Page 82 - EcoRéseau n°24
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n°24
ART DE ViVRE & PATRiMOiNE L’Air du temps - Œnotourisme
Etude d'un sujet de loisir ou d'évasion pour en déterminer ses tenants et ses aboutissants, son évolution, ses innovations
Retour aux sources
N aguère réservées à quelques passion- nés du vin, les vi- sites des domaines et des vignobles français s’ouvrent depuis plusieurs années à un public beaucoup plus large. Néophytes de passage venus découvrir une région et sa gastronomie, épicuriens à la recherche de nouveaux crus, amateurs d’histoire ou de terroirs, vacanciers en quête de calme ou d’authen- ticité... 7,5 millions de tou- ristes ont séjourné dans le vignoble hexagonal en 2010, selon l’agence de dévelop- pement touristique nationale Atout France. Une formule qui séduit visiteurs belges (10%) et britanniques (10%), mais surtout une grande ma- jorité de compatriotes (61%).
Les vignerons français se mettent au diapason de leurs concurrents étrangers. Leurs efforts en matière d'offre touristique ouvrent de nouvelles perspectives...
de Léognan, qui a créé la marque de cosmétique Cau- dalie dès 1995, puis l’éta- blissement de luxe Les Sources de Caudalie, ou, plus récemment, du Château Pape Clément à Pessac, de Fombrauge à Saint-Émilion ou de La Tour Carnet dans le Médoc – tous propriétés de bernard Magrez
par exemple. Pour compren- dre l’influence de ces élé- ments, nous organisons donc de plus en plus de visites du vignoble, autour du village. » Une promenade qui vaut le détour. Sous un climat conti- nental particulièrement sec, les vignes, plantées en co- teaux sur les collines sous- vosgiennes, enserrent la
seulement à pied ou à vélo, mais également en... Segway, en 4x4, et bientôt en autogire, sorte de petit hélicoptère !
Une culture et un patrimoine que de nombreuses maisons préfèrent encore valoriser de manière plus classique. « La plupart des demandes de nos clients portent sur la visite de l’abbaye suivie d’une dégustation au caveau et d’un déjeuner où l’on as- socie gastronomie et vins du domaine, puis, l’après-
l’œnotourisme en 2011. Une démarche imitée par un autre domaine des Corbières, le Château Ciceron, propriété de Claude Vialade (Les Do- maines Auriol). « Nous nous situons dans un environne- ment touristique préservé, à proximité du village mé- diéval et de l’abbaye de La- grasse, dans la garrigue, entourés de vignes, d’oli- viers, d’amandiers », dépeint Valérie Diotte, responsable oenotourisme du domaine audois. ici, la grande maison vigneronne abrite gites, chambres d’hôtes et piscine couverte nichée dans une orangerie pour des touristes souhaitant partager la vie d’un domaine, mais aussi profiter du calme et de la nature. « Nous ne faisons pas de tourisme de masse et proposons des visites et dé- gustations sur-mesure », ajoute-t-elle. Si cette manière de voyager et de découvrir le terroir français trouve au- jourd’hui son public, c’est aussi que les attentes de ce dernier ont changé. Dans sa quête d’authenticité et de retour aux sources, il se mon- tre de plus en plus intéressé par sa manière de consom- mer, en particulier un produit non industriel comme le vin. « A l’exception de quelques clients quasi-professionnels qui s’intéressent aux expli- cations techniques, la plupart des visiteurs veulent simple- ment plonger dans l’histoire du lieu et découvrir la ma- nière de travailler du vigne- ron, remarque Nicolas de Chevron Villette. Ce moment convivial s’inscrit souvent dans une vision idéalisée de
« l’homme aux 40 châ- teaux » –, désormais ouverts au public.
« Depuis une petite dizaine d’années déjà, nous essayons d’offrir une expérience glo- bale à nos clients, compre- nant une visite de notre cave, de nos chais, et de chaque étape du processus d’éla- boration : vendange, livrai- son du raisin, pressage des grappes, chute du jus dans les cuves de fermentation, chaîne de mise en bouteille, dégustation, décrit Anaïs Si- rop-Cattin, responsable ex- port et marketing de la mai- son alsacienne Joseph Cat- tin. Mais les clients voulaient toujours en savoir plus ! Au sujet du terroir et du climat,
bourgade de Voegtlinshoffen, à 10 kilomètres au sud de Colmar. Au milieu du village de 500 âmes, composé de maisons à colombages et vi-
duit et de fidéliser la clien- tèle. « La spécificité de notre maison ne repose pas seu- lement sur le vin, mais aussi sur son histoire, reprend
midi, d’une balade libre ou accompagnée dans le vigno- ble », indique Nicolas de Chevron Villette. ici, pas de gyropode, de survol en mont-
UNE QUÊTE D’AUTHENTICITÉ L’œnotourisme constitue ainsi une nouvelle vitrine pour les viticulteurs, sus- ceptible de valoriser le pro-
UN SEGWAY AU MILIEU DES VIGNES Un succès rendu tout d’abord possible grâce à la profes- sionnalisation de la filière, sous l’impulsion du rapport Dubrule en 2007. « Beau- coup de vignerons considé- raient encore, il y a peu, que faire de l’œnotourisme se limitait à ouvrir un caveau meublé d’un tonneau en at- tendant que les touristes son- nent et se fassent ouvrir la porte par la grand-mère, quand l’accueil n’était pas plus rude ! », s’amuse encore Nicolas de Chevron Villette, directeur du site de l’abbaye de Frontfroide, à côté de Narbonne dans les Corbières, dont le domaine produit 85000 bouteilles par an. Formations spécialisées, in- vestissements dans des équi- pements, du personnel et des lieux d’accueil, offres de plus en plus riches : le secteur de la viticulture fran- çaise prend progressivement conscience de la nécessité de se structurer afin de pro- fiter de cette ressource com- plémentaire.
Plus ou moins tardivement, de grands crus l’ont compris à l’image du Château de Smith Haut Lafitte à côté
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’allégresse... de l’expérience touristique réussie
L'essentiel des questions portent sur le plaisir : sensations suscitées par le vin, association culinaire, arômes
la viticulture à dimen. paysanne ». Ainsi, si vigno- bles et cépages sont abordés pendant les dégustations, l’essentiel des questions por- tent sur le plaisir : sensations suscitées par le vin, asso- ciation culinaire, arômes. Une première manière de voyager dès le verre...
sion
gneronnes, se dresse la de- Anaïs Sirop-Cattin. Il est golfière, ni de pique-nique meure familiale, dont la 11e donc important de la parta- au milieu des vignes : ces génération perpétue au- ger avec nos clients, de les formules visent une clientèle jourd’hui une tradition dé- inviter chez nous pour qu’ils plutôt haut de gamme com- butée en 1720. se rendent compte qu’une posée d’amateurs éclairés, Mais les propriétaires actuels gorgée de vin mêle tradition, généralement membres d’un apportent une touche de mo- artisanat, techniques ances- club œnologique, et parfois dernité à la ballade. Le do- trales et méthodes mo- attirés par le restaurant de maine se parcourt non plus dernes. » l’abbaye, premier prix de
Pierre Havez
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