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n°18
CLUB ENTrEPrENDrE Baromètre & Tendances - Focus sur le portage salarial
« Une autre façon de travailler »
Patrick Levy-Waitz, président du Groupe ITG, dresse les contours du portage salarial, manière de travailler atypique qui
Que représente cette forme d’organisation ? Cette configuration permet au travailleur de développer son activité comme salarié d’une entreprise organisée pour gérer l’autonomie im- portante des professionnels qui la rejoignent. Le portage salarial est une sous-caté- gorie du marché de l’emploi qui concerne entre 25000 et 30000 personnes en France. En progression constante de 5 à 10% par an, il concerne tous les types de métiers : ressources hu- maines, finances, marke-
Quel est le profil des salariés qui sont ainsi
« portés ? »
Le portage salarial regroupe deux types de population. D’un côté, des seniors qui subissent le chômage et pour qui le portage salarial permet de maintenir une activité et un revenu ; de l’autre, des jeunes qui font le choix du portage salarial et pour qui ce statut consti- tue une autre façon de tra-
pourrait bien faire de nombreux nouveaux émules.
tion de confiance et la soli- dité financière et juridique de la structure sont donc des éléments clés. Je re- commande d’ailleurs d’étu- dier le bilan de la société de portage avant de s’en-
soutenons également la pla- teforme www.missioneo.fr qui recense des missions et facilite la mise en relation entre les entreprises et les consultants-experts. Le site propose en moyenne 12000
La mutation du monde du travail est peu étudiée. Nous avons pour objectifs de pro- blématiser différemment les questions pour ne pas être dans une logique de conflit et de fonder nos analyses
L’auto-entreprise et le portage salarial s’adressent à des publics différents. Le premier sert à ceux qui cherchent un complément de rémunération
ting...
gager. La société de portage doit apporter une qualité de services satisfaisante et pro- poser un accompagnement. Une structure de portage ne doit pas juste faire du sa- laire, elle a l’obligation d’ac- compagner et de former les personnes portées.
ITG a-t-il développé différents services dans ce sens ?
Nous avons en effet établi plusieurs processus d’infor- mations et d’accompagne- ment. Nous avons ainsi créé des clubs professionnels par métier pour favoriser les contacts ; nous avons éga- lement mis en place des ateliers pour échanger les bonnes pratiques... En par- tenariat avec CrossKnow- ledge, nous avons lancé l’an dernier une académie de formation en ligne avec 10000 modules accessibles pour nos consultants. Nous
offres. ITG investit donc pour créer les conditions de la réussite de ses consul- tants. Nous rassemblons au- jourd’hui plus de 3200 consultants par an et réali- sons un peu plus de 71 M€ de Ca, devant nos princi- paux challengers qui affi- chent respectivement 30 et 40M€deCa.
Vous êtes intéressé par les questions liées à l’emploi et vous avez créé une fondation pour réfléchir à ces sujets. Qu’en attendez-vous ? La Fondation ITG est née, il y a deux ans, de la volonté d’ouvrir une réflexion sur le monde du travail. C’est un think-tank qui réunit, outre ITG, les Groupes alixio et IGs, la CFDT Ca- dres, l’UGICT-CGT Cadres, le cabinet d’avocats Bar- thélémy et le spécialiste du e-learning CrossKnowledge.
et propositions en partant des besoins des personnes.
Sur quelles thématiques avez-vous déjà travaillé ?
En 2013, nous avons réalisé une enquête sur une troi- sième voie entre salariat et entrepreneuriat. L’an der- nier, nous nous sommes penchés sur les transitions professionnelles, avec pour ambition de mieux accom- pagner les personnes lors
vailler.
Entrepreneur mûr pour la légèreté du portage...
des périodes de tra. C’est un immense chantier pour lequel nous avons for- mulé 62 propositions, dont la portabilité des droits tout au long de la vie profes- sionnelle. Cette année, nous allons nous intéresser au rapport entre temps de vie et temps de travail.
L’auto-entreprise est-elle en concurrence avec le portage salarial ? Lors de la mise en place de ce statut, nous avons ressenti une baisse sérieuse d’activité qui s’est estompée car l’auto-entreprise et le por-
tage salarial s’adressent à des publics différents. Un auto-entrepreneur gagne en moyenne 4 000 € par an avec cette activité, cherchant un complément de rému- nération, alors qu’un porté tire sa rémunération de son activité de portage salarial.
Chez ITG, la rémunération moyenne est comprise entre 30000 et 32000 € par an.
Quel est le rôle d’une entreprise de portage salarial ?
La personne en portage nous confie son argent. La rela-
Propos recueillis par Jacques Donnay
nsition.
Juridique
Véritable ovni pour le droit du travail français, le portage salarial bénéficiera bientôt d’une législation solide. Une avancée historique, également signe d’une reconnaissance d’une autre façon de travailler. C’est un vide juridique de près de 20 ans que le Gouvernement s’apprête à combler dans les prochaines semaines en fixant par ordonnance les principes du portage salarial. Défini par la Loi de Mo- dernisation du travail de 2008, puis par l’accord de juin 2010 signé par les partenaires sociaux, le portage salarial a ensuite vu le Gouvernement procéder à une extension de l’accord paritaire de 2010 pour préciser ses contours et clarifier son encadrement. Néanmoins, le cadre ainsi
défini a explosé avec l’annulation de l’accord, suite à
une démarche du syndicat Force Ouvrière et au motif que le législateur s’est défaussé sur les partenaires sociaux et n’a pas défini le cadre juridique du portage salarial.
Le gouvernement devrait remédier à ce vide juridique d’ici le printemps et prendre une ordonnance qui posera les principes du portage salarial. « Le portage salarial est un modèle hybride entre salariat et autonomie. A ce titre, c’est un système compliqué pour le droit français, car il implique une subordination juridique du salarié, d’un point de vue technique, mais pas managérial », explique Patrick Levy-Waitz, président du Groupe ITG, leader du portage salarial en France. D’autre part, les partenaires
sociaux ont toujours fait preuve d’une certaine méfiance vis-à-vis du portage salarial, de crainte que les entreprises soient tentées d’externaliser sous cette forme, plutôt que d’embaucher les compétences dont elles ont besoin. Ces doutes et cette absence de règles devraient donc être bientôt levés. Les principales mesures de l’ordonnance fixant le cadre du portage salarial sont d’ores et déjà connues : une personne autonome avec une expertise et une qualification, une rémunération minimum d’environ 2 400 € brut par mois, des obligations pour les entreprises de portage... La législation va enfin définir les contours d’un statut dont le succès ne se dément pas.
26 Mars 2015
Le portage salarial se dote enfin d’un cadre