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n°24
PANORAMA Hexagone - Revenu de base
Dans chaque numéro EcoRéseau revient sur une problématique très commentée de l'actualité française,
L a Suisse va bientôt soumettre à référen- dum une proposition de revenu de base mensuel de 2371 euros... L’exubé- rance n’étant pas la caracté- ristique première des Hel- vètes, il y a fort à parier que cette idée germe déjà dans plusieurs pays développés. Effectivement le Green Party britannique en a adopté une version dans son programme. En Finlande, la plupart des candidats aux dernières élec- tions législatives y étaient favorables. Aux Etats-Unis le militant Scott Santens, qui appartient au mouvement mondial « basic income Earth Network » (biEN) soutenant ce concept, s’il- lustre en faisant appel au fi- nancement participatif pour obtenir une rente mensuelle. En Allemagne l’association MeinGrundeinkommen pro- pose à des volontaires tirés au sort de tenter l’expérience. Pendant 12 mois, ils reçoi- vent 1000 euros par mois, financés par des dons sans aucun contrôle. ils peuvent avoir un emploi, prendre une année sabbatique, faire une formation, être femme ou homme au foyer. En France une motion présentée par le groupe des Verts, vi- sant à financer une étude de faisabilité de l’application du RSA inconditionnel, a été votée en juillet 2015 lors d’une séance du Conseil ré- gional d’Aquitaine. Par le passé le principe a été porté par des personnalités poli- tiques comme Dominique de Villepin ou Arnaud Mon- tebourg, et les propositions les plus abouties quant au financement émanent d’EELV, notamment du sé- nateur Jean Desessard. Car c’est là où le bât blesse. L’Hexagone ne dispose pas comme l’Alaska, qui verse à chacun de ses citoyens 1900 dollars par an, d’un
fait son chemin et provoque moult débats. Y compris en France...
Nouvelle société en gestation ?
afin de la décortiquer et de la mettre en perspective (historique, géographique,...)
Le versement par l’Etat d’une somme à tous les citoyens, quelles que soient leurs ressources,
LA FIN D’UN MODÈLE
Cette idée d’un revenu au- quel tout le monde a droit
de Lille qui travaille sur la protection sociale et la fis- calité. Dans sa forme la plus aboutie, ce revenu se subs-
une société de plein emploi », martèle Martine Alcorta, vice-présidente du Conseil régional d’Aquitaine à l’ori-
duire les dépenses dans cer- tains secteurs. Ce système aiderait à une société moins consumériste, fondée sur plus d’échanges non moné- taires », explique Marc Mo- risset, élu EELV à Saint- Médard-en-Jalles, animateur de la première université d’été du Mouvement Fran- çais pour un Revenu de base.
motion contre le travail », a ainsi déclaré Alain Rousset, président du Conseil régional d’Aquitaine à Martine Al- corta insistant « sur l’obso- lescence de la protection so- ciale et l’urgence à valoriser le travail non marchand et les activités humaines utiles socialement ». Le débat fait rage. Le groupe EELV de Rhône-Alpes a d’ailleurs vu son amendement au budget rejeté. Pourtant les études semblent démontrer que les gens ne s’arrêteraient pas tous de travailler. Une part de la population choisirait de se contenter du revenu de base pour faire des choses gratuites à forte utilité sociale : bénévolat, activités artis- tiques... D’autres continue- raient d’occuper un emploi salarié. Au Canada, le Pro- gramme Mincome a servi à tester le revenu de base entre 1970 et 1974. L’évaluation scientifique réalisée a pos- teriori n’a décelé aucune baisse brutale du taux d’ac- tivité. Les études pilotes me- nées par Guy Standing, pro- fesseur en développement à l’université de Londres et cofondateur du biEN, indi- quent le contraire : « Quand ce n’est plus par peur qu’ils travaillent, les gens devien- nent plus productifs ». ins- taurer le revenu de base en France suppose donc un saut mental dans nos représen- tations collectives du rapport au travail et à l’épanouisse- ment individuel – mais n’est pas impossible de par son caractère universel. « Si les classes moyennes et les riches sont aussi concernés, le système sera mieux ac- cepté politiquement. Car une solution perçue comme une prestation sociale est moins légitime dans les esprits », constate Michael Zem-
Julien Tarby
Une idée qui est encore dans les cartons, mais qui pourrait bien un jour se concrétiser...
DÉBAT TRANS-PARTISAN Evidemment les discussions sont âpres et les détracteurs multiples ; étonnamment le clivage n’est pas politique. La gauche considère ce type de mesure comme un moyen de renforcer le système de protection sociale et de lutter contre les inégalités, quand la droite libérale le perçoit comme un substitut aux aides attribuées en fonction des ressources, nécessitant donc moins de bureaucratie, sup- primant les fraudes d’allo- cataires et ne dissuadant pas les gens de travailler. Même Milton Friedman, connu pour sa foi dans le laisser- faire, voulait remplacer toutes les prestations sociales par un système plus simple associant un revenu mini- mum garanti et un impôt à taux unique. Les contemp- teurs du concept soulignent plutôt la difficulté du finan- cement, pour lequel trois options sont finalement en- visagées : la planche à billets – notamment proposée par l’économiste britannique Anatole Kaletsky pour que la création monétaire profite au consommateur et non aux banques –, un impôt de re- distribution, ou le reverse- ment d’une rente lorsque le pays possède un bien com- mun.
dans le pays, sans condition d’obtention, n’est pas nou- velle. Plusieurs prix Nobel d’économie l’ont défendue sous une forme ou sous une autre, comme Friedrich Hayek, Maurice Allais ou encore James Tobin. Martin Luther King et Richard Nixon l’ont évoquée. Des intellectuels reconnus la dé-
tituerait aux aides sociales sous les conditions qui exis- tent actuellement. L’idée part du principe que les structures du monde du travail sont en train de changer et que les vieux modèles – travail ré- munéré pour gagner sa vie, travail au foyer non rému- néré, allocations chômage, compléments pour les sa-
gine de la motion. Selon une étude récente de l’université d’Oxford, 47% des emplois existants sont susceptibles d’être automatisés dans les 20 ans à venir. Avec ce re- venu de base les citoyens n’auraient plus forcément à s’enrichir pour vivre. « Les syndicats sont corporatistes et rejettent bien souvent
Quand ce n’est plus par peur qu’ils travaillent, les gens deviennent plus productifs
fendent aujourd’hui. « Le laires les plus faibles et aides l’écologie parce qu’ils sen- montant est essentiel. 300 sociales – ne tiendront pas tent qu’elle peut menacer euros reviennent peu ou prou le choc. Face à une automa- les emplois. Ce revenu de à un impôt négatif. Plus de tisation et une robotisation base permettrait à chaque 1000 euros signifient une qui véhiculent du chômage personne, s’il est suffisant nouvelle société, où les trans- et une perte de pouvoir pour elle, de se détacher de ferts et la redistribution sont d’achat, l’éducation et l’ac- l’emploi et de se consacrer repensés », précise Michael tualisation des compétences à autre chose. Elle pourra Zemmour, économiste maître ne pourront rien à l’avenir. par exemple aider son en- de conférences à l’université « On ne reviendra pas à tourage, permettant de ré-
LE PASSAGER CLANDESTIN À OUBLIER
Mais la principale crainte des opposants est de favori- ser la paresse. « C’est une
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fonds pétrolier.
mour.
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OCTObRE 2015


































































































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