éco- nomie française pourrait ga- gner à réunir un peu plus souvent le monde de la re- cherche et celui de l’entre- prise. Père de la chirurgie valvulaire moderne, le pre- mier voulait absolument que son travail soit industrialisé en France. Il n’a jamais ou- blié que l’extrême prudence des grands patrons de l’Hexagone l’avait contraint à s’entendre avec les amé- ricains de la société califor- nienne Edwards, dans les années 70, pour développer ses valves cardiaques conçues en tissus d’animaux. Depuis, celles-ci ont vérita- blement révolutionné le mar- ché de la chirurgie cardiaque et équipent aujourd’hui des millions de patients dans le monde. Le second n’a pas eu peur de relever le défi et a fait confiance au lauréat du prestigieux Prix de re- cherche médicale albert Las- ker 2007 pour mettre au point un cœur artificiel or- thoptique, autorégulé et bio- prothétique.
années, plus de 100 per- sonnes ont été impliquées dans ce projet, sans compter les équipes cliniques et mé- dicales », précise Marcello Conviti, directeur général de l’entreprise.
par une banque.
Derrière cette « générosité » des investisseurs se cache non pas le signe d’une mo- bilisation derrière une cause humaniste, mais plutôt la conviction de l’énorme po- tentiel commercial du cœur artificiel développé par Car- mat. Quelque 100 000 pa- tients sont en effet en attente d’une greffe dans les prin- cipaux pays occidentaux et il y a moins de 4000 cœurs de donneurs disponibles chaque année dans le monde. « Aujourd’hui, l’insuffisance cardiaque représente un vé- ritable problème de santé publique, puisque plus de 15 millions d’Européens et six millions d’Américains en sont atteints », souligne Mar- cello Conviti. L’aHa (ame- rican Heart association) es- time que leur nombre aug- mentera de 25% à l’horizon 2030. Le coût est de plus en plus élevé pour la collectivité et 70% des dépenses sont liées aux hospitalisations ré- pétées. L’aHa annonce un triplement des coûts directs liés à l’insuffisance cardiaque entre 2010 et 2030.
Face à cette inflation, le cœur artificiel Carmat re- présente une solution per- mettant le retour à domicile des patients avec une bonne qualité de vie et à un coût comparable à celui d’une transplantation classique. Le produit est destiné aux plus
a l’instar de toutes les start- up biotech qui fleurissent aujourd’hui aux quatre coins de la planète, Carmat est une société « dévoreuse de cash » et son avenir passe encore aujourd’hui par des levées de fonds importantes et par la confiance des in- vestisseurs. « Mais à ce ni- veau-là, nous sommes di- rectement impactés par le succès rencontré ou non avec les premières implan-
jours après l’implantation. Cours de Bourse en chute, Carmat a du faire le dos rond et attendre que les in- vestisseurs digèrent la nou-
PLUSIEURS DIZAINES DE MILLIONS D’EUROS DE PERTES Une vertu qu’il convient d’entretenir, car l’entreprise
tal-risqueur, qui a engagé son fonds Truffle Capital aux côtés du professeur alain Carpentier. La banque pu- blique Oseo est arrivée en-
100000 patients sont en attente d’une greffe dans les principaux pays occidentaux, pour 4000 donneurs par an
tations que nous avons réa- lisées », souligne Marcello Conviti. Une dépendance
velle. « Au début de cette année, l’officialisation du retour chez lui du second
est encore à un stade où elle doit investir lourdement pour aller au bout de son projet.
suite pour compléter la tré- sorerie de Carmat, l’aider à tenir jusqu’au marquage eu- ropéen, c’est-à-dire l’auto- risation d’implanter les cœurs artificiels en Europe, dans le courant de l’année 2015. « Ensuite, nous devrions être en mesure de financer peu à peu l’essentiel de notre développement, en Europe tout d’abord, puis aux Etats- Unis », espère son directeur général. Une issue favorable derrière laquelle l’entreprise court en vain pour le mo- ment, après avoir perdu plu- sieurs dizaines de millions d’euros depuis sa création. Entrée en Bourse sur le mar- ché alternext d’Euronext Paris à l’été 2010, Carmat a déjà levé près de 50 M€. L’entreprise pourra répéter l’opération dans les trois prochaines années, après avoir conclu un accord de « financement flexible en fonds propres » avec la so- ciété de services financiers Kepler Cheuvreux. Cette so-
Car la prouesse scientifique n’aurait pas été possible sans un investissement lourd de la société Matra Défense (Ndlr : Carmat est un acro- nyme résultant des noms de ses fondateurs Alain Car- pentier et Matra), dès le mi- lieu des années 1990. Pen- dant plus de dix ans, Jean- Luc Lagardère a mis à la disposition de Carmat une équipe secrète dotée de fonds importants et des technolo- gies les plus avancées de l’aéronautique en modélisa- tion numérique, mécanique des fluides et systèmes em- barqués. « Aujourd’hui, en intégrant les différents sous- traitants, une cinquantaine de personnes travaillent pour
ts atteints
62 Mars 2015
Une société qui met du cœur à l’ouvrage
de 100000 patien. d’insuffisance cardiaque bi- ventriculaire irréversible ; son potentiel représente un marché adressable de plus de 16 milliards d’euros. Les clés indispensables pour que se rencontrent l’Histoire et une formidable success story entrepreneuriale.
très aléatoire, qui s’est re- tournée contre Carmat lorsque le premier patient implanté est décédé, le di- manche 2 mars 2014, 74
patient implanté, au mois d’août 2014, a incontesta- blement ramené la confiance. »
après le décès de Jean-Luc Lagardère, en 2003, Carmat a pu compter sur le soutien de Philippe Pouletty, un mé- decin français devenu capi-
Jacques Donnay


































































































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